Le PQ aurait-il tué la FEUQ ?

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Les 40 000 étudiants de l’Université de Montréal viennent de quitter la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). C’est un dur coup à encaisser pour celle qui était la plus «grosse» des associations étudiantes au Québec.

La lente agonie de la FEUQ s’est poursuivie hier avec la désaffiliation de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM). Après avoir réussi à maintenir à bord les 14 000 étudiants de premier cycle de l’Université de Sherbrooke de la FEUS, la FEUQ se retrouve après ce nouveau départ avec moins de 80 000 étudiants représentés, ce qui change passablement la donne en terme de représentativité étudiante.

Au printemps 2012, Martine Desjardins alors présidente de la FEUQ affirmait représenter «125 000 étudiants universitaires des quatre coins du Québec». Elle pouvait se targuer alors de présider la plus «grosse» des associations étudiantes au Québec.

Depuis le sommet de 180 000 membres atteint en 2004, une première perte de 55 000 membres avait déjà passablement diminué la «force de frappe» de la FEUQ. Il faut dire qu’elle ne l’a pas eu facile depuis deux ans avec trois présidents pour occuper la fonction pendant cette période de turbulence.

La démission de Antoine Genest-Grégoire (successeur de Martine Desjardins) avait résulté du départ des 2 500 étudiants de l’Association générale étudiante du campus de Rimouski (AGECAR) qui a eu lieu en octobre 2013. Thierry Morel-Laforce a occupé la fonction sur une courte période avant Jonathan Bouchard, l’actuel président qui doit composer avec la présente situation.

Questionné sur la désaffiliation de la FAÉCUM, Jonathan Bouchard affirme que la fédération qu’il dirige a «rencontré ses associations à de nombreuses reprises dans les dernières semaines et toutes ont réitéré leur solidarité à la FEUQ».

«Elles sont prêtes à continuer la croissance des moyens de pression, notamment face aux nouvelles coupes dans les universités annoncées ce jeudi dans le budget du Québec. À ce titre, nos priorités demeurent donc la représentation et la défense des intérêts des étudiants.»

Dans une publication étudiante on posait la question le 20 mars dernier de savoir «pourquoi la FEUQ ne se défend-elle pas sur le campus», sur l’éventualité de «la remplacer par un autre» ?

Jonathan Bouchard avoue «qu’il n’y a pas vraiment eu de campagne à l’Université de Montréal, puisqu’il n’y a jamais eu de période de campagne formelle».

«Depuis que la FAÉCUM nous a communiqué vouloir consulter ses étudiants sur la question de la FEUQ, nous avons toujours demandé de tenir un référendum auprès de l’ensemble des étudiants de l’Université de Montréal, ce que la FAÉCUM a refusé toutes les fois. Il est à préciser que nos règlements précisent que toute affiliation/désaffiliation doive se faire par référendum; c’est une règle que la FAÉCUM a maintes fois défendu par le passé, afin d’assurer que cette décision importante passe par le même processus démocratique pour toutes les associations du Québec. La FAÉCUM a d’ailleurs consulté ses étudiants par référendum de nombreuses fois au sujet de la cotisation de la FEUQ.»

Les autres associations de la FEUQ seraient «frustrées» de la situation, selon M. Bouchard, «la FAÉCUM ne considérant pas qu’elle doive répondre aux mêmes standards qu’elle a exigé de toutes les autres associations».

Que s’est-il donc passé avec la FEUQ?
En 2009 à l’occasion de ses vingt ans, Éric Bédard (historien à la TELUQ) a prétendu que «la FEUQ avait donné de la crédibilité au mouvement étudiant et a été une pépinière pour la classe politique» (source).

Au Quartier L!bre (Journal indépendant des étudiants de l’Université de Montréal), on ne se gêne pas pour citer un rapport remis aux représentants des différentes associations dans lequel on affirme que «la FEUQ n’est plus en mesure de répondre aux aspirations de ses membres et n’est plus efficace d’un point de vue politique» (source).

«De cette véritable machine de guerre du début des années 2000, il ne reste que la vision floue d’un héritage répété, mais incompris.»

Un ex-membre de la FEUS (Université de Sherbrooke) affirme également que «La FEUQ est condamnée à l’échec depuis le début».

Ludvic Moquin-Beaudry (blogueur au Ricochet et militant politique depuis plusieurs années) prétend d’ailleurs que la FEUQ et sa petite sœur de niveau collégial, la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) ont trop souvent adopté «les façons de faire d’une classe politique qui répugne une portion toujours grandissante de la jeunesse».

«Souvent perçues comme les clubs-écoles du Parti québécois (Salut Léo! Bonjour Martine!), les fédérations ont le plus souvent adopté une posture et un langage qui s’apparentent davantage au lobbyisme qu’à la lutte.» (source)

Difficile de ne pas lui donner raison quand on observe que d’illustres membres de la direction de la FEUQ et de la FECQ ont fait de la politique partisanes dans les années qui ont suivi leur engagement dans le mouvement étudiants. Les Martine Desjardins (2011-2013), Léo Bureau-Blouin (2010-2012), Pierre-André Bouchard St-Amant (2004-2005), Pascal Bérubé, (1998-1999), François Rebello (1994-1996) ont d’ailleurs en commun un certain attachement au Parti Québécois (PQ).

Celui qui est aussi professeur de philosophie au collégial pense que «la FECQ et la FEUQ ont creusé un fossé entre elles-mêmes et leurs membres», ce qui expliquerait les nombreuses désaffiliations. Pendant ce temps, «c’est la dynamique inverse qui s’est produite à l’ASSÉ: comptant 40 000 membres en janvier 2012, elle en a maintenant plus de 80 000».

