Je viens de lire ce texte de Christian Rioux qui paraîtra demain au Devoir, « Délires pédagogiques ». L’auteur est correspondant en France, si j’ai bien compris. Il annonce l’arrivée du « socle commun de connaissances », qu’il tourne en dérision à souhait («le délire aurait atteint la France») avec en trame de fond tout ce qu’il y a de plus cliché au sujet « des affres » de notre réforme au Québec…
Je n’en reviens pas qu’on ait laissé passer au pupitre un texte aussi plein d’inepties. Le lien avec les compétences transversales, l’idée que le socle serait nouveau, le fait de laisser entendre que le débat en France ait mis de côté l’influence de la pédagogie dans les enjeux de formation et ce jugement sur l’école québécoise qui serait devenue « anti-intellectuelle »! C’est incroyable de lire ça dans un journal qui, habituellement, fait un peu plus de nuance dans sa couverture des actualités en éducation…
Ceux qui auront suivi un tant soit peu l’actualité en France savent que la question du socle n’est pas nouvelle et qu’elle inclut la notion de développement des compétences. Oui, il y a bien eu hier un décret du ministre de Robien présenté à la presse, mais il y a été question autant des « savoirs indispensables » que « des compétences-clés » à maîtriser. Si le correspondant avait bien fait ses devoirs, il aurait réalisé que dès le 21 avril 2005, la loi Fillon en traite de façon explicite. Depuis ce temps et bien avant, la question de la place de la pédagogie fait l’actualité et il me semble plus que prétentieux d’oser prétendre que l’affaire soit classée. Encore faut-il savoir de quoi il est question exactement… Un petit tour au dossier des Cahiers Pédagogiques peut-être?
Et je ne parle pas des autres « faits » plus que discutables, dont celui à l’effet que « l’autonomie professionnelle des professeurs ait toujours été plus respectée en France que chez nous! » Quel est le fondement de ce jugement de valeur qui laisse au pays des inspecteurs d’école le championnat de l’autonomie? Je demande qu’on se garde une p’tite gêne, s’il vous plaît.
Il me semble que sur ce coup là, on ait dormi au gaz derrière le pupitre…
N.B. Tags pour Technorati : Éducation
Pendant vingt-deux ans, l'école a été mon véhicule pour «changer le monde». J'y ai vécu des années fantastiques où j'ai beaucoup appris des élèves et où je suis allé au bout de certaines idées.
Depuis 2005, mon parcours en entreprises m'a permis d'aider des organisations à mieux prendre le virage numérique et ainsi de bien gérer le changement.
J'avoue être un idéaliste.
Je travaille de manière constructive avec tous ceux et celles qui veulent faire avancer la société !
Un autre véhicule me permet d'intervenir concrètement, celui de la politique. Je milite depuis 2011 à la Coalition avenir Québec et j'occupe actuellement le poste de vice-président Est-du-Québec. Aussi, depuis le 7 mars 2018, je suis le candidat dans Vanier-Les Rivières, en vue des prochaines élections générales au Québec.
On peut évidemment m'écrire pour le travail ou pour la politique.
Depuis 2005, mon parcours en entreprises m'a permis d'aider des organisations à mieux prendre le virage numérique et ainsi de bien gérer le changement.
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Un autre véhicule me permet d'intervenir concrètement, celui de la politique. Je milite depuis 2011 à la Coalition avenir Québec et j'occupe actuellement le poste de vice-président Est-du-Québec. Aussi, depuis le 7 mars 2018, je suis le candidat dans Vanier-Les Rivières, en vue des prochaines élections générales au Québec.
On peut évidemment m'écrire pour le travail ou pour la politique.
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Je savais que mon ami de Québec allait en parler… voici mon premier jet de courriel pour monsieur Rioux…
Eh oui Mario, on dirait que quelqu’un a dormi…
—————————————–
Ah les délires,
Bonjour,
je prends quelques minutes de mon temps (et du votre) … car j’ai du respect pour votre plume et pour le journal qui publie vos chroniques. Toutefois, ce matin, je suis un peu triste de constater que vos mots ressemblent aux propos galvaudés qui se retrouvent dans les pages de vos concurrents. J’aime attendre l’analyse profonde de mon journal : Le Devoir. Cependant, ce matin… il y a délire dans votre chronique. Par respect pour votre intelligence (si souvent démontrée), je me permets de vous inviter chez moi…à Montréal, dans une école secondaire défavorisée, vivre les concepts (ou délires) pédagogiques qui sont proposés dans le renouveau pédagogique. Pour vous mettre l’eau à la bouche, voici en vrac des réflexions sur vos délires …
– « certains pédagogues ont tenté de tasser les connaissances » : eh non…on doit posséder des connaissances de toutes sortes pour s’assurer de maîtriser des concepts…des compétences… (…) « concept creux comme apprendre à apprendre » : que doit-on faire avec nos connaissances : réussir un examen (apprendre par coeur que Voltaire bla bla…en fait c’est la solution la plus facile, les élèves sont heureux avec 60 % et plus, l’enseignant pense qu’il est un bon enseignant, que les élèves ont compris et on passe à autre chose, la direction est heureuse la moyenne de son école passe, la commission scolaire est contente, le MELS itou…mais les élèves … ont-ils appris ?) ou développer la capacité de l’élève à « s’analyser pour éviter des échecs quand il rédige une dissertation (i.e. apprendre à apprendre). Les deux ? Je pense que oui (mais est-ce que l’école doit devenir le seul responsable de la diffusion de la culture… je le sais c’est un autre débat)…avec une priorité concernant la capacité de l’élève à rédiger une dissertation.
– le délire pédagogique qui réduit en miette… » Ah ce fameux débat des dates… des contenus… des livres obligatoires (ah Voltaire, ah Balzac…ahh voilà un vrai programme de langue). Je vais être direct (et quelque peu méchant) … un enseignant qui doit développer la capacité de l’élève à analyser l’évolution du système parlementaire canadien (une composante du futur cours de secondaire 4) et qui ne mentionne pas 1837-1838… eh bien, il ne mérite pas d’enseigner. Point. Un enseignant d’histoire qui doit attendre un programme du MELS, un manuel, un cahier d’exercice pour enseigner les événements reliés à 1867 (et que si cette date n’est pas mentionnée dans le cahier, il n’en parle pas), cet enseignant ne mérite pas d’enseigner. Point.
