Existe-t-il une façon de voir les choses spécifique aux gens de Québec? J’imagine que oui. «Notre grand village», comme se plaît à dire mon beau-frère qui habite Montréal, regorge d’exemples qui démontrent que la vue de Québec est bien distincte. Cette semaine, notre ministre des finances a présenté son budget et il devient intéressant de se rendre compte à quel point il a été bien reçu alors qu’ailleurs, les mêmes bonnes nouvelles ont semblé… moins bonnes!
Mais ce qui me frappe le plus depuis mon retour de la région de l’Estrie où j’ai passé quinze ans, c’est la grande variété des moyens pris pour nommer notre ras-le-bol de l’immobilisme :
«Il n’y a jamais rien qui se fait dans la région de Québec, tout le monde se pense toujours plus fort que son voisin et personne ne veut jamais collaborer.»
(Source de cette citation de Andrée Boucher, mairesse de Québec)
Aujourd’hui, c’est au tour de Mme Boucher de se faire ramasser. Le président de la Chambre de Commerce de Québec n’a que des reproches à lui faire pour «avoir créé un environnement désagréable, qui fait en sorte qu’aucun dossier ne progresse depuis plusieurs mois.» À qui le tour demain?
Je ne sais pas quelle mouche nous a piqués. Je n’ai que quatre dizaines d’années de recul, mais depuis la première fois où j’ai visionné l’univers de la famille Plouffe (l’action se déroule justement à Québec), je me demande si l’expression «né pour un petit pain» ne serait pas tatouée dans le coeur d’un trop grand nombre d’individus de la ville. Pourtant, plusieurs «grands citoyens» associés à Québec rayonnent comme «c’est pas possible» (Robert Lepage et Patrick Roy, pour ne donner que ces exemples). Qu’est-ce qui explique cette propension à se tirer dans les jambes dès qu’une personne ou un projet s’élève au-dessus de la mêlée? (Serait-ce un exemple de ce phénomène?)
Les gens de la «Belle Capitale» ne doivent plus accepter ce comportement qui consiste à ne pas croire en nous. Certains y sont arrivés, mais un trop grand nombre d’individus reste convaincu que ce sont «les autres», la solution quand ce n’est pas aussi «ce même autre» qui est le problème :
Avec son poste permanent d’enseignant au secondaire, Saïd Khirani s’en est bien tiré. Âgé de 46 ans, ce bon vivant d’origine tunisienne a cumulé les expériences professionnelles avant d’obtenir, l’an dernier, un poste d’enseignant en mathématiques à l’école Perreault, dans la Haute-Ville. «Québec, c’est une ville administrative. Les gens se connaissent, c’est comme dans un petit village. Il y a très peu d’entreprises privées», note-t-il. Il ajoute que les gens n’ont pas l’habitude de côtoyer des immigrants, alors ils sont souvent méfiants. «Là où j’habite, dans Limoilou, la journée du 11 septembre, des gens ont lancé des oeufs sur ma voiture, sur mon patio. Et ça fait 25 ans que je vis ici. J’ai alors compris que ce n’étaient pas eux le problème, c’était moi, parce qu’ils ne me connaissent pas. Alors l’été suivant, j’ai pris la peine d’aller prendre une bière à côté du dépanneur pour parler avec eux. Ils ont compris que j’étais professeur.»
(Source)
Je demeure confiant, malgré tout. De nouveaux leaders émergeront et notre identité collective saura s’affirmer dans l’acceptation de nos différences; déjà notre façon particulière de voter aux dernières élections me semble un pas dans la bonne direction (et ce n’est pas relié aux conservateurs à proprement dit). Quelques gestes successifs montrant un peu de vision, comportant de l’ouverture aux différences des autres et basés sur un sentiment de fierté d’être à l’avant-garde pourront nous projeter vers un avenir meilleur et nous sortir de ce «complexe à la Ovide Plouffe». Je veux pour Québec une «vie intellectuelle [qui] a pour fonction d’interroger le réel et de remettre en question l’usure des idées et des définitions pour trouver de nouvelles solutions aux problèmes de société et de nouvelles voies à l’inculturation des cultures» (Source). J’ai bien aimé cet événement, je trouve que plusieurs projets qui se développent au Musée de la Civilisation sont des pas dans la bonne direction et j’ai bien hâte de voir comment vont se déployer les Fêtes du 400e à venir.
Voilà, c’est assez pour aujourd’hui.
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