Je viens de lire la lettre ouverte d’une enseignante du secondaire plutôt désabusée de sa situation. Je retiens ce passage :
«Et tout à coup, je saisis ce que le décrocheur éprouve. C’est un besoin incontrôlable de s’enfuir à la vitesse du TGV de cet endroit de fous où on refuse de lui dire clairement ce qu’il doit faire : il doit le découvrir par lui-même. Or, il n’a pas d’outils et il ne sait pas où les trouver…»
Il semble que des apôtres de la pédagogie de la découverte n’aient pas fait fureur dans ce cas-ci!
Paradoxalement, je viens aussi de lire un autre témoignage d’une enseignante; celle-ci est au primaire et est plutôt optimiste, mais ne fait pas de lien avec le renouveau puisqu’elle enseigne au Nouveau-Brunswick. Je retiens ce passage :
«… le pouvoir des petits à changer le fil d’une leçon est remarquable… Il faut leur faire confiance.»
Dans ce cas-ci, la part de découverte semblait être assez forte et les résultats sont au rendez-vous!
Comme quoi il y a beaucoup à faire pour éviter de tirer des conclusions trop hâtives sur quoi que ce soit en matière de stratégies pédagogiques…
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Bonjour Mario !
« C’est un besoin incontrôlable de s’enfuir à la vitesse du TGV de cet endroit de fous où on refuse de lui dire clairement ce qu’il doit faire : il doit le découvrir par lui-même »
Ça m’a rappelé une anecdote bien réelle, celle d’un vieux chum de secondaire 5. Pour la circonstance, je vais l’appeler Lachance.
Lachance ne prend pas ses études au sérieux. Un gars brillant, mais qui préfère le houblon à l’effort. Un beau jour, personne n’a vraiment su comment ni pourquoi, il s’est remis au travail. Ça a commencé un lundi matin, à la 1ère période, dans un cours de physique. Le prof, M. Chauvin, venait tout juste de remplir un 3e tableau noir d’équations. (Tu sais, ces tableaux coulissants qu’on avait dans les mini-amphithéâtres de sciences du secondaire, ceux qu’on peut glisser les uns sur les autres.)
Donc, ses trois tableaux bien remplis, M. Chauvin se retourne vers nous et laisse tomber: « Y a-t-il des questions ? » (silence…) « Bon, alors c’est clair pour tout le monde ? » (second silence…)
Tout d’un coup, l’improbable se produit: Lachance lève la main… (très long et lourd silence…personne n’y croit…). Sans même donner la parole à Lachance, M. Chauvin lui dit: « Non, Lachance, on ne va pas à la toilette pendant mon cours ».
Lachance se risque: « Non, M’sieur, c’est pas pour les toilettes, c’est pour le cours… » « T’as une question ? », lui dit Chauvin. Et Lachance de répondre: « J’AIMERAIS BIEN POSER UNE QUESTION M’Sieur Chauvin, MAIS JE SUIS TELLEMENT MÊLÉ QUE JE SAIS MÊME PAS QUELLE QUESTION IL FAUDRAIT QUE JE POSE POUR ME DÉMÊLER ». Croyant à une blague, M.Chauvin l’a expulsé du cours…
Je crois que c’est ce jour-là, avec un peu de rage au coeur, que j’ai eu pour la première fois le goût de devenir enseignant.
PS: on a dû fermer le Dernier Restaurant… on trouvera autre chose.
« Dans ce cas-ci, la part de découverte semblait être assez forte et les résultats sont au rendez-vous!
Comme quoi il y a beaucoup à faire pour éviter de tirer des conclusions trop hâtives sur quoi que ce soit en matière de stratégies pédagogiques»
J’ai lu les deux textes auxquels tu réfères, Mario. Peut-être que j’interprète mal ton propos, mais, honnêtement, je ne vois pas la relation entre les deux. Je ne vois pas comment l’un de ces textes peut nuancer l’autre, ou le mettre en perspective en quelques manière que ce soit. À mon avis, mais peut-être que quelque chose m’échappe, ces deux textes n’aborde pas du tout le même sujet.
