Je tends l’oreille (et les yeux) à ce que se passe en France et j’avoue que je vis ça tout croche depuis deux/trois jours. Au début, je me suis dis comme Clément qui m’écrivait que «…les médias québécois sont des filtres déformants assez efficaces»; il se voulait rassurant et je pouvais assez bien comprendre que d’où il était, la situation devait paraître plus anecdotique que paniquante. Mais là, je ne suis plus sûr qu’il ait raison. Il pense peut-être différemment ce soir aussi.
Je suis tout croche parce que ce sont des jeunes qui sont les acteurs principaux des méfaits publics. Ça me trouble beaucoup de penser que des ados en soient rendus à de telles démonstrations pour s’exprimer. Ils ne s’aident pas et évidemment, ils sont en train de compliquer drôlement la situation des immigrés et de la problématique de l’intégration des communautés culturelles et du vivre ensemble.
Je suis en quête de points de vue m’aidant à comprendre. Je le dis comme je le pense :«y a-t-il quelqu’un dans la salle pouvant m’expliquer (dans le sens du gars de ce côté-ci de l’Atlantique) ce qui se passe ? Même les Français qu’on nous montre dans la petite boîte carrée n’ont pas l’air de comprendre; ils font semblant de ne pas savoir ou ils ne peuvent pas comprendre ?
Mes trois séjours en France ne me permettent pas de risquer les hypothèses qui me viennent après cette onzième nuit de violence. Et pourtant, il me semble que c’est important d’essayer de comprendre la violence, celle qu’ils ont subie et celle qu’ils font subir. Ne serait-ce que pour agir pour mieux prévenir et pour contribuer à réparer, à guérir.
Je lis les grands médias (de France et du Québec), mais je ne m’y retrouve pas. De fait, le billet qui m’a le plus aidé est celui de Morgan qui m’a conduit à ce long texte de Bertrand qui à lui seul m’en a dit plus que bien des bulletins de nouvelles :
«Envoyer des cailloux sur des gens qui sont censés protéger. Envoyer des cailloux sur des services qui s’adressent à tous, sans conditions de ressources. Brûler des écoles quasiment neuves, auxquelles on a donné des moyens. Brûler par la même occasion des livres, symboles de connaissance. Puis retourner chez soi, allumer MTV et écouter Skyrock. C’est peut-être cela, la conclusion à tirer de ces événements. La défaite de l’intelligence.»
Merci de m’aider (de nous aider) à apprécier l’ampleur de ce qui se passe. Ça me touche et pas juste parce que je connais plein de gens là-bas. Ça me touche parce que ce sont des jeunes qui ont le coeur en feu. Je ne peux pas croire que c’est une affaire de tête, cette histoire-là…
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Je vais peut-être présenter un point de vue divergent de la plupart de mes concitoyens, du moins de ceux qui s’expriment fort haut en général.
Je ne suis malheureusement pas étonnée de ces événements, qui ne sont que le prolongement de la politique de laxisme qui existe en France depuis des années (plus précisément 1981 ???). Le droit donne raison au coupable et la victime a tort. Discours schématique, certes, mais qui se traduit dans la réalité par la non-punition et la permissivité qu’elle induit. Peu de cas est fait de la victime, quand le coupable (ou le devenu innocent) coule une liberté gratuite.
On mélange à cela une sauce de « racisme » en culpabilisant ceux qui sont blancs, car condamner certains actes revient à être raciste (c’est du moins le discours de certaines personnes). Donc on se tait et on n’agit pas.
Quant à l’éducation familiale, n’en parlons pas. L’autorité familiale a été reléguée dans les vieux cartons, laissant ce soin à la « Société », à l' »Etat », à des Communautés de substitut, et bien sûr… à la Rue. C’est ainsi que les 10-18 ans sont à l’extérieur de leur famille le soir (la nuit).
Il faudrait des années pour repenser autrement, et l’attitude radicale de certains groupements (politiques ou religieux) qui se révoltent de cela ne m’étonne pas.
En fait, tout n’a-t-il pas commencé en Mai 68, ou toute « restriction » de liberté était synonyme de chaîne à briser ? L’absence de respect que l’on rencontre aujourd’hui en France est passé par là.
Pauvre France, quel esprit la gouverne ?