Vous dites : « renvoyer la pédagogie là où elle aurait toujours dû demeurer » … Je suis d’accord… Mais est-ce que tous les enseignants sont prêts à assumer cette responsabilité professionnelle (ce passage douleureux … du technicien avec son cahier d’exercice …vers le professionnel qui est en mesure de réfléchir sur les plus pertinentes activités pour ses élèves) ? L’exemple se veut une caricature …mais… On se doit de favoriser l’émergence de cette réflexion chez tous les enseignants.
– sombrer dans l’extrémisme qui caractérise le Québec dans ce domaine. Ouf… Étant impliqué dans mon milieu au point de vu de l’arrimage du renouveau pédagigique, je peux vous assurer de l’absence d’extrémisme dans le programme. En fait, je vous pose une question. Est-ce que vous êtes en mesure de bien comprendre, saisir les vraies nuances du renouveau pédagogique ? Je vous accorde un point : l’évaluation sera plus difficile. Mais est-ce à cause des notions, des compétences ou bien de la volonté politique de maintenir les évaluations à un niveau pour que tous les adultes puissent les comprendre (un 80 % dans un examen ou un 55 % dans un examen à choix multiples) et laisser la chance à tous ces adultes de se croire des spécialistes de l’éducation. Vous dites : renvoyer la pédagogie là où elle aurait toujours dû demeurer… Moi aussi, je suis d’accord…
Je vous propose une conclusion : selon moi (humble personne), les grands changements de ce renouveau sont : ne plus seulement apprendre des connaissances factuelles, mais utiliser ces connaissances factuelles nécessaires pour développer des citoyens, responsables, ouverts, efficaces (dans ses choix de méthodes de travail). Le socle commun, les compétences transversales ou non, sont des termes. Le délire proposé par le renouveau c’est de ne plus seulement enseigner le Quoi (connaissances factuelles), mais aussi le Comment, mais surtout le Pourquoi et le Quand (compétences ou socle commun).
Est-ce du si grand délire ?
Je vous rappelle mon invitation…Et au plaisir de vous rencontrer…
Sébastien Tremblay, enseignant.
Bonjour !
Je comprends que le propos heurte, mais à ce qu’il me semble M. Rioux est chroniqueur au Devoir, ce qui lui confère une certaine liberté éditoriale. Ses patrons ne s’attendent sûrement pas dans ce contexte à ce qu’il se livre à un rigoureux journalisme d’enquête.
Pour ce qui concerne le commentaire de Mario: « Je n’en reviens pas qu’on ait laissé passer au pupitre un texte aussi plein d’inepties » et un de ceux de Stéphane: « J’aime attendre l’analyse profonde de mon journal : Le Devoir », ça m’inquiète. Justement parce qu’une chronique est une forme journalistique qui autorise une certaine liberté. Pensez à Nuovo, Foglia, Claude Jasmin à une autre époque, Payette ou Bourgault autrefois. Le style est pamphlétaire et le contenu ne démontre rien en soi. So what ? On va pas commencer à s’attaquer à la presse ???
C’est pourquoi je ne crois pas qu’on aie dormi au pupitre et moi, quand je veux lire une analyse profonde, le Devoir demeure la référence. Même avec Rioux dedans. Et puis tiens donc, pourquoi ne pas demander un droit de réplique au Devoir ? Ça va alimenter le débat, non ? Il faut savoir transformer les contraintes en opportunités et peut-être que Rioux vous a ouvert la porte…
Y’en a pour tout le monde !
Marc
Je n’avais pas en tête le fait qu’il ait pu agir à titre de chroniqueur au moment où j’ai écrit ce billet; je pensais vraiment au cadre «du correspondant du Devoir à Paris» que j’avais vu à côté de son nom à différents endroits sur Internet. Mais sur la page de garde de l’édition Internet du Devoir, dans le menu déroulant en dessous de son nom, il est bien dans la liste des chroniqueurs…
Maintenant, est-ce que le chroniqueur peut exprimer son opinion plus librement? Certainement.
Est-ce que le chef de pupitre doit jeter un oeil à la véracité de certains faits qui motivent l’opinion du chroniqueur? Je n’ai pas la compétence pour répondre à cette question…
Il est possible que j’aie visé un peu vite le pupitre dans le contexte où ce «papier» est une chronique et tout indique que ce soit le cas.
«On va pas commencer à s’attaquer à la presse ???»
Ma critique s’adressait au Devoir d’hier et à ce texte. Toi qui viens ici régulièrement Marc, tu sais que j’ai le Devoir en haute estime pour les raisons que tu nommes entre autres. Mais ça ne m’empêche pas de rester vigilant… Je ne sais pas si mes propos constituaient une « attaque à la Presse », car je ne voyais pas cela gros comme tu le formules; j’ai voulu dire que ce texte renfermait un trop grand nombre de liens erronés entre des faits et des concepts qu’il faut manipuler avec soin, il me semble.
J’aime bien l’idée de la réplique. D’ailleurs, dès l’instant où j’ai eu terminé ce billet, j’ai envoyé au journaliste Rioux une sorte de reformulation de mes réactions avec l’outil disponible sur le site. De là à demander de faire paraître au Devoir un texte qui constituerait une réplique au chroniqueur Rioux… je ne sais pas. Mon réflexe en ce moment est de garder mes envolées dans les « grands médias » pour contrer des tirades plus signifiantes que ce texte qui mélange tout et qui ne risque pas de demeurer longtemps dans l’actualité. Ce serait de lui accorder une bien plus grande importance qu’il en a vraiment. Je vais quand même y repenser en fin de semaine…
Merci Marc de ton point de vue qui m’a fait voir une autre perspective que celle que j’avais au moment d’écrire, à chaud, cette petite colère!