La fameuse «lutte» à laquelle fait référence M. Moquin-Beaudry semble incarnée par cette association qui s’est empressée de me répondre quand je me suis demandé en vue de l’écriture de ce billet si elle n’était pas devenue «l’asso qui rallie le plus d’étudiants au Québec?»

L’attaché de presse Justin Arcand a «même avancé que ce nombre était supérieur à 82 000» rapporte Ici Radio-Canada.

Les problèmes de la FEUQ semblent donc fortement liés avec cette impression d’un lobbying politique plus fort que la défense par la lutte et la confrontation avec cette même classe politique.

Le blogueur du Ricochet avance que le déclin irréversible de la FEUQ s’est peut-être concrétisé avec la venue au pouvoir du gouvernement Marois…

«Et cela est d’autant plus vrai que, pendant les 18 mois du gouvernement Marois, les fédérations ont été incapables de tenir un discours musclé, alors que l’annonce de l’indexation des frais de scolarité suite au cirque du « sommet » de 2013 a été largement perçue comme un recul par rapport au gain de la grève de 2012. Par cette timidité, les fédérations ont prouvé qu’elles étaient incapables d’assumer une position forte lorsque le PQ est au pouvoir.»

L’un des chantiers du « sommet de 2013 » dont parle Ludvic Moquin-Beaudry a d’ailleurs été présidé par Pierre-André Bouchard St-Amant (celui sur l’aide financière aux études).

La FEUQ avait été créée en 1989 pour lutter contre le dégel des droits de scolarité. Les droits de scolarité sont maintenant dégelés et la FEUQ n’a plus vraiment de rapport de force sur cette question.

La défense du droit de grève des associations étudiantes a un temps constitué un enjeu qui tenait particulièrement à coeur au secrétaire général de la FAÉCUM, Vincent Fournier Gosselin. Dans une entrevue récemment accordée à Quartier L!bre, on peut interpréter qu’ici encore, le PQ a peut-être créé de faux espoirs…

«Je peux dire une chose, cette entrevue a été réalisée alors que le gouvernement péquiste était au pouvoir. À cette époque, il y avait une ouverture pour revoir le droit de grève des associations étudiantes. C’est un dossier que j’ai mené en tant que coordonnateur externe, auprès du ministre de l’Enseigne­ment supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie de l’époque, Pierre Duchesne. Depuis l’élection du gouvernement libéral, il y a eu une fin de non-recevoir directe, et entamer la discussion n’aurait pas été productif.» (source)

Encore ici, on peut probablement dire que le PQ aura peut-être agi pour que «le consensus de la FEUQ» vive sur du temps emprunté.

L’ASSÉ ne doit pas se réjouir trop rapidement
Les étudiants de l’Université de Montréal quittent donc la FEUQ, mais cela ne signifie pas qu’ils demeureront sans affiliation nationale. Déjà des associations universitaires en régions semblent avoir «établi les fondements de ce qui pourrait être une prochaine association étudiante nationale au Québec» (source).

De plus, on raconte ici et que plusieurs « assos » dont la Confédération des associations d’étudiants et d’étudiantes de l’Université Laval (CADEUL), l’Association étudiante des sciences de la gestion de l’UQÀM (AéESG) et la FAÉCUM cherchent à créer une nouvelle association nationale.

Le potentiel de rassemblement d’une nouvelle association étudiante nationale est intéressant:

  • FAÉCUM : 40 000 étudiants
  • CADEUL : 28 000 étudiants
  • AéESG UQAM : 14 000 étudiants
  • AGE UQTR : 10 000 étudiants
  • REMDUS : 7 000 étudiants
  • MAGE-UQAC : 6 500 étudiants
  • AGECAR : 2 500 étudiants

Un regroupement qui pourrait donc atteindre le total de 108 000 étudiants est ainsi possible et j’oublie sûrement des associations…

Chose certaine, il est très peu probable que l’une de ces associations joignent l’ASSÉ: «L’affiliation avec l’Association syndicale pour une solidarité étudiante ne serait pas envisageable en raison de la divergence des moyens de consultation et de revendication entre les deux groupes étudiants».

Le rapport dont je parlais plus haut est assez éloquent sur cette question ou sur celle de rejoindre la FEUQ…

«Une des plus grandes associations étudiantes au Québec, la CADEUL (Université Laval, premier cycle), est très claire sur sa volonté de ne pas affilier la FEUQ. Les autres associations, soit le SSMU (Université McGill, premier cycle), l’AGEUQTR (Université du Québec à Trois-Rivières), l’AGEUQO (Université du Québec en Outaouais) et le REMDUS (Université de Sherbrooke, cycles supérieurs) ne démontrent pas de volonté d’affiliation à court ou à moyen terme.»

La volonté de «coaliser l’ensemble des associations étudiantes sur des principes plus consensuels, plus transparents, plus flexibles» semble plus forte que le désir de s’allier à l’association qui privilégie la lutte et le combat contre l’austérité et l’exploration/l’exploitation d’hydrocarbures au Québec.

Déjà la FAÉCUM travaille sur une «consultation sur la révision de sa représentation nationale». «S’unir nationalement», semble constituer une des priorités de Vincent Fournier Gosselin (secrétaire général de la FAÉCUM) quoiqu’il advienne (source).

Le réveil de la Coalition des associations et des syndicats de l’UdeM (CASUM) est aussi à l’ordre du jour.

«La FEUQ n’était plus assez représentative et de ce fait n’avait plus le poids suffisant pour faire avancer ses dossiers et pousser ses mandats» (source).

La suite des évènements sera intéressante… d’autant que le PQ et la FEUQ n’ont peut-être pas dit leur dernier mot.

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