Voilà le titre de ma présentation (.pdf, 1.0 Mo). J’ai peu à dire à ce moment-ci parce que je manque dangereusement de recul. Je suis satisfait de moi… très satisfait. J’ai pris soin d’offrir aux gens une petite pause avant d’intervenir parce que ça faisait plus de deux heures qu’ils étaient assis à écouter des gens parler. Les deux intervenants qui me précédaient ont été très intéressants eux aussi. M. Bruillard est quelqu’un que j’aime bien. Sa théorie de l’oublie en matière d’apprentissage est très intéressante… Évidemment, avec une position du genre «les outils instantanés comme les blogues sont des trucs pour la famille qui ne doivent pas être à l’école» on s’est un peu opposés, mais bon, ça ne m’a pas empêché d’apprécier l’à-propos de ses travaux. Quand à Mme Branciard, j’avoue que j’ai un peu péché par manque de conviction; j’avais lu le texte de son intervention (.pdf) et ça m’avait éteint un peu ! Mais ça n’enlève rien à la pertinence de son expérience à l’École Nationale de Formation Agronomique (ENFA) de Auzeville.
Je reproduis ci-bas le texte qui résume mes propos, même si, dans les faits, j’ai utilisé des diapositives fortement inspirées de ma présentation de Vancouver. Je dois dire que les jours qui ont précédés mon allocution m’ont bien servi pour ajuster à la réalité française la teneur de mon récit !
Ai-je « cartonné », fait « un tabac » ? Une chose est sûre, il ont bien rigolé de la façon que je leur ai dit qu’il me fallait arrêter au bout de vingt minutes de matériel à haute teneur « électrochoc ». Mais je ne suis pas certain qu’ils aient compris quand je leur ai demandé de m’excuser… que j’avais « le piton collé » !
Blague à part, j’ai bien senti « le courant passer » !
Les cyberportfolios : un outil puissant pour développer des compétences pour la vie !
J’oeuvre dans le milieu de l’enseignement depuis vingt-deux ans. J’ai côtoyé des élèves du collégial et du lycée (secondaire au Québec) pendant quinze ans et depuis sept ans, je continue ma mission de faire apprendre avec des plus petits du préscolaire et primaire. Depuis trois ans, j’ai été mis en contact avec un outil, le portfolio numérique, qui a changé ma vie. Mon propre « eportfolio » a grandement facilité des apprentissages riches en contenu construits par de meilleures habiletés à faire des liens. Aussi, ma capacité à réfléchir et à objectiver s’est grandement améliorée parce qu’elle s’exerce au vu et au su de tout un groupe qui déborde largement des murs de notre école. J’ai contribué à mettre à la disposition des enseignants et des élèves de ma communauté, un espace de publication et un tableau de bord qui permet aux enseignants d’interagir aisément avec les élèves et une banque d’outils d’accompagnement pédagogique conçue pour faciliter les interventions des enseignants auprès des élèves. C’est que ces outils sont au service de l’enseignement et des apprentissages voyez-vous ! Je me propose de vous expliquer ce dont il s’agit, comment nous avons déployé ces puissants leviers et en quoi ils sont utiles. Enfin, je me permettrai de décrire brièvement comment ils évolueront dans un avenir rapproché.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fasciné par les capacités d’apprentissage des jeunes dans les écoles et au-delà. Mes propres habiletés développées parfois dans l’adversité m’ont fait découvrir que jamais rien n’est joué dans la vie quand on sait apprendre d’une épreuve, d’une situation ou d’un défi à relever. Et je ne parle pas de la culture générale si précieuse pour faire sa vie. À l’Institut St-Joseph, je me suis donné une vision pour accomplir mon rôle de leader pédagogique étant convaincu que les défis d’appropriation de notre réforme scolaire au Québec et ceux de continuer à rendre des services de haute qualité commandaient que je nomme où je voulais arriver au terme de mon mandat ! J’ai donc animé notre milieu en considérant chaque enseignant avant tout comme un apprenant. De cette façon, chaque geste posé l’a été depuis sept ans en m’adressant à eux comme je voulais qu’ils s’adressent à leurs élèves. Les réunions d’information descendante, les grandes « prêches » ont fait place à une gestion plus collaborative, des animations plus collégiales et un grand respect pour leurs apprentissages à construire; il m’arrive encore d’expliquer, mais quand ça vient, c’est en synchronisation avec le besoin de m’entendre et de m’écouter. Ce faisant, nous avons observé qu’eux, tout comme les élèves, n’apprenaient pas les mêmes contenus aux mêmes moments. J’ai constaté aussi qu’en s’y prenant avec tact, il était possible de les rendre (ainsi que les jeunes) « demandeurs de connaissances ». Les logiciels sociaux ont constitué de précieux alliés dans cette tâche. Pas à pas, nous avons appris à utiliser les blogues, les wikis, les systèmes de gestion de signets Web collaboratifs tels « del.icio.us » et beaucoup d’autres outils de ce genre. Par contre, il est important d’avoir à l’esprit que les utilisateurs doivent profiter de l’utilisation de ces outils pour qu’ils soient utilisés avec un minimum de pérennité… Nous avons trouvé des avantages à utiliser tous ces outils. Trois ans plus tard, les membres de notre communauté d’apprentissage ont publié plus de 5 000 documents (textes, images, travaux de toutes sortes) qui ont généré plus de 7 000 commentaires qu’on peut voir sur le Web de n’importe où dans le monde !