Dans un cas, je vois une enseignante qui se trouve en grande difficulté d’appropriation de l’approche par compétence en contexte de pédagogie de la découverte. Elle critique sévèrement, et peut-être avec raison, la qualité des formations qu’elle a reçues en faisant le constat du peu d’apprentissages réalisées. Comme ces formation ont été données dans une perspective de pédagogie de la découverte et compte tenu de ses expériences négatives, elle jugent que cette approche pédagogique est parfaitement absurde.
Dans l’autre cas, je vois une enseignante allumée qui a su saisir une opportunité offerte par ses élèves pour créer une situation d’apprentissage motivante, reconnaître les compétences TIC d’un élève et les mettre aux services de la classe. On y voit également une enseignante qui sait se montrer audacieuse en acceptant un contexte d’enseignement-apprentissage généralement difficile et cela, au moment même de se soumettre à une évaluation professionnelle. Je vois dans tout cela de très belles qualités professionnelles. Ça me paraît indéniable. Par contre, je ne vois rien là-dedans qui ait un quelconque rapport avec la pédagogique de la découverte ou l’approche par compétence.
D’ailleurs, dans le cas de l’enseignante du secondaire, rien ne nous permet de juger de ses qualités professionnelles si ce n’est son souci de s’inscrire résolument dans une démarche de formation continue et d’appropriation du renouveau pédagogique. Certains pourraient même voir dans sa démarche critique un indice de professionnalisme.
Non, franchement, je ne vois pas le rapport, Mario.
Ce n’est probablement pas le billet le plus clair que j’ai écrit. Je crois que c’est la phrase «Dans ce cas-ci, la part de découverte semblait être assez forte et les résultats sont au rendez-vous!» qui porte à confusion. Comme tu dis, «un texte ne nuance pas l’autre.»
Quand j’ai lu ces deux textes un à la suite de l’autre, j’ai été frappé par la différence des réactions devant l’inconnu. Pour l’une, l’inconnu ne fait pas de sens et le réflexe est de fuir. Pour l’autre, «la frousse» qu’elle a éprouvée face à une part d’inconnu l’a porté à foncer tout de même. C’était tendancieux de ma part de ne pas avoir ajouté que je ne juge ni l’une ni l’autre. Le comportement de l’une n’est pas plus professionnel que celui de l’autre, je crois. Écrire une lettre ouverte pour dire que ça n’a pas de sens demande beaucoup de sens éthique, j’en conviens.
Il est vrai que le degré d’utilisation de la pédagogie de la découverte soit assez bas dans le billet #2. Je suis quand même fasciné au-delà de ces deux «témoignages», des réactions diverses et très «opposées» des enseignants devant la perte de contrôle ou de sens. Certains perdent leurs moyens et figent, d’autres paniquent et se sauvent, d’autres patientent et se contiennent en attendant d’y voir plus clair, quelques-uns persévèrent et y trouvent leur compte et enfin, plusieurs apprécient de plus en plus ces situations où émergent des découvertes incroyables.
Merci d’avoir pris le temps de nommer ton questionnement. Je ne t’offre pas ces explications pour me justifier ou pour que tu vois ce que je vois… En tout cas, je ne vise pas de te convaincre…
Je souhaite surtout dire que je n’avais pas été au bout de ma pensée. Ton commentaire m’a permis d’y revenir pour aller plus loin sans aller au bout, en fin de compte. Ça n’a probablement pas plus «rapport», mais ce qui m’est resté de la lecture de ces deux témoignages enfilés un après l’autre, c’est l’opposition dans la réaction devant le non-sens et l’inconnu. Après avoir lu ton commentaire, je me dis que ce n’était pas une bonne idée de mettre ces deux exemples en relation l’un avec l’autre.
Par contre, juste pour avoir déclenché le témoignage de Marc (sans négliger la valeur du tien), je suis content d’avoir écrit ce billet ;))
Merci d’avoir pris la peine de clarifier ton propos. Je le comprends, en effet, beaucoup mieux.
Merci encore.