Messieurs,
Un peu plus et on croirait qu’il faut censurer la presse quand elle «délire» et s’en prend à la réforme. M. Rioux exprime une opinion, peut-être d’une façon qui vous a heurtés, mais de là tout de même à blâmer Le Devoir, il y a un pas… Même le Conseil de presse ne recevrait pas une telle plainte à ce sujet.
Le chroniqueur assume généralement ses propos. Il est d’ailleurs payer à cet effet et ses patrons lui font généralement confiance. Ainsi, M. Parenteau ne voyait pas toutes ses chroniques à Bazzo préalablement lues par un fonctionnaire de Radio-Canada avant d’être remercié par la société d’État. Quant au fameux pupitre, son rôle n’est pas éditorial, je crois. Si vous estimez que les propos de M. Rioux méritent une réplique, n’hésitez pas à écrire au journal concerné.
Cela dit, M. Rioux soulève des interrogations parfois légitime quant à la réforme. Libres à vous de hurler à l’ineptie, mais je crois qu’il ne s’agit pas là d’une façon de construire un sain dialogue.
Par ailleurs, je remarque que l’extrémisme pédagogique est comme la bêtise humaine: une notion très répandue. Je peux vous parler de ces directions d’école qui ne veulent plus de session d’examens à cause de la réforme, de ces directions qui ne veulent plus d’examens à choix de réponses à cause de la réforme, de ces blogueurs qui invitent les élèves à boycotter toute forme d’examens… N’est-ce pas une forme d’extrémisme?
Pour ma part, la pédagogie se doit d’être diversifiée et de répondre aux besoins du moment et des élèves. En français, j’ai toujours tenté d’amener mes élèves à s’analyser en tant que scripteur, à réfléchir à l’acte d’écrire. Je n’ai jamais eu besoin de la réforme pour y penser. Par contre, je les fais écrire, je les mets dans un contexte rigoureux et contraignant, je leur parle d’outils et d’ouvrages de références, j’observe comment ils font ce qu’ils font, pas seulement le produit fini. Il s’agit d’une tâche épuisante pour l,enseignant et pour l’élève.
Je remarque que plusieurs de ceux qui se prononcent en faveur de la réforme sont souvent au début des cycles d’apprentissage, là ou la marge de manoeuvre, si je puis dire est plus grande, pas à la fin… Quand on regarde la compétence d’un élève à écrire un texte et qu’on découvre qu’il ne distingue même pas un adverbe d’un adjectif, on n’a pas envie de perdre de temps avec de beau discours pédagogique et on éteint les feux. Et oh surprise! même les élèves nous demandent de la vraie grammaire… comme s’il y en avait déjà eu de la fausse.
OK. Je lance un défi. Si l’enseignement était si pourri depuis Platon (l’Académie), alors expliquer moi : Aristote (le Lycée), Ptolémée, Boileau, Marie Currie, Newton, Sartre, Voltaire, Einstein, Camus, Collette, Marie-Claire Blais, G. Effeil, J. Verne, Louis de Broglie, Neils Bohr, Renée Descartes, Claude Bernard, W.V.O. Quine, Bertrand Russell, J.J. Rousseau (cet éluminé), Jacques Monod, Charles Darwin, J. Maxwell, Fabre (les insectes, vous devriez savoir), Charles Beaudelaire, Richard Feyman, C.E. Borduas, Heidegger, P. Picassos, François Truffaut, Jules Verne, A.C. Clarke, H. Reeves, Edwin Hubble, Herst Mach, Robert Sylverberg, Montaigne, etc. Je n’en peut plus. Arrêtez moi ces pédagogues à la con!
George Bush, J.J. Rousseau, et tous ces pédagogues à là c…
Et que dire de tous ces gagnants des Darwin Awards qui honorent ceux qui ont contribué à l’amélioration du pool génétique de l’espèce humaine par leur décès prématuré:
http://www.darwinawards.com/
En effet et j’espère que dans le lot des gagnants ou lauréats du prix Darwin il y a BEAUCOUP de pédagogues issus de toutes ces facultés qui se gonflent de l’étiquette « Sciences de l’éducation ». Pourquoi en effet, le nom de genre « science » dans le mot d’espèce « Science(s) de l’éducation »? La physique, par exemple, n’a pas besoin de se définir comme science : elle EST une science. Idem pour la chimie, la biologie, la logique, la mathématique, la météorologie,l’entomologie, etc. En vérité, j’ai mon critère (négatif) de scientificité : si vous voulez savoir si une « discipline » est une science, commencez par vérifier si elle se qualifie elle-même et nommément de science : si oui, alors ne perdez plus votre temps : ce n’est pas une science.
J’espère que le commentaire savoureux de monsieur Normand Péladeau ne signifiait pas que les débiles ne seront plus que mauvais souvenirs si seulement on laissait faire les pédagogues, ces génies incompris. Cela serait une trop lourde charge à faire porter aux « sciences de l’éducation ». (À propos, les sciences ou la science de l’éducation : il faudrait se brancher!)
Une majorité de professeurs, sensibles à la pédagogie (comment ne pas l’être, je suis moi-même professeur!), dénoncent les « dérives idéologiques » de certains pédagogues technocrates. Même dans ces désormais fameuses facultés de l’éducation, une bonne proportion de professeurs en ont marre de certains de leurs « collègues » ignorants qui ne font que pondre à plein seau des idioties. Le problème, c’est que les gouvernements n’écoutent que ces excréteurs de pneus. Pourquoi? Mystère… Mais sans doute en partie parce qu’ils inventent de nouveaux mots. Ce qui impressionne les autres ignorants. (Si vous ne pouvez pas penser, disait Voltaire, inventez de nouveaux mots.) Anyway, voilà pourquoi il faut que les gens de raison se liguent ensemble pour dénoncer en bloc ces déjà vieux programmes socio-constructivistes qui, c’est évident (évident au sens de Descartes : ce qui ne peut être révoquer en doute), ont été rédigés par des imbéciles qui vivent sur une autre planète. P.S.: J’ai une idée géniale : on fait ramper à quatre pattes pendant deux heures les élèves de première année, pour leur faire « découvrir » par eux-mêmes les bienfaits de la station debout. On leur demande ensuite de rédiger un rapport songé là-dessus. Ça prendra une journée peut-être, mais pof! au moins il s’en souviendrons!
