Enseignants et partage de ressources

Lecture du dimanche matin… Un texte que j’avais mis de côté et qui porte un titre accrocheur: « Why Teachers Don’t Share Resources, And What We Can Do About It« . D’entrée de jeu, une petite histoire pour situer le propos (traduction libre):
« Après la conquête d’un liberté retrouvée face à un tyran qui sévissait depuis peu, un village proposa de célébrer sa victoire par une grande fête du partage. Chaque villageois décida d’apporter deux crus de leurs meilleurs vins qui seraient en entier versés dans une grande cuve pour symboliser l’unité avec laquelle ils ont combattu. Un villageois avare (chaque village en a au moins un) a pensé mettre de l’eau dans son récipient au lieu du vin, calculant que la dilution ferait en sorte qu’il passerait inaperçu. Pendant que le village entier se tenait en ligne, vidant leur pot de vin dans la cuve, il s’assura que personne n’ait découvert son subterfuge. Enfin est venue la soirée du grand partage. Comme les villageois étaient recueillis avec leur gobelet autour de la cuve, le chef nouvellement désigné a prodigué un discours qui inspira fortement chacun. En réaction, les villageois proposèrent que le chef soit le premier pour remplir son verre à partir de la cuve. Le chef accepta joyeusement ! Quand le chef plaça sa coupe sous la cuve et la bascula pour l’écoulement du vin, il fut le premier, étonné de trouver son verre rempli avec de l’eau clairŠ »
Ça commence bien ! Heureusement, la suite du texte est plus encourageante… Greg Webb expose par la suite son propos entrecoupé de commentaires de participants à son atelier qui semblent participer à Networking 2000. Quelques extraits:
« Some Reasons Why Teachers are Reluctant to Share
 Lack of quality
 Fear of being judged by peers
 Loss of intellectual property
 Inequity Loss of power
Why is Sharing Desirable
 Standardising course delivery and applying quality assurance
 Maximising organisational investment in resource development (that component of lesson preparation included in all teacher’s time) by reducing duplication
 Improving quality of delivery by making more teacher time available to support learners
What are the Answers
 Getting teachers to work in teams
 Creating a code of ethics to respect intellectual property and honouring original work
 A system that addresses the inequities of those that do and those that don’t
 A relaxation of the rules that will foster resource development »
Je retiens en particulier ce dernier paragraphe que je me risque à traduire à propos de la rubrique « amener les enseignants à travailler en équipe » parce qu’il me fait réagir:
« L’enseignement a traditionnellement été un métier isolé et d’isolement. Un professeur travaille avec un groupe d’étudiants sous un rapport de pouvoir. Ce que le professeur dit est « vérité » et les étudiants obéissent parce qu’à la fin de la journée, ils veulent passer le module et le professeur est habituellement celui qui évalue. La classe est le royaume du professeur. Il y a peu ou pas de crédibilité pour la qualité de l’enseignement ou des ressources utilisés. Dans cet environnement d’isolement, il est remarquable que les professeurs ose s’entretenir même avec des professeurs au sujet de ressources partagées. Faire en sorte que les collègues travaillent en équipes brise le royaume de l’isolement et apporte aux professeurs une ouverture à partager des problèmes et à échanger des ressources. »
Briser l’isolement ! C’est peut-être la barrière la plus solide qui nous enchaîne dans le paradigme de l’enseignement. Pour passer à une préoccupation davantage centrée sur les apprentissages, il importe de s’ouvrir et cela fait mal au début. Nous n’avons pas été habitués à exposer nos pratiques. À la suite du précédent billet, JLR mentionne à quel point la transparence lui apparaît importante. Certes, enseignants et directeurs se cachent dans l’isolement; ils se protègent également. En apparence, se dévoiler et partager, s’exposer nous rend encore plus vulnérables. Mon expérience va dans le sens contraire présentement mais je reconnais être passé par cette phase où je ressentais la critique, la réaction ou la rétroaction et la réplique comme une attaque à mon intégrité (personnelle ou professionnelle). « Le prendre personnel »…
Autant en terme de gestion de classe (encadrement, discipline) qu’au sujet des apprentissages, l’ouverture et l’échange favorise l’émergence d’un climat stimulant et nourricier à l’école. Il faut être plus organisé, investir plus de temps dans une planification rigoureuse du contenant (des « possibles ») et être à l’écoute pendant l’action d’enseigner du « comment les apprenants réagissent-ils ? ».
Une anecdote en terminant (je fais un lien avec tout un pan de ma jeunesse). J’ai joué au baseball pendant des années dont les dernières dans un fort calibre. À chaque jeu défensif, on m’avait appris à me demander quoi faire si la balle m’arrivait. Mentalement, l’idée était de préparer « mon jeu ». Une fois sur dix parfois, j’avais la balle. Dix fois sur dix, je devais penser vite (dans un jeu en apparence lent) pour planifier mon action et m’adapter à la situation. La discussion sur le banc avec les instructeurs ou les autres joueurs était la clé de mon amélioration. Quand je ne lançais pas, on spéculait sur ce qu’il fallait faire dans telle ou telle situation. Me parler seul aurait été proprement inefficace, à mon avis. Sur le terrain, je ne pouvais tester ma réponse qu’une fois sur dix. Était-ce un bon entraînement pour ma mutation à venir vers le paradigme de l’apprentissage ? « Let’s play ball, teacher »…

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