Note : Ce billet a d’abord été publié au Huffington Post Québec dans la section « blogue ».
Dans sa forme actuelle, le Projet de loi qui vise à modifier la Charte de la langue française n’a aucun avenir. La formation politique pour laquelle je travaille et milite va consentir à ce qu’il soit bientôt étudié « article par article », mais de mon point de vue, l’obstination idéologique des deux vieux partis risque d’entraîner le Projet de loi 14 dans une spirale de procédures.
La première étape du cheminement de ce projet de loi qui se terminait la semaine dernière a été très instructive.
Six semaines après avoir commencé la consultation publique sur le projet de rafraichissement de la loi 101, la Coalition Avenir Québec a fait connaître sa position (En) au sortir d’un caucus des députés.
J’ai écouté/lu attentivement les interventions des individus et des organismes qui qui sont venus aux audiences (un « best of » ici) et j’ai participé à documenter notre argumentaire, à la CAQ.
Si je suis très fier du travail de notre équipe au service de la recherche et des politiques en commençant par celui de notre députée Nathalie Roy, Porte-parole du deuxième groupe d’opposition pour la Charte de la langue française, celui de mes adversaires me paraît nous conduire nulle part.
Lorsque Philippe Couillard a été élu chef du PLQ, il a laissé croire « qu’il est[était] prêt à examiner les amendements que pourrait soumettre le gouvernement », ce qui suppose qu’à ce moment, il était d’accord pour franchir l’étape du vote « sur le principe ». Non seulement le parti libéral votera-t-il contre la poursuite des travaux, mais il y a tout lieu de croire que ses députés utiliseront tout le temps de parole possible et imaginable pour faire de l’obstruction systématique (filibuster). Le dernier communiqué du porte-parole libéral au dossier vient démontrer qu’il n’y a plus de nationalisme dans l’ancien parti de Robert Bourassa. Traiter notre chef de péquiste parce que nous osons prendre à coeur la défense du français de manière constructive et intelligente… on ne peut pas dire que Philippe Couillard a le contrôle de l’aile la plus extrémiste de son parti.
Le parti québécois n’a pas le monopole de la défense et de la promotion de la langue française. Marc Tanguay le sait sûrement, lui qui a déjà été attiré par l’approche du PQ, à l’époque…
Du côté de la ministre responsable de la Charte de la langue française, l’écoute de cette entrevue suite à l’annonce de notre position est éloquente : Mme De Courcy est sereine et se souhaite « de nombreux reculs »…
Mme la ministre a-t-elle les coudées franches avec les plus zélotes de son parti ?
Avant le début de la consultation publique, quelques enjeux nous posaient problèmes et nous n’avons rien entendu pour nous faire changer d’idée depuis :
- La compétitivité des entreprises québécoises risque d’être inutilement affectée par de nouvelles exigences qu’imposent actuellement le projet de loi 14. Appliquer les mêmes mesures à des petites entreprises de partout au Québec que celles encadrant les plus grosses ne fera progresser ni l’économie, ni la langue française !
- Le statut bilingue de certaines municipalités ne menace pas le français au Québec et vouloir l’abolir, au contraire, menace la paix linguistique actuelle.
- La mesure qui forcerait les enfants de militaires francophones à ne plus fréquenter l’école en anglais menace leur réussite scolaire, leur capacité d’adaptation lors de leurs séjours à l’étranger et ne contribue en rien à protéger le français puisqu’elle ne touche qu’une extrême minorité de familles.
Depuis six semaines, d’autres enjeux sont devenus très préoccupants au point de devenir des obstacles à l’adoption du projet de Loi. On n’a qu’à penser, par exemple, aux jeunes qui fréquentent le Cégep qui sont des adultes ayant le droit d’opter sans contrainte pour l’établissement d’enseignement supérieur qui correspond le mieux à leurs aspirations scolaires et professionnelles. Nous partageons l’avis de la Fédération des Cégeps qui est contre la limitation de l’accès aux cégeps anglophones pour les francophones.
Et il y en a d’autres…
Nous sommes toujours animés de bons sentiments face à la protection et la promotion de la langue française en particulier pour réussir l’immigration des quelque 50 000 nouveaux immigrants chaque année et un projet de loi bien fait pourrait y contribuer. Mais je ne serais pas surpris que le gouvernement utilise un prétexte ou un autre pour retirer sa loi.
Déjà, plusieurs voix parmi les plus exaltés (au PQ et hors du PQ) font des pressions pour attendre d’être en posture d’un hypothétique gouvernement majoritaire pour présenter LA loi réclamée. Les manoeuvres parlementaires du parti libéral exaspèrent déjà le parti québécois dans le contexte de l’adoption à l’étape du principe du Projet de loi 33 (Loi modifiant la Loi sur les conditions de travail et le régime de retraite des membres de l’Assemblée nationale).
Le « jeu parlementaire » sera intéressant à suivre dans les prochaines semaines… mais il pourrait s’étirer en longueur.
Nous, de la CAQ, nous nous présenterons aux prochaines étapes du cheminement du Projet de loi 14 toujours animés par la volonté d’être constructifs et de voter la meilleure loi possible, mais j’ai bien peur, dans les circonstances, que son adoption ne soit pas pour bientôt !