J’appelle « théorie scientifique » un ensemble logiquement cohérent de propositions (principes, hypothèses ou lois, procédures types de décision et exemples) qui permet de déduire les phénomènes qu’on prétend rendre compte. (Expliquer, c’est prédire ; prédire, c’est déduire des faits à partir de lois et de conditions initiales.) Or, si les prédictions de la théorie scientifique sont réfutées par l’expérience, alors la théorie doit être modifiée, voire rejetée. (Ce sont les scientifiques du domaine qui ont le trouble de décider. En pratique plusieurs décisions sont possibles. Les désaccords entre la théorie et l’épreuve des faits sont une constante dans tout travail scientifique. Le contraire systématique est même suspect!) Il en résulte qu’un discours quelconque à prétention scientifique, qui se voit réfuté par la réalité qu’il prétend expliquer mais qui blâme cette réalité, n’est pas un discours scientifique. C’est une idéologie. Tel est notamment le cas de la « théorie » pédagogique totalisante appelée socio-constructiviste. (« La théorie est vraie, le problème c’est la réalité : il manque en effet des moyens et du temps ; les professeurs ou plutôt les « aidants » sont mal préparés ; les élèves ou plus précisément, les « apprenants » sont perturbés, etc. ») Cet argumentaire est non seulement logiquement invalide ; il est épistémologiquement ridicule. Pourtant certains s’y accrochent comme des poissons ferrés à mort. (Je vais bien finir par l’avoir, cet hameçon …)
« Si vous ne pouvez pas penser, disait Voltaire, inventez de nouveaux mots »
Je devrais vous souhaiter la bienvenue M. Lapierre, mais je ne sais pas trop quoi dire de vos arguments… Vous me semblez du genre à vous contredire tout seul si on vous laisse aller assez longtemps… Par exemple, l’utilisation de l’expression « excréteurs de pneus » en lien avec votre citation de Voltaire.
Bienvenue quand même!
Je ne sais pas si M. Lapierre se contredit sur le fond des choses, mais je remarque qu’il a la richesse et la verdeur du langage du capitaine Haddock!
« À propos, les sciences ou la science de l’éducation : il faudrait se brancher! »
Ni l’un ni l’autre quant à moi. L’éducation n’est pas une science, mais un champ, un vaste champ d’études qui a de tous temps attirés des chercheurs de différents horizons scientifiques.
« Il en résulte qu’un discours quelconque à prétention scientifique, qui se voit réfuté par la réalité qu’il prétend expliquer mais qui blâme cette réalité, n’est pas un discours scientifique. C’est une idéologie. »
Là-dessus, je suis d’accord. Karl Popper, qui a consacré une bonne partie de sa vie à la philosohie des sciences, disait que ce qui est irréfutable ne peut être qualifié de théorie scientifique. Pour lui, et je cite: » La vérification d’une hypothèse, même par un grand nombre d’expériences, ne permet pas de conclure à la « vérité » de cette hypothèse ». Il poursuit: « Une théorie scientifique n’est donc pas une théorie vérifiée, mais une proposition réfutable et non encore réfutée »
C’est à ce prix qu’on avance.
À monsieur St-Pierre,
» Une théorie scientifique n’est donc pas une théorie vérifiée, mais une proposition réfutable et non encore réfutée « .
Donc effectivement la proposition : » Tous les corbeaux sont noirs « , ne peut être vérifiée à moins d’avoir un nom pour chaque corbeau et avoir bien vérifié que chacun est noir. Aussi bien vider l’Atlantique à la cuillère … Je suis d’accord.
Par contre, parlons de ce critère de falsification, appliquons-le. Avant sa mise à l’épreuve au monde sensible, le socio-constructvisme était certes une théorie réfutable, puisqu’elle prédisait certains résultats mesurables sinon qualifiables, à court et moyen termes. Donc pendant un certain intervalle de temps, elle pouvait prétendre légitimement au statut de théorie scientifique. Or, telle l’astrologie, elle a été réfutée par l’expérience. Et telle l’astrologie, elle s’en remet maintenant à la foi. Elle traite de » bornés » les gens qui sont sceptiques à son égard. Il en résulte que : (1) elle n’est plus une théorie scientifique, selon le critère de Popper ; (2) ce n’est plus qu’une croyance qui persiste malgré tout. Pourquoi?
L’explication n’est pas exactement la même que celle qu’on pourrait formuler pour l’astrologie. Le socio-constructivisme ne fait notamment pas appel à des forces supranaturelles, qui ont toujours fasciné l’esprit humain. Non. Telle l’économie, est plus futée que l’astrologie.
Explication. Le socio-constructivisme dans milieu de l’enseignement persiste, en théorie et en pratique, parce que : (1) beaucoup trop d’intérêts politiques, économiques et intellectuels sont en jeux ; (2) les technocrates pédagogues ne veulent pas perdre la face (après tout, leur réputation et leur job sont menacées et ils le savent — à part les exaltés qui ne savent rien) mais ils ont (encore) l’appui des politiques ; (3) les gens instruits et de raison comprennent que ce sont ces pédagogues technocrates et les politiques ignorants qui sont coupables d’avoir utilisé de jeunes gens (nos élèves) à titre de cobayes en hypothéquant leur avenir et d’avoir brûlé de nombreux professeurs bien intentionnés mais naïfs ; (4) la lutte est en cours et elle est à finir.
Voici ce que je dis — et ce que bien des gens comprennent avec moi, inutile de tourner autour du pot.
A. La pédagogie est d’abord et avant tout l’affaire de ceux et celles qui savent et enseignent. La pédagogie est, et elle produit en retour, une pratique vitale pour la civilisation. Car elle est l’art de la transmission de la connaissance (ce qui signifie aussi le savoir et l’expérience) et elle est donc essentielle à la survie et au progrès de la civilisation.