Ma plus grande découverte a été de me rendre compte qu’aujourd’hui, publier sur Internet est devenu facile même si avec des jeunes, nous avons des précautions à prendre. L’utilisation d’un code de déontologie aide grandement, d’ailleurs ! C’est à la portée des enfants et des enseignants sans avoir besoin de développer de grandes compétences en informatique. Publier, c’est s’ouvrir à une multitude de publics et tabler sur les besoins de contacts sociaux des jeunes en particulier; par l’Internet maintenant accessible par un grand nombre de familles, il devient possible de penser rejoindre les gens et de ce fait, contribuer à former une large communauté qui soutient les apprentissages de chacun.
Je vous parlais de blogue. J’ai privilégié cet outil parce qu’il est simple d’utilisation, qu’il favorise la conversation, parce qu’il est équipé d’un système qui permet d’en vérifier facilement les mises à jour (fil de nouvelles RSS-XML) et qu’il participe à un vaste mouvement de démocratisation de l’information et des connaissances. Nous avons débuté l’expérience avec un groupe de quarante-trois élèves et de quatre enseignants. Rapidement, nous avons étendu les possibilités à l’ensemble des élèves du troisième cycle; même une classe de première année (jeunes de six ans) participe à notre expérience. La majorité des classes participantes disposent d’un carnet Web (c’est comme ça que nous nommons l’outil des blogues au Québec même si parfois on parle aussi de cybercarnet) de classe, d’un carnet privé et d’un autre public, accessible par n’importe quel internaute du monde entier.
Les blogues utilisés « à la St-Joseph » deviennent donc des portfolios numériques où l’on trouve des productions d’élèves (textes, images et fichiers de divers types), des textes sur une foule de sujets et beaucoup d’analyses réflexives. Dans la section « commentaires », se retrouve une possibilité de dire ce que je pense de ce que j’ai publié. Dans les rubriques, il y a une façon d’archiver « par catégorie » à la manière d’un portfolio toute trace d’un produit fini ou d’une pièce « en voie de constituer un travail ». L’outil du blogue facilite de cette façon l’introspection centrée sur ce que je veux être et devenir !
Nous utilisons les blogues parce qu’ils sont des outils sociaux. Nous avons observé que les jeunes sont de friands utilisateurs d’environnements qui leur permettent d’interagir avec les autres. Ces espaces d’écriture favorisent une quantité impressionnante de publications où la conversation avec les autres est possible par les commentaires. Ce faisant, les gens commentent ce qui est écrit, le fil de nouvelles permet d’informer les abonnés de l’arrivée d’une nouvelle « entrée » (processus de syndication du contenu) et l’environnement multimédia qui en découle nomme ce qui a été appris, ce qui est en train de faire du sens et ce qui constitue les pas à faire pour compléter ce qui est à apprendre ! En tout temps, nous tentons de permettre à l’apprenant de se connaître en tant qu’apprenant, en l’aidant à en prendre conscience par le réseau ainsi formé par le rayonnement des abonnements. Vous comprendrez que rapidement, parenté, voisinage et amis proches se sont dépêchés de « jouer le jeu » des commentaires et des feedbacks. Personnellement, en m’administrant ma propre médecine, j’ai découvert comment j’apprenais davantage en recevant tous ces échos à partir de ce que j’écrivais. Encore aujourd’hui, je bloguerai ce que je vis ici à Dijon et je suis sûr de découvrir de nouveaux apprentissages faits à partir de l’obligation que je me suis créé de « rapporter » ce que je tire de ce que je vis et pense ! Même le Journal Le Devoir qui est un quotidien très sérieux de notre coin de Pays a senti l’opportunité de faire intervenir des jeunes à l’aventure du journalisme citoyen et a contribué à créer « les Petits Carnetiers du Devoir« , un groupe de quinze jeunes de 10 et 11 onze ans qui commentent l’actualité de tous les jours et surtout, qui recoivent de nombreux commentaires de lecteurs de passage sur le site Web du journal. C’est un privilège pour ces jeunes et vous devinez quelle expérience valorisante c’est !
Un mot sur la syndication de contenu.