Histoire de garder une trace de propos qui me semblent pertinents, j’hyperlie cet entretien entre Laurent Mucchielli et Louis Maurin de l’Observatoire des inégalités qui a pour titre «La jeunesse exprime un besoin de reconnaissance auquel la société française ne répond pas».
L’herbe qui pousse fait moins de bruit que les murs qui tombent.
Je n’ai pas la prétention de proposer ici une analyse, certains sont plus compétents. Ayant travaillé comme professeur documentaliste à Besançon dans un lycée professionnel situé dans quartier « populaire » (les 408), plus de 60 nationalités différentes y sont représentées, je peux dire que j’ai été heureux de travailler avec les gens et les associations de ce quartier (aide scolaire, opération » passage en images »). Je crois qu’il est important que les établissements scolaires puissent s’ouvrir sur la vie de leur quartier, que les enseignants et les élèves puissent rencontrer les habitants qui vivent là et les jeunes en particulier. J’en ai fait l’expérience et cela a marqué ma vie d’enseignant.
Tout le monde savait que tout cela allait finir par arriver. Finalement tout le monde est un peu responsable car durant les 30 dernières années, c’est la politique de l’autruche qui a prévalue.
Maintenant, l’état va essayer de reprendre le contrôle et après. Comment recoller les morceaux? comment redonner confiance à tous ces jeunes?
Plus près de nous ici au Québec, le phénomène des gangs de rue n’est pas si éloigné en fin de compte.
Pour ceux qui veulent comprendre, je recommande le film «la haine » de Mathieu Kassovitz primé à Cannes en 1995. Oui 1995, dix ans déjà. La parabole de la chute à la fin du film est édifiante par son aspect prémonitoire.
Je viens rajouter mon avis à ce sujet en tant que Française vivant en France.
Je ne regarde plus la télévision et je n’écoute plus la radio depuis quelques jours parce que ce n’est plus de l’information, c’est du lavage de cerveau. On ne parle plus que des émeutes depuis quelques jours, l’Irak et les autres sujets d’actualité ont été laissé de côté car les émeutes sont un sujet bien plus juteux pour les médias. Je leur en veux de contribuer largement à la propagation de ces émeutes dans tout le pays. Les « jeunes », commes ils les appellent, regardent la télévision et se disent « nous aussi on va faire parler de notre quartier et on va foutre le feu ». Je ne pense pas qu’il faille chercher des raisons philosophiques à leurs actes car ces « jeunes » sont des gamins qui ont entre 10 et 16 ans, ils ne revendiquent pas le droit au travail car à cet âge là on va à l’école !! Tout ce qu’ils veulent c’est brûler, détruire et emmerder le monde, c’est un passe-temps comme un autre, non ? A la radio, j’ai entendu le témoignage d’un père dont le fils mineur avait été arrêté… il disait ne pas pouvoir contôler ses deux garçons etn’avoir rien pu faire pour les empêcher de se joindre aux émeutiers… si le père ne peut pas contrôler ses propres enfants, qui le fera ? certainement pas la police, ni l’éducation nationale, ce n’est pas leur rôle d’éduquer des enfants ! Qu’est-ce que des enfants de moins de 16 ans font dehors après 23h en sachant qu’il y a école le lendemain ?? Je pense que les parents doivent être responsabilisés, si les enfants mineurs sont arrêtés, ce sont les parents qui doivent être condamnés. Ou peut-être faut-il les menacer de suspendre les allocations familiales ?? Aucun politique ne se risquera à le faire car ce serait signer leur arrêt de mort, mais que faire alors ? Quoi que les politiques fassent, ils se feront descendre par l’opinion publique, les médias et leurs opposants politiques… donc ils ne font rien. N’oublions pas que les élections présidentielles ont lieu en 2007 ! et que certains sont déjà en campagne ! Ce qui me fait le plus peur dans tout ça, c’est que tous ces gens dont les voitures ont brûlé et tous ceux qui auront trop regardé la télé voteront pour le Pen… et là ce sera la fin !