B. Nul qui ne maîtrise aucune discipline digne d’être enseignée ne saurait prétendre savoir comment enseigner une discipline qui mérite de l’être. Or les pédagogues formés aux facultés d’éducation ne maîtrisent aucune discipline digne d’être enseignée. En effet, on n’enseigne pas au primaire, au secondaire ni au collégial la pédagogie, pas plus qu’on y enseigne l’astrologie, la numérologie, le tarot … Seule l’université s’est faite avoir et on se demande bien pourquoi!
Sur ce je ferme ma boîte jusqu’à ma prochaine réplique.
P.S.: Je ne voulais pas m’impliquer autant mais j’avoue que j’aime mes interlocuteurs et la haute qualité de la discussion. Au plaisir!
À monsieur Mario Asselin,
» excréteurs de pneus « , j’avoue que cette expression est surprenante, elle provenait sans doute de mon inconscient. Je voulais certainement dire : » générateurs de déchets « . De toutes façons : (1) ce n’était pas un nouveau mot ; (2) vous devriez comprendre la métaphore.
À monsieur Luc Papineau,
Je ne savais point si je devais prendre cela comme un compliment ou comme une insulte. Mais après réflexion, c’est un compliment, étant donné que le capitaine avait tous les défauts du monde, sauf la franchise, l’honneur et la faculté de juger (qui était parfois, il faut dire, troublée par le whisky. Or que Dieu m’en préserve.). Merci.
M. Lapierre,
Étant un grand fan de Tintin et amateur occasionnel de poésie, croyez bien qu’il s’agit là d’un compliment! Je voyais bien la métaphore dans votre propos et aucun mot nouveau n’apparaissait dans cette phrase. Par contre, il est parfois possible de créer des sens nouveaux avec des associations différentes et inusitées.
« (1) beaucoup trop d’intérêts politiques, économiques et intellectuels sont en jeux »
Pauvre de vous, j’espère que vous ne venez pas tout juste de découvrir cela… De tous temps, les sociétés ont voulu se donner des écoles qui serviraient l’idéologie dominante de leur époque.Cette idée du socioconstructuvisme, par exemple, a été développée dans une société russe portée par des idéaux de collectivisme. Elle a refleuri aux États-Unis à la fin des anées « 60, en plein Folwer Power. Célest Freinet a été, à une certaine époque,mis au ban à cause de ses allégeances communistes. L’Italie Fasciste de Mussolini est à l’origine de l’exil de Maria Montessori. Les Nazis ont gazé Korczac et avec lui, tous les enfants de son école. La dictature brésilienne a condamné Paulo Freire.
Pédagogie et société sont ainsi liées.
À monsieur Luc Papineau,
Je pense que vous êtes l’auteur de la lettre intitulée : » La réforme improvisée : des chiffres ou des lettres ? « , parue le jeudi 18 mai 2006 dans Cyberpresse. (http://www.cyberpresse.ca/article/20060518/CPOPINIONS/60518036/5290/CPOPINIONS) . Je vous félicite : vous y réussissez à désigner et expliquer de manière informée, détaillée et claire un aspect : (1) de l’incompétence et l’ignorance du ministre, du sous-ministre et des hauts fonctionnaires nommés à vie au ministère de l’éducation (du loisir et du sport …) ; (2) de l’inconcevable manque de jugement pratique des théoriciens du socio-constructivisme.
En vérité, non seulement vous savez de quoi vous parlez ; vous prenez aussi et surtout la peine de le communiquer. Et vous le faites avec excellence, donc (selon mes critères) mieux que je pourrais le faire moi-même. Merci.
M. Lapierre,
J’ignore si je sais toujours de quoi je parle. Je crois cependant au droit de parole, à la tolérance de ceux qui m’écoutent et au respect que j’éprouve pour ceux qui échangent avec moi.
Quand j’ai écrit ce cours billet, je voulais seulement soulever l’incohérence de certains discours qui font les manchettes de notre actualité.
Je ne crois pas que M. Fournier soit un socioconstructiviste. Il est avant tout un politicien chevronné et le ministre de l’Éducation du Québec. Pour ces raisons, je m’attends de lui, comme parent, comme enseignant et comme électeur, qu’il ait une maîtrise plus juste de certains dossiers.
À quelques reprises, il est intervenu dans la problématique des bulletins au secondaire. Dans tous les cas, il m’a peu épaté. L’évaluation est le tendon d’Achille de tout système d’enseignement. Le ministre devrait être mieux préparé pour en parler.
En réduisant le bulletin à un «deal» politique, je crois qu’il rend un très mauvais service à la réforme qu’il met de l’avant et à nos élèves.
Sous la rubrique: Rions un peu.
J’aimerais partager une réplique savoureuse que m’avait donnée Jacques Forget, professeurs au département de psychologie à l’UQAM. Je lui parlais de mon incompréhension devant le fait qu’un administrateur chevronné comme François Legault, venant de l’entreprise privée, fervent des mesures d’efficacité, pouvait avoir pu se faire berner par des hauts fonctionnaires et des « experts » en embarqué dans une telle galère de changements majeurs dénués de tout fondement et en l’absence de toute preuve d’efficacité.
Comme quelqu’un pouvait-il changer à ce point?
Monsieur Forget me répond sans la moindre hésitation:
« François Legault fournir une preuve de plus que les compétences transversales, ça n’existe pas. »
P.S. J’avais pensé soumettre cette anecdote au Readers’ Digest, ce qui m’aurait permis d’ajouter un article à mon CV de chercheur et sans doute obtenir une subvention pour une recherche en science de l’éducation.
M. Papineau,
Votre modestie et votre conscience civique vous honorent. Je ne pourrais pas en dire autant de ma personne. Votre dernière réponse mérite réflexion. Elle ne fait qu’accroître la qualité de votre contribution au débat sur le malaise de l’éducation chez-nous et dans le monde occidental en général.
