Vingt-sept mille enseignants qui passent de la dissidence à la désaffiliation, ce n’est pas rien. Le 28 juin dernier, soixante-quinze déléguées de neuf syndicats fondaient « la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Sous le slogan «On repart à neuf», l’exécutif se donne comme principale mission de freiner l’élan de la réforme scolaire en cours d’implantation. C’est un des principaux points qui a causé la dissension d’avec les trente-cinq autres syndicats (qui regroupent maintenant quarante-trois mille membres à la FSE-CSQ). D’autres enjeux avaient d’ailleurs contribué à la dissidence dont le fait que plusieurs élèves EHDAA perdaient leur code d’identification et étaient intégrés au régulier, la baisse du ratio maître-élèves et la question du temps de présence à l’école. Cette phrase tirée d’un éditorial du Président du Syndicat de l’enseignement de la région de Laval en dit long sur ce qui divise :
«Deux approches du syndicalisme s’opposent : un syndicalisme de partenariat et de services, défendu par la majorité des syndicats d’enseignement du Québec, et un syndicalisme de revendication, prôné par le regroupement des neuf syndicats, visant une amélioration significative des conditions d’exercice d’emploi.»
Les votes de désaffiliation auraient été serrés (à l’Alliance des professeurs de Montréal, par exemple, seulement 60 votes ont fait pencher la balance), mais chacun doit maintenant composer avec le résultat même si cette page Web de la CSQ montre toujours le chiffre de 80 000 enseignants représentés… Cette semaine, on apprenait par Le Devoir que le nouveau bulletin scolaire de la CSDM était vigoureusement dénoncé par les représentants des enseignants de cette C.S. Un comité multipartite du Renouveau pédagogique dont la porte-parole est une commissaire a déploré la politique de la chaise vide du syndicat membre de la nouvelle fédération :
«L’Alliance a vivement déploré le manque de consultation des enseignants dans la confection du nouveau bulletin. Mais la CSDM a répliqué en affirmant que le comité multipartite comptait six sièges pour les enseignants, que l’Alliance n’aurait jamais occupés. «C’est malheureux, mais ils ne sont jamais venus aux rencontres, auxquelles ils étaient pourtant invités», a précisé la commissaire.»
Tout cela n’annonce rien de bon pour les étudiants de ces écoles. Au moment où se poursuit dans plusieurs endroits la démarche d’implantation de la réforme sous le sceau d’un dialogue renouvelé, l’affrontement qui se prépare dans d’autres milieux risque de desservir tous ceux qui sont regroupés dans chaque clan. Tournant le dos au partenariat pour des questions dogmatiques (prépondérance des connaissances sur les compétences, utilisation exclusive des approches centrées sur l’enseignement, entre autres) les discussions sur les nouveaux bulletins risquent de tourner en rond là où il y a un nécessaire besoin d’avancer. Mme Frascadore (présidente de la FAE) parlait hier «d’un bulletin de quatre-vingt-deux pages» au téléjournal de Radio-Canada, hier soir! Le désir d’affrontement mènera à bien des déclarations de ce type où on dira n’importe quoi pour avoir raison…
Le seul point positif de toute cette bisbille est que plusieurs enseignants vont devoir se faire leur propre opinion dans ce climat où la neutralité ne sera plus possible bientôt. Je n’ai aucun problème avec les résistances et les désaccords. Quatre-vingt-deux pages, quand même! Désinformer pour faire valoir son point… j’en perds un peu beaucoup de mon respect pour la démarche dissidente. Ils disent « repartir à neuf », mais leurs préjugés sont vieux comme tout (et que dire de leurs tactiques basées sur l’affrontement).
À suivre…