Je voulais juste rajouter qu’en Corse, ce genre de problème ne se posera jamais. Je connais assez bien les Corses pour savoir qu’ils ne se laisseront marcher sur les pieds par personne. Je ne cautionne aucunement les actes terroristes commis par certains, mais je constate que chez eux « ça file droit ». En France, les gens sont trop individualistes, tant que le problème ne les touchent pas personnellement ils ne se sentent pas concernés, donc les situations pourrissent. Je pense qu’un sursaut citoyen serait la solution pour mettre fin aux émeutes, dans certains quartiers des personnes se rassemblent et organisent des tours de garde pour surveiller les alentours et veiller à ce que les voitures ne brûlent pas et cela semble être efficace.
En quelques mots, dans le tourbillon quotidien.
Ce qui est un peu surprenant pour moi, débarqué en France pratiquement avec le début des violences, c’est de constater que tout le monde savait que ça allait péter un de ces jours. Des rapports alarmants existaient à ce sujet depuis de nombreuses années — relevant tantôt de la prospective sociologique et à d’autres moments des rapports de police soulevant de graves inquiétudes. Les journaux commencent à faire échos, timidement, à ces rapports. La responsabilité des pouvoirs publics est manifestement très lourde dans tout ça. Et celle de la population, du même coup, qui a préféré fermer les yeux.
D’une certaine façon, je regarde ça avec fascination, d’un point de vue politique et sociologique. Une fascination un peu inconfortable… parce qu’elle a pour objet l’incommensurable drame de la vie dans les cités.
Avec un certain embarras aussi, parce que la plupart des observateurs s’entendent pour dire qu’à la source de cette situation, il y a notamment (et peut-être surtout) la décision de « chasser les pauvres de Paris » en construisant les HLM essentiellement en banlieue… et que je sais que la mairesse qui vient d’être élue à Québec, malgré les qualités que je suis par ailleurs prêt à lui reconnaître, ne s’est jamais montrée préoccupé par la construction d’habitation à loyer modique. Elle a même choisi d’éviter le débat consacré à ce sujet au cours de la campagne électorale. Les événements illustrent crûment à quel point cela est irresponsable.
Aussi facinant, voire plus, l’accent qui est mis sur l’éducation comme principale voie de sortir de la crise.
Sans compter les intrigantes réactions de la population à l’imprévisible décision du premier ministre d’annoncer la réduction de l’âge de la scolarisation obligatoire de 16 ans à 14 ans comme un des moyens pour sortir de la crise…
Vraiment. Tout cela est aussi fascinant que gravissime. Pour un Québécois à Paris, du moins!
hello from france
Bonsoir tout le monde .
L’avis d’un indigene vous interesse peut être.
Je crise contre tout ces cons d’un camp ou de l’autre …
Et j’espere qu’ils vont se calmer bientôt.
Merci à vous.
Bonsoir,
Allez jeter un oeil sur la vidéo «Balavoine toujours d’actualité». C’est encore toujours ça la place qu’on laisse aux jeunes pour s’exprimer.
Je serais curieux de savoir combien ont voté pour Andrée Boucher. http://tfmc.blogs.com/
Je suis allé voir l’extrait vidéo. C’est une sortie assez percutante, effectivement. Je retiens la fin :«La jeunesse est profondément désespéré parce qu’elle n’a plus d’atout. Elle ne croit plus en la politique Française. (…) Le désespoir est mobilisateur et lorsqu’il devient mobilisateur, il devient dangereux».
On parle d’une déclaration de 1980…
Une idée me traverse l’esprit en essayant de comprendre tout cela. Principalement, ce sont des voitures qui sont la proie des jeunes gens. Il ne semble pas y avoir de dommage aux personnes. Est-ce à dire que l’objet «voiture» stigmatise la hargne des jeunes, désespérés de ne pouvoir s’offrir ce symbole de mobilité et persuadé qu’ils ne peuvent appartenir qu’à des gens qu’ils jalousent ? Actuellement, ne mesure-t-on pas le niveau de violence dans les banlieues par le nombre de voitures brulées?
Je lisais ce matin un billet d’un directeur d’école Français, http://danledir.canalblog.com/archives/2005/11/12/989905.html qui se termine par ceci : «Ces jeunes en colère nous renvoient à un échec qui est plus que scolaire. Ils sont pour la plupart français, nés ici et ont grandi dans l’école de la République. Faut-il qu’il aient été maltraités pour se comporter ainsi !»
Il ne pose pas la question. Il postule ce fait.
Pas de vision d’avenir devant eux, la conviction de ne pas être traité convenablement, pas d’espoir psychique de s’en sortir; pas étonnant que le véhicule de leur révolte se porte vers le feu et les bagnoles.
La société française n’en est-elle pas une qualifiée d’AUTOritaire?
C’est vraiment difficile à comprendre tant j’ai l’impression que ceux-là même qui brûlent tout ne savent pas trop pourquoi ils le font. C’est surtout que quand on n’a rien, c’est finalement assez drôle de tout brûler, de caillasser, etc. C’est le règne de la satisfaction immédiate.
Personnellement je retiens deux articles québécois qui sont assez pertinents : Celui de Foglia et cette contribution dans Le Devoir.
Je retiens deux choses de ces articles : Premièrement la France n’a pas repectée sa part du deal. Ce deal, grosso modo, c’est que les immigrés se conforment à la loi républicaine laïque, en échange de quoi les immigrés peuvent bénéficier de la République. Les immigrés ont généralement respecter leur part, Il manque toujours celle de la République…
L’autre élément qui vient du journal du Devoir, c’est que nombre de Français quittent la France à cause de l’insécurité. Je n’en suis pas, mais j’en connais beaucoup au Québec pour qui c’était un argument important… et ce depuis plusieurs années. Preuve que ça ne date pas d’hier, c’est juste qu’on assiste à un pic, un parmi d’autres, dans un bruit de fond déjà très violent. La moyenne annuelle des voitures brûlées en France est de 1500. Ça donne une idée.
Deux autres points de vue différents qui nous indiquent que le problème est beaucoup plus complexe. La france est-elle en train de vivre une des plus graves crises depuis 68 ?
Foglia dans la Presse et Alain Finkielkraut en audio.
Finkielkraut est toujours à prendre avec des réserves…
Une entrevue intéressante dans Le Monde d’un historien et démographe (a priori peu connu bien qu’apparamment on lui attribue la fameuse « fracture sociale »). Peut-être à prendre avec des réserves aussi mais son analyse socio-démographique des derniers fiasco politiques (Le Pen au deuxième tour de la présidentielle et le Non à la constitution européenne) démontre une vision des choses qui mérite attention.
Pas franchement d’accord avec l’analyse de l’historien sur les derniers fiascos. Les élections l’explication est a mon avis bien plus simple les socialistes ont voulu jouer avec le feu avec le FN espérant ainsi faire glisser une partie de l’electorat de droite vers le FN, malheureusement retour de flamme suite à une mauvaise connaissance doctrimaire de son électorat, en réalité le glissement a eu lieu du coté de l’électorat de la gauche dur (communistes… j’en connais) les éternels insatisfaits qui ont répondu au chant de la sirène FN.
En ce qui concerne l’europe il suffit de la vivre au quotidien pour comprendre, la paprasserie dépasse largement celle de l’administration francaise pourtant déja réputée, ses réglements plus ubuesques les uns que les autres, une perte d’influence ( la fiérté francaise en prend un coup) et surtout le sentiment que nos voisins anglais eux savent prendre les bonnes choses de l’europe sans les inconvénients et surtout sans y adhéré complétement. En plus ils ont réussi à noyauter tous les postes clef du pouvoir… Et la appartenir a une structure dominée par les anglais est profodément insupportable au Français quelque soit sa couche sociale.
Pour les derniers événements je suis pas du tout d’accord avec les propos de Hoedic du 13 11, au contraire ils ne veulent pas entendre parler de la loi républicaine, mais profiter des avantages de la république ( je suis prof et combien de fois j’ai entendu: pourquoi des études, moi le RMI, mes petits « boulots/traffics » et je gagne bien plus que toi … Avec ca, le poltiquement correct qui au nom du « sacro » mot racisme a mis en place un sentiment d’impunité pour toutes les infractions aux lois de la république. Ce sentiment est tellement devenu fort au fil des ans que les plus jeunes finnissent par penser que cet état de chose est tout a fait normal. Les paroles un peu provoc d’un ministre ont été perçues comme une remise en cause de leur capacité à être au dessus des lois, les violences qui suivent ne sont que la tentative de supprimer tout ce qui représente l’état, les éléments (l’école, le travail…) qui pourraient remettre en cause cet impunité.