Bonjour,
Ceci ce suit est en partie une réponse au texte intitulé : « À tous les grimpeux de rideaux », de Nicolas Faucher, paru dans Cyberpresse, le samedi 20 mai 2006.
(http://www.cyberpresse.ca/article/20060519/CPSOLEIL/60519166/5287/CPOPINIONS)
Ma perspective est davantage philosophique que praticienne – celle par exemple très légitime et aussi articulée que pourrait avoir un professeur du primaire ou du secondaire au prise avec tout ce bordel. (Car bordel il y a, sinon nous n’en serions pas à en parler autant et avec tant de passion.)
————————————————–
Dans la fameuse réforme baroque au multiple désignation dont on parle tant ( » Renouveau pédagogique « , » Enseignement socio-constructiviste », » Enseignement centré sur l’élève « , » Enseignement par problème « , etc.), il ne peut n’y avoir que du mauvais, que du débile, que de l’absurde, que de l’idéologie » new age « . Par exemple, il vrai que le verbe » savoir » n’est pas le même sens que le verbe » comprendre « . René Descartes notamment, père reconnu du rationalisme moderne, a bien expliqué cette distinction dans son » Discours de la méthode » (1637). Par exemple, pouvoir énoncer le Théorème de Pythagore ne signifie pas pouvoir en donner une démonstration claire ni non plus être capable de l’appliquer à toutes les situations qui s’y prêtent. Notez cependant que ces deux dernières compétences particulières ne sont pas équivalentes.
Non, le problème je pense est de départager le valable d’avec le douteux, le raisonnable d’avec le délire. Commençons par le douteux ou le délire.
Il réside en grande partie dans les fondements philosophiques, voire idéologiques, de la réforme. Voici ce que je pense en savoir. (1) Ce que l’on découvre soi-même est davantage intégré et compris que ce que l’on nous apprend (inculque si vous voulez) directement. (2) On apprend mieux ce qui nous intéresse que ce que ce qui ne nous intéresse peu ou pas du tout. (3) Le savoir global de l’humanité n’est pas fait de compartiments étanches et séparés : chaque discipline constituée entretient en vérité des liens avec chacune des autres.
En conséquence pratique : (a) il faut au maximum amener les jeunes à reconstruire par eux-mêmes, étape par étape, des contenus propositionnels que l’humanité a depuis des lustres construits et formulés ; (b) on doit au maximum laisser les jeunes travailler ce qui les intéressent vraiment, c’est-à-dire viscéralement ; comme ça, ils aimeront davantage apprendre — apprendre à l’école il faut le préciser ; (c) on doit au maximum amener les jeunes à appliquer ce qu’ils ont eux-mêmes reconstruits et bien compris à des situations variées ; comme ça, il en ressortiront instruits et fiers d’eux-mêmes (c’est la fameuse » estime de soi « ). En outre, il faut être dialecticiens : loin de former une suite linéaire, (a), (b) et (c) sont des moments de l’apprentissage devant être concrétisés en interaction dynamique et réciproque. (Bonne chance!)
Critique. La proposition (1) est à prime abord obvie ; or, après réflexion elle est fausse. En effet, on peut très bien comprendre (ou finir par comprendre) ce que l’on nous enseigne directement. Chacun doit, s’il est honnête, avouer qu’il a réussi à comprendre ce que l’on lui a enseigné, que ce soit à travers un cours magistral « plate » (il a le dos large, celui-là), un livre, un reportage télévisuel, etc. Mais encore faut-il faire un effort intellectuel pour y arriver — ce qui est une autre histoire, n’est-ce pas? La proposition (2) est elle aussi, à prime abord, une évidence ; or on pourrait y faire objection de plusieurs façons. Contentons nous d’y opposer le fait que ce qui intéresse l’enfant ou l’adolescent à un moment donné de sa courte expérience de vie n’est pas nécessairement digne d’intérêt d’un point de vue académique, intellectuel ou éthique. Réciproquement, ce qui n’intéresse pas le jeune à un moment donné peut être très important pour sa future formation académique, intellectuelle, citoyenne ou éthique. En d’autres mots, il faut parfois lui enfoncer des éléments de formation qu’il ne pourra découvrir lui-même avant longtemps, si jamais cela est possible. C’est plate peut être mais c’est un fondement même de la civilisation : non seulement on ne nait pas savant ; il faut aussi qu’on nous montre comment être dans le monde. Quant à la proposition (3), elle est vraie (à des degrés variables selon les champs disciplinaires) selon toutes les données anthropologiques et historiques disponibles. Mais d’aucuns diront que cette faculté de faire des liens entre les disciplines requiert, au risque de tomber dans le syncrétisme et la confusion des genres, un gros minimum de connaissance dans chaque discipline concernée. Dans tous les cas, l’école peut y contribuer mais aussi la famille (si elle existe), les livres (si on les lit), les amis (si on en a), les média écrits et électroniques mais aussi et surtout, le temps… Le danger serait donc de mettre la charrue devant les bœufs : faire des relations entre des éléments mal définis et confusément assimilés.
Il en résulte que les conséquences pratiques (a), (b) et (c) sont très discutables puisque leurs bases respectives (1), (2) et (3) sont fragiles.
Terminons par le valable. Il dépend au fond, je pense, à la faculté de juger, au savoir et au savoir faire des professeurs. Mais oui, il faut insister davantage sur la découverte individuelle et les liens entre les disciplines. Mais non, il ne faut pas négliger les connaissances disciplinaires et l’effort de penser. Il faut au contraire montrer qu’apprendre, c’est parfois travailler de la tête, que cet effort peut s’accompagner, tel quelque effort physique, d’une satisfaction, voire d’un plaisir. Il faut aussi montrer que les disciplines sont les briques élémentaires nécessaires à l’édification d’un savoir réellement détaillés et solides. (Ce qui ne signifie pas que les disciplines sont des dogmes. L’histoire des sciences en témoigne. Mais encore faut-il connaître en connaître les causes.) Éviter aussi et par conséquent, le syncrétisme et le relativisme. Pour éviter de brouiller les têtes, de confondre l’argumentation d’avec l’impression ou l’opinion commune, il faut expliquer, montrer, faire réaliser si vous préférez, que toute proposition n’en vaut pas une autre, que certaines sont mieux fondées (historiquement, philosophiquement, logiquement ou empiriquement) que d’autres. Autrement, c’est le chaos, la nuit noire ; et il n’y a alors plus d’esprit critique possible.
