J’ai été étonné de lire cette manchette dans le contexte du conflit qui oppose le gouvernement du Québec et les principales associations étudiantes post-secondaire. Sur le simple plan de la communication, il me semble que le bon sens aurait été de donner une chance au nouveau ministre de l’Éducation en évitant les déclarations pouvant polariser les positions. Mais non, sa stratégie était la suivante :
« «Je trouve que c’est une bonne idée de communiquer aux gens ce qui se passe en ce qui concerne le financement des études post-secondaires au Québec», a dit M. Charest, lors d’un point de presse à Dégelis, dans le Bas-Saint-Laurent, où il était de passage dans le cadre d’une tournée régionale. »
Ça m’a trotté dans la tête dès le moment où j’ai lu sa déclaration. Je me suis demandé s’il avait échappé « cette prémisse » sans savoir vraiment où il s’en allait avec ça où si ça faisait partie de son plan de communication, de sa stratégie de négociation. Je ne suis pas plus avancé aujourd’hui sur ce terrain, mais je me suis dit que je pourrais apporter une certaine contribution si je parvenais à savoir au moins si c’était vrai que nos étudiants sont «les mieux traités au monde» !
Les trois associations étudiantes (la FEUQ, la FECQ et la CASSEE) ont réagit très rapidement en disant : «À 1862 $ de frais moyens par année, on est loin d’être les mieux traités au monde. En Europe, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, l’Islande, l’Irlande, la Norvège, le pays de Galles et l’Écosse n’exigent aucun droit de scolarité». Était-ce là la seule source dont j’avais besoin pour infirmer « la prétention » de notre Premier ministre ?
J’ai cherché un peu plus loin. J’avais repéré Alex Usher qui me semblait posséder les qualités d’une personne capable de m’aider dans cette tâche de discerner qui a tort et qui a raison. Et puis ce midi, l’émission de radio « Les affaires et la vie » annonce qu’elle diffusera une entrevue avec le personnage (en passant, pas si pattes blanches que cela M. Usher!) dans le cadre d’un reportage portant le titre « Nos étudiants sont-ils si favorisés que ça ? »
Au sortir de l’écoute du reportage de Jean Racine, on n’est pas beaucoup plus avancé. Les élèves « dépendants de leurs parents » (60-70 % des étudiants québécois semble-t-il) sont très favorisés par rapport au reste de l’Amérique du nord par l’accès aux études par des frais de scolarités très bas, sommes toutes. Si on regarde du côté des européens, la comparaison est moins avantageuse si on se fie à Éric Charbonnier (il est à l’origine de cette recherche) qui statue que le finacement public au niveau universitaire là-bas est presque total (sauf en Grande-Bretagne) même si la qualité de cette formation peut être questionnée dû à ce financement qui s’avérerait plutôt inadéquat…
Quand on regarde les jeunes qui ne peuvent compter sur des parents capables de les soutenir, on se rend compte que beaucoup d’aide était disponible, mais avec la dernière proposition gouvernementale, on ne peut plus parler d’un système d’aide aussi généreux. De fait, c’est comme si en Europe la tendance était vers la recherche pour se donner plus de moyens (augmenter la part privé du financement car 90% du financement est public en Europe), alors que de ce côté-ci de l’Atlantique, le défi est de se donner plus d’accessibilité (puisque la part du public est de l’ordre de 70% en Amérique). Je retiens donc que le Québec est une sorte « d’enclave européenne » qui est à contre courant en Amérique, mais tout-à-fait dans le ton en Europe !
Le problème en est donc un de frais de scolarité finalement. Si le gouvernement ne s’était pas peinturé dans le coin avec sa promesse de les garder bas, on pourrait offrir plus d’équité dans l’augmentation de la part « non-publique » du financement des études post-secondaire. « Équité » faisant référence au fait que ce sont les étudiants « indépendants » qui se farcissent le gros du fardeau des effets des dernières mesures gouvernementales. J’aime bien les arguments de Mathieu Laberge (ex-dirigeant de la FECQ), le dernier invité de Jean Racine qui disait que de d’empêcher les frais de scolarité d’évoluer progressivement vers une certaine hausse empêchait également que la fréquentation universitaire puisse représenter un investissement pour un étudiant de par la « plus-value » salariale qui en résultera. « L’hyperaccessibilité » encouragerait le laxisme dans la sincérité des engagements du postulant… Selon ce même Monsieur Laberge, l’accessibilité à l’université devrait être modulée par une augmentation de l’attrait vers des études collégiales où les perspectives d’emplois sont bien meilleures dans bien des secteurs !
Au demeurant, je ne suis pas beaucoup plus renseigné dans mes préoccupations de départ. Bien que la déclaration de M. Charest soit inexacte dans un contexte mondial elle n’est pas sans fondement sur le plan continental. Le fait est qu’elle n’apporte rien au débat. En plus d’éloigner les parties, elle ne relance pas la discussion sur les vrais enjeux qui feront progresser le dossier : le dégel des frais de scolarité.
Qui sera le premier (et le plus intelligent) à replacer cette question au centre des discussions ? À suivre…
Et dire qu’un ancien recteur d’université était ministre jusqu’à récement !?!
N.B. Autres lectures utile sur ce sujet :
– Cette lettre d’opinion paru récemment au Devoir écrite par un étudiant au doctorat qui illustre bien le dialogue de sourds auquel nous assistons !
– Ce communiqué de la Fondation des bourses du millénaire qui mène à un document co-écrit par M. Usher qui démontre que «les Canadiens s’inscrivent plus que jamais auparavant au collège et à l’université, en dépit de droits de scolarité plus élevés et de conditions d’admission plus exigeantes.»