L’idée est la suivante : chaque fois qu’une mise à jour est faite sur un blogue, un petit fichier écrit dans un langage balisé est détecté par un agrégateur (lecteur de fils de nouvelles) que j’ai installé sur mon poste de travail. Le contenu ainsi syndiqué par mon abonnement à ce site m’est beaucoup plus facile à consulter puisque je ne pourrais faire le tour de tous les sites Web de l’école au cas où un membre de notre communauté aurait posté une nouvelle contribution. Ainsi donc, nous pouvons permettre la gestion « a posteriori » des blogues ainsi évolutifs. Additionné au fait que le processus de publication soit simple et que les résultats soient immédiats, les blogues contribuent à augmenter le volume de production de chacun. Par le fait qu’il soit facile de consulter les sites Web parce qu’on n’y accède que lorsqu’il y a raison d’y accéder, on obtient beaucoup de «feedback» et la conversation qui s’en suit encourage des contributions de qualité. Enfin, les éducateurs ont la responsabilité de piloter et de guider la démarche réflexive des apprenants !
Notre expérience a connu un rayonnement certain depuis que nous avons débuté en octobre 2002. Cet article de la revue « Educause » en témoigne, mais il y aussi une assez bonne revue de presse « en ligne » disponible. De nombreux visiteurs sont venus à l’école et le directeur se promène beaucoup (1, 2) aussi pour témoigner de l’enthousiasme de notre communauté. Autant par les moteurs de recherche que par l’animation, les sites Web de notre environnement sont beaucoup fréquentés ce qui contribuent à ce qu’un réseau social « tissé serré » finisse par caractériser nos ePortfolios. C’est la qualité de ce réseau qui constitue un levier puissant pour nourrir les apprentissages et rendre les apprenants de « fameux demandeurs de connaissances ». Apprendre, c’est aussi interagir; écrire n’est pas seulement communiquer des idées; ça en génère aussi !
Et surtout, nos environnements d’écriture sont conçus pour que les apprenants aient régulièrement à revenir sur ce qu’ils pensent de ce qu’ils apprennent et comment ils construisent ces apprentissages (analyse réflexive). En privilégiant l’usage des portfolios électroniques, plusieurs compétences développées par les enseignants rendent l’outil encore plus performant et agissent sur le climat de la classe. Ça se traduit par :
– La migration vers le paradigme de l’apprentissage.
– L’émergence de plusieurs stratégies pour faire apprendre.
– L’utilisation progressive de la différenciation pédagogique.
– La meilleure connaissance des styles d’apprentissage des élèves.
– L’utilisation en classe de tâches plus contextualisées, qui comportent un Problème à résoudre, pour lesquelles un Processus est valorisé et pour lesquelles un Produit est obtenu (Règle des trois « P »).
Construire un portfolio numérique socialement réseauté est un défi éducatif, assurément pas un défi technique ! Il constitue l’espace privilégié où l’enseignant précise ses intentions pédagogiques. LA QUESTION PRINCIPALE devient: «Comment je choisis mes « questions » et/ou mes « commentaires » sur le parcours de l’apprenant pour garder chez lui cette « soif » d’en savoir plus (certains parleront « d’échafaudage »). Les apprenants qui utilisent un ePortfolio socialement réseauté devraient toujours être capables de répondre à ces trois questions:
– Qu’est-ce que j’ai appris récemment?
– Qu’est-ce que j’apprends présentement?
– En quoi mon réseau social m’aide-t-il à apprendre de la façon la plus efficace?
C’est le défi de l’évolution à donner aux cyberportfolios dans leur nouvelle version. Nous avons tous à construire un espace éducatif QUI N’EST PAS en train d’essayer de remplacer des outils ou des services qui sont disponibles sur Internet et que les apprenants peuvent utiliser pour apprendre… (Flickr, del.icio.us, 43 things, etc.) Notre défi devient alors d’offrir aux apprenants les meilleurs espaces pour « syndiquer du contenu » qui deviennent des traces de leurs expériences d’apprentissages (archivées pour la vie) qui leur permettront de poursuivre l’analyse réflexive. Dans cette perspective, il devrait être possible d’utiliser des logiciels libres ou propriétaires et des applications à codes sources ouverts.
Dans les prochaines semaines, tout cela commencera par mon propre blogue qui se transformera selon ces principes d’en apprendre davantage sur moi par les traces de mes apprentissages qui m’aideront à réfléchir sur ce que j’ai appris, sur ce que j’apprends actuellement et ce que je veux apprendre pour devenir plus compétent. En tout temps, je me retrouve confronté au regard des autres. La section blogue à proprement dit est composé d’une sélection de documents dont je suis fier et/ou qui me paraissent signifiants dans mon cheminement. Des observations à propos de ce que je lis au sein de ma communauté d’apprenants sont aussi possibles. La section analyse réflexive agit comme si je me retrouvais devant un miroir. Le retour réflexif sur mes apprentissages peut se faire à partir de questions soumises ou pas qui sont disposées de façon à m’aider dans mes apprentissages.
Nous n’en sommes qu’au début !