M. Lapierre, je ne vois pas le lien entre cette tirade et le texte de M. Faucher. Vous pourriez m’expliquer simplement S.V.P.?
Bonjour,
Mon précédent « texte » n’était franchement qu’un vulgaire brouillon plein de gribouilles et de coquilles. Il ne méritait pas d’être déposé sur ce site. Je m’en excuse. (Réponse : « Excuses-toi pas, petit, fait attention. » Oui, misère…) Voici donc, si vous me le permettez, une version revue et corrigée, que j’ai d’ailleurs soumis à Cyberpresse. Merci.
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Titre : La réforme de l’éducation sans foi ni lois
Ma perspective est davantage philosophique que praticienne – celle par exemple que pourrait avoir un professeur au primaire ou au secondaire qui se trouverait dans la tourmente de la réforme de l’éducation. Car tourmente il y a en effet, sinon nous n’en serions pas à en parler autant et avec tant de passion.
Dans cette désormais fameuse réforme au multiple désignations associées ( » Renouveau pédagogique « , » Enseignement socio-constructiviste « , » Enseignement centré sur l’élève « , » Approche par problème « , etc.), il ne peut pas n’y avoir que du mauvais, que du débile, que de l’absurde, que de l’idéologie new age. Par exemple, il vrai que savoir ne signifie pas nécessairement comprendre. René Descartes, père reconnu du rationalisme moderne, a bien expliqué cette distinction dans son Discours de la méthode (1637). Par exemple, connaître par cœur le théorème de Pythagore ne signifie pas forcément pouvoir en donner une démonstration claire ni être capable de l’appliquer à toutes les situations qui s’y prêtent. Notez cependant que ces deux dernières compétences particulières ne sont pas équivalentes.
Non, le problème je pense est de départager le valable d’avec le douteux, le raisonnable d’avec le délire. Commençons par le douteux ou le délire. Il réside en grande partie dans les fondements philosophiques de la réforme. Voici ce que je pense en savoir. (1) Ce que l’on découvre par soi-même est davantage appris (intégré, compris, etc.) que ce que l’on nous enseigne (ou » inculque « , si vous voulez) directement. (2) On apprend mieux une matière qui nous intéresse qu’une qui ne nous intéresse peu ou pas du tout. (3) Le savoir global de l’humanité n’est pas fait de compartiments séparés et étanches : chaque discipline constituée entretient des liens avec chacune des autres.
En conséquence pratique : (a) il faut au maximum amener les jeunes à découvrir ou reconstruire par eux-mêmes, étape par étape, des contenus propositionnels que l’humanité a depuis des lustres construits et formulés ; (b) on doit au maximum laisser les jeunes travailler sur ce qui les intéressent vraiment car comme ça, ils aimeront davantage apprendre — apprendre à l’école faut-il le préciser ; (c) on doit au maximum amener les jeunes à appliquer ce qu’ils ont eux-mêmes appris et donc bien compris à des situations variées car comme ça, il en ressortiront davantage instruits et seront fiers d’eux-mêmes (c’est la fameuse » estime de soi « ). En outre, il faut être dialecticien : loin de former une suite temporelle et linéaire, (a), (b) et (c) sont des moments d’apprentissage devant être réalisés ensemble de manière dynamique et réciproque. (Bonne chance!)
Voici quelques critiques. La proposition (1) est à prime abord obvie ; or, après réflexion elle est fausse. En effet, on peut très bien comprendre (ou finir par comprendre) ce que l’on nous a enseigné directement, que ce soit à travers un cours magistral, la lecture d’un livre, le visionnement d’un documentaire, etc. Mais encore faut-il faire un effort intellectuel pour y arriver — ce qui est un aspect dont on parle peu. La proposition (2) est elle aussi, à prime abord, une évidence ; or on pourrait y faire objection de plusieurs façons. Contentons-nous d’y opposer le fait que ce qui intéresse l’enfant ou l’adolescent à un moment donné de sa courte expérience de vie n’est pas nécessairement un objet digne d’intérêt d’un point de vue académique, intellectuel ou éthique. À l’inverse, ce qui n’intéresse pas le jeune à un moment donné peut être très important pour sa formation académique, intellectuelle, citoyenne ou éthique. En d’autres mots, il faut parfois lui enseigner carrément des contenus utiles ou nécessaires qu’il ne pourra pas découvrir lui-même avant longtemps, à supposer que cela soit possible. C’est plate peut être mais c’est un des fondements de la civilisation : non seulement on ne naît pas savant ; il faut aussi qu’on nous montre comment faire et être dans le monde. Quant à la proposition (3), elle est vraie selon toutes les données anthropologiques et historiques disponibles. Mais d’aucuns diront que la capacité de faire des liens entre les disciplines requiert, au risque de tomber dans le syncrétisme et la confusion des genres, un gros minimum de connaissance dans chaque discipline concernée. Dans tous les cas, l’école peut y contribuer mais aussi la famille (si elle existe), les livres (si on les lit), les amis (si on en a), les média écrits et électroniques et finalement et surtout, le temps. Le danger serait donc de mettre la charrue avant les bœufs : faire des relations entre des éléments mal définis et confusément assimilés.
Il en résulte que les conséquences pratiques (a), (b) et (c) sont très discutables puisque leurs bases respectives (1), (2) et (3) sont fragiles. Au mieux, il faut les appliquer aux cas par cas.
Ce qui nous amène au valable. Il réside en dernière analyse, je pense, dans la faculté de juger, le savoir faire et le savoir tout court des professeurs. (Mais oui, des professeurs.) Oui, il faut insister davantage sur la découverte individuelle et les liens entre les disciplines, cela tombe sous le sens. Inutile d’écrire des tonnes de livres et d’articles de pédagogie exaltée là-dessus. Non toutefois, il ne faut pas négliger les connaissances disciplinaires et l’effort de penser. Il faut au contraire montrer qu’apprendre, c’est parfois travailler de la tête et que cet effort s’accompagne normalement, tel quelque effort physique, d’un sentiment de bien être. Il faut aussi montrer que les disciplines sont les briques élémentaires nécessaires à l’édification d’un savoir général solide. (Ce qui ne signifie pas que les disciplines sont des dogmes. L’histoire des sciences en témoigne. Mais encore faut-il les connaître pour ne pas en dire n’importe quoi.) Il faut éviter aussi et par conséquent, le syncrétisme et le relativisme. Pour éviter de brouiller les têtes, de confondre l’avis argumenté d’avec l’impression ou l’opinion commune, il faut expliquer, montrer, faire réaliser si vous préférez, que toute proposition n’en vaut pas une autre, que certaines sont mieux fondées (historiquement, philosophiquement, logiquement ou empiriquement) que d’autres. Autrement c’est la nuit où, comme l’a écrit Hegel, » toutes les vaches sont noires » et il n’y a alors plus d’esprit critique possible.
M. Asselin,
Le texte de M. Faucher visait manifestement à exprimer que ‘La réforme’ de l’éducation dont nous parlons tant (et que plusieurs professeurs vivent actuellement, à leur coprs défendant) n’est pas entièrement un ramassis de délires de pédagogues à la con et par conséquent, que les critiques complètement négatives contre cette réforme relèvent d’un extrémisme tout aussi délirant et irrationnel que certains de ses détracteurs dénoncent.
Or, après avoir lu sur la question, incluant les textes de ce forum, et après avoir ruminé un peu pendant et après, j’ai simplement voulu exprimer mes conclusions, encore provisoires, à savoir : au bout du compte, oui il y a du douteux (voire du délire, oui, oui) dans toute cette histoire de réforme socio-constructiviste ; non, peut être qu’au fond tout n’est pas irrationnel dans cette même histoire ; mais résolument, en dernière instance, ce sont les enseignants qui sont les mieux placés pour juger et agir dans leur pratique d’enseignement, non et surtout pas les pédagogues en robe de chambre.
Il y a beaucoup de bruit dans le texte de M. Faucher, je ne veux pas le décortiquer ici, mais il y aussi plusieurs éléments plus significatifs et intéressants. C’est à partir de ces derniers que j’ai voulu fournir un point de vue plus fondamental sur la question. Par fondamental, je ne veut pas dire plus savant. Le terme » fondamental » signifie dans mon langage : » ce qui est profondément présupposé et qui néanmoins agit sans être toutefois explicité « . Je ne suis pas un savant, ni un génie. Je prend seulement l’affaire avec sérieux. Peut être trop même. (Comme nous tous j’ai hâte de prendre des vacances, pour moi c’est lire, respirer l’air frais, piloter mes avions miniatures et … préparer mes cours de la prochaine session!)
Pour finir, juste une parenthèse, dont on ne parle pas assez. Les mots ne sont jamais innocents. En tous cas ils ne le sont pas pour ceux qui craignent la » novlangue » comme la peste. Voici : c’est aux enseignants de décider eux-mêmes du nom de leur métier, non aux pédagogues en robe de chambre. Si ces premiers veulent se faire appeler » professeurs » et non » aidants « , ils en ont l’autorité historique et morale. Ils devraient le crier haut et fort, autrement — ce qui est un avis partagé par bien d’autres de mes collègues — ils se diminuent, déprécient, subordonnent, voire ridiculisent eux-mêmes. Sincèrement,
S.L.
P.S.: Me me demandez pas ce que je désigne par l’expression « pédagogue en robe de chambre ». Les facultés d’éducation et les bureaux des CS et du MELS en sont remplies.
J’apprécie que vous ayez pris le temps de vous expliquer un peu mieux M. Lapierre. Vos précédentes interventions me donnaient l’impression de quelqu’un qui débarquait ici en venant « cracher sur mon perron » (lire le commentaire #2 de ce billet).
Je vais relire attentivement, mais spontanément, j’aurais le goût de vous dire qu’il y a un programme de formation prescriptif dans les mains d’un enseignant dans ce contexte du renouveau. Je comprends ce que vous avez voulu dire dans le paragraphe où vous expliquez qu’on ne peut pas attendre indéfiniment qu’un apprenant s’intéresse au programme pour lui enseigner. Je suis d’accord avec cela.
Les trois fondements « philosophiques » que vous présentez comme étant « ce que vous pensez en savoir » teintent fortement le reste de votre argumentation et je comprends mieux que vous vous désoliez. J’ai été directeur d’une école qui s’est appropriée la réforme très tôt et si on m’avait présenté les fondements de ce que j’allais faire vivre de cette façon, je crois que j’aurais décroché rapidement.
Je suis ravi que vous preniez tout ça sérieusement… Mon expérience de travail dans le contexte de la réforme m’a amené à voir que le socioconstrucitivisme n’était PAS la seule base théorique acceptable à considérer, qu’il fallait continuer d’expliquer, que les disciplines scolaires gardaient chacune leur importance et que l’important était de respecter l’autonomie pédagogique des enseignants. Je crois moins au bourrage de crâne qu’aux diverses stratégies disponibles pour faire apprendre aux individus qui ne sont pas tous semblables et qui ne peuvent apprendre en même temps les mêmes choses. La différenciation pédagogique m’inspire beaucoup et je n’ai pas l’impression que notre avenir professionnel passe par l’échange du titre « d’enseignant » pour celui « d’aidant » même si je crois que la fonction « aide à l’apprentissage » doit davantage faire partie de nos préoccupations que celle de faire le tri social après avoir déversé le contenu du programme sans bien considérer celui qui doit faire l’effort (j’ai bien dit effort) d’intégrer ce qu’on lui propose!
Merci de conserver une certaine ouverture comme vous l’avez fait dans les interventions # 25 et 26.