«Cette école laisse près du quart de ses élèves sur le carreau, parce qu’elle est conçue sur un modèle unique et qu’elle tient pour acquis qu’ils sont tous coulés dans le même moule. Coincée dans une rigidité administrative et des dogmes pédagogiques, elle n’arrive pas à s’adapter à ceux qui apprennent autrement. Or sans souplesse et sans innovation, l’école continuera de faillir à sa tâche…»
Antoine Baby dans l’édition d’octobre 2005 de Québec-science (p. 48).
Cette image est au centre d’une publicité du Centre Psycho-Pédagogique de Québec, une école qui a fait le pari de s’occuper de jeunes qui en arrachent. J’ai immédiatement pensé à cette stratégie de recrutement de « Saint-François » en lisant ces paroles d’Antoine Baby. Je trouve ça brillant d’avoir pris ça de front l’émotion que fait jaillir l’école quand on pense à ceux qui s’y emmerdent. Je relisais le billet que je viens d’écrire dans l’autre colonne et j’avais le goût de paraphraser : «l’actualité m’écoeure»!
Pourquoi a-t-on autant de difficultés à adapter l’école à chacun comme essaie de le faire le Centre psycho-pédagogique ? Qu’est-ce qui est si difficile à comprendre quand on sait que chacun est unique pour imposer aux élèves un seul choix de façon de faire à l’école ? Je pose ces questions parce qu’elles s’imposent à moi à la suite de ces éléments d’actualité. Ce sera la même chose la semaine prochaine et c’était probablement du même genre les semaines avant : la jeunesse parle comme elle peut, par les moyens qui se présentent à elle!
C’est le fil conducteur des six événements que je rapporte. Un cri du coeur d’une jeunesse en mal d’être. Pour ce qui est des événements en France, le lien est facile à faire. Pour ce qui est du refus de Raymond Lévesque et du rapport Gomery, c’est moins évident parce que les acteurs ne sont plus très jeunes. Pourtant, comme dans le cas de Jacques Demers, c’est l’enfant ou l’ado en eux que j’ai l’impression d’entendre. L’insolence, la fourberie et le refus d’apprendre me font penser à trois gestes de fuite communs chez les jeunes qui sont en mal d’être. Je m’en voudrais de juger qui que ce soit. Je veux simplement dire que par ces événements de l’actualité et par l’espace démesuré qu’on leur donne (sauf pour le cas de l’ex-coach du Canadien), je vois que la société carbure à ce genre de démonstration.
On ne cesse de répéter que le bulletin de [mauvaises] nouvelles intéresse à condition de rapporter ce qui ne va pas dans le monde. On dirait parfois que c’est pareil avec l’école. Alors que les ajustements à faire pour aller chercher ceux qui ne s’y retrouvent pas doivent engager tout le monde, on donne l’impression qu’ils doivent toucher chacun. Pourquoi laisser entendre que rien ne va plus ? Il est vrai que pour plusieurs «l’école écoeure» et qu’en ce sens, chacun soit concerné, mais en réalité, il faut reconnaître que pour plusieurs, l’école marche très bien et rend de bons services. S’adapter à 25/30% (peut-être davantage) des étudiants qui n’apprennent pas dans le modèle d’école que nous avons érigé ne commande pas autre chose qu’un peu d’imagination là où le besoin est. Un gars comme Normand Maurice avait compris ça. Une personne comme Gilles Kègle montre à chaque jour comment relever le défi de s’adapter à chacun.
Nos rapports avec les drogues et l’argent (les affaires « Boisclair » et « Bush » l’illustrent bien) ne sont tellement pas clairs que nous ne sommes pas capables de discuter de ces choses-là sans «crises de nerfs». Ce n’est pas un peu jeune et immature ce comportement ? Tout casser (vitrines et réputations) pour affirmer notre ras-le-bol est un comportement qui risque de nous perdre et surtout de nous éloigner des vrais enjeux en arrière de ces combats : le partage de la richesse, du pouvoir et des connaissances.
Cette semaine qui vient de se terminer n’est pas différente de celles qui vont suivre. Les événements ne seront pas les mêmes. La semaine prochaine, de grands enfants syndiqués vont monter aux barricades à leur tour. Ceux qui les opposent dans une bizarre de logique qu’ils appellent « négociation » vont eux aussi peut-être sortir les canons. D’autres squellettes vont sortir des placards pour éclabousser des gens à qui on demande pureté et brillance 24 heures sur 24.
À qui profite tout ce bruit ? Au public qui a droit à l’information ? Au citoyen payeur de taxes ? À l’électeur qui exerce son droit [sa responsabilité !!!] de vote ?
Je crois de plus en plus qu’il faut chercher du côté de ceux qui gagnent à nous monter les uns contre les autres. Je ne sais pas qui ils sont, mais je veux bien réfléchir à qui ça peut bien être. Je crois que c’est important, parce que je nous trouve très majoritaires à penser que la panique ne règle pas grand-chose, même si elle est contagieuse quand elle s’approche.
Et dire que demain, il me faudra aller voter pour un maire ou une mairesse!?!
J’apprécie beaucoup ton texte Mario.
Malgré le manque de temps (ouf! ça demande beaucoup d’énergie s’adapter à une nouvelle ville, un nouveau pays, un nouvel emploi… et chercher un logement pour sa famille!) je dois dire que la semaine a été assez forte en réflexion sur l’éducation et la politique, dans le contexte québécois.
De l’entrevue de Dufresne et Baillargeon, que j’ai commentée sur mon carnet, aux textes du Soleil sur la place de l’éducation dans le développement de la région… tout ça mis en relief par les événements de la banlieue parisienne, ça donné beaucoup de matériaux à cogiter! Sans compter l’élection municipale, qui se passe bien loin de moi à au moment où j’écris.
Je vais sans doute revenir sur tout ça dans les proches jours (vendredi prochain, qui sait, ce sera jour férié ici), mais c’est déjà fascinant, après à peine une semaine, de voir à quel point l’éducation est très clairement une chose politique ici alors que nous osons à peine l’affirmer au Québec.
Aujourd’hui, en France, il serait impensable de développer une politique de la ville sans faire une place déterminante à la dimension « éducative ». Parce qu’on l’a peut-être trop longtemps ignoré, je ne sais pas.
J’y reviendrai.