«L’omniprésence du discours néolibéral commande que l’on examine de plus près des choix idéologiques présentés comme autant de vérités inéluctables. C’est ainsi qu’il faut comprendre un certain discours sur la dette publique, sur l’état réel des finances publiques, sur les droits de scolarité ou sur le niveau de taxation au Québec. C’est également ainsi que doit être interprétée la loi spéciale de décembre 2005 qui a fixé, sans réelle négociation, nos conditions de travail et qui renferme tout un appareil répressif destiné à nous retirer le droit de protester. Le net recul démocratique illustré par cette loi inique commande une réponse ferme de l’ensemble de la société.»
Ça provient de cette brochure publiée par trois fédérations de syndicats d’enseignantes et d’enseignants de cégep visant à lancer une «vaste campagne de sensibilisation politique dans les cégeps».
Le pire, c’est que la page dans laquelle on trouve l’extrait précédent se termine par «Est-ce là de la propagande? À vous d’en juger.»
Si le contenu de cette brochure n’est pas de la propagande, je ne sais pas ce que c’est de la propagande… et le dictionnaire Antidote* non-plus.
Comme je n’ai nullement participé à l’élaboration de cette brochure et que je ne suis plus à la FNEEQ-CSN, je me sens parfaitement libre de commenter. Je suis allé jeter un coup d’œil rapide sur la brochure et, ma foi, Mario, je n’y vois pas de la propagande. Si c’était le cas, cela signifierait que toute prise de position sur la place publique serait de la propagande.
Je crois que le définition que tu utilises ici est un peu trop large. La rubrique « propagande » de Wikipédia est plus complète. Surtout, elle énumère des caractéristiques plus spécifiques à la propagande, ce qui permet de la distinguer de ce qui n’en est pas. Notamment :
Je ne crois pas que le contenu de cette brochure corresponde à ces caractéristiques. Je ne l’ai pas toute lue, je l’admets. Mais un petit coup d’œil rapide m’a tout de même fait repérer ces deux passages qui, à mon avis, n’ont à voir avec de la désinformation, ni avec le fait de jouer sur les émotions plutôt que de miser sur le raisonnement et le jugement ou encore de chercher à entretenir la confusion plutôt que de chercher à convaincre et à expliquer.
J’apprécie ton opinion André, mais ne trouves-tu pas qu’il aurait été plus «adroit» de donner un peu de place à «l’autre côté de la médaille» pour qu’un débat prenne place? Aucune référence à des sources qui pourraient faire contrepoids, aucune possibilité de lire des arguments autres que ceux de la ligne éditoriale de ces syndicats…
Je ne suis pas impressionné par le fait qu’on veut se servir de ce document en classe pour débattre alors qu’un seul discours est présent. Je ne blâme pas le syndicat d’afficher ses couleurs. Je trouve ça très ordinaire de le faire de cette façon. La dernière phrase que tu cites, en particulier, aurait pu se lire «Nous vous invitons à lire ces textes, à en lire d’autres qui posent les problèmes différemment, à en discuter avec vos professeurs et vos amis…» que déjà j’aurais moins tiqué.
Je suis déçu de cette publication André qui n’est pas à la hauteur de ce que la démocratie syndicale a déjà montré…
Mais que penser de cette publication:
http://www.mels.gouv.qc.ca/lancement/renouveaupedagogique/Automne2006.pdf
N’est-ce pas selon Wikipédia un exemple de « stratégie de communication, dont use un pouvoir politique […] pour changer la perception d’événements. »
N’est-ce pas une tentative de « propager à grande échelle des informations, fausses ou non, mais toujours partiales. »
Y fait-on place à l’ « autre côté de la médaille » pour qu’un débat prenne place, comme vous dites? Absolument pas.
Le MELS dit vouloir envoyer des lettres aux parents pour expliquer pourquoi il faut poursuivre la réforme et on se doute qu’il ne présentera pas l’opinion du côté adverse. Les syndicats répliquent et se proposent également d’envoyer une lettre aux parents et il est fort possible que cette lettre sera aussi partiale que celle en provenance du MELS.
Il ne faut pas être aveugle aux efforts de propagandes des pouvoirs qui défendent des doctrines et des opinions auxquelles on adhère. Dans le jugement que l’on porte, il importe également de tenir compte de ce qu’est l’idéologie dominante. Les positions minoritaires seront plus facilement perçues comme des efforts de propagandes, alors que la propagande favorable à cette idéologie dominante sera perçue par la majorité des gens comme simplement de l’information.
J’ai moi-même osé utiliser ce terme en parlant du rapport d’évaluation de la table de pilotage. J’ai cependant pris la peine de bien documenter comment ce rapport était partial et de quelle façon l’information s’y trouvait manipulée :
http://agora.qc.ca/ceq.nsf/Pages/Normand_Peladeau_publie_une_analyse_cinglante_du_rapport_de_la_Table_de_pilotage
Je comprends de votre intervention M. Péladeau que les efforts de propagande des pouvoirs gouvernementaux vous préoccupent davantage que ceux en provenance des pouvoirs syndicaux. Est-ce que je décode bien (par cette assertion) le fait que vous ne vous soyez pas prononcé sur l’à-propos de la démarche des trois fédérations de syndicats d’enseignantes et d’enseignants de cégep?
La démarche politique des gouvernements dans leur conduite de l’implantation de la présente réforme s’est avéré cahoteuse, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais puis-je vous demander dans cette conversation de rester centré sur la démarche de cette campagne de sensibilisation politique dans les cégeps? Vous pourrez peut-être revenir avec votre «plogue» (votre analyse partiale du rapport de la Table de pilotage) dans un autre billet sur le sujet du renouveau pédagogique?
À votre première question, pas vraiment! Je n’ai d’ailleurs pas commenté ce document du MELS lorsque vous en avez fait mention. Je suis intervenu en fait précisément parce que vous accusez les syndicats de faire de la propagande et que cela semble vous préoccuper davantage que de la propagande en provenance du MELS.
C’est vous qui avez fait preuve d’un double standard. Je tenais simplement à le souligner. Ceci dit, cette « plogue » qui semble vous déplaire visait à démontrer qu’il est possible d’aller au-delà des simples accusations de propagande et de faire la démonstration de la partialité d’un document. Je vous invite donc à faire de même avec le document syndical et identifier où se situent précisément ces sources de partialité. Il est toujours facile d’accuser, il est bien plus difficile d’étayer la preuve.
Le document du MELS ne souhaite pas devenir source de débat même si c’est ce qui arrive avec la réforme; il explique la vision gouvernementale. Personne ne s’attend à ce qu’on y retrouve les arguments de ceux qui s’opposent à la réforme. Le renouveau suit le débat qui a eu lieu avec les États généraux. On peut dire que ce qui a suivi n’est pas représentatif du débat qui a eu lieu, on peut être en désaccord avec le renouveau, mais on doit reconnaître que le document explique ce renouveau. Mon problème avec le document des syndicats réside dans le fait qu’il prétend contenir ce qu’il faut pour débattre.
Si vous avez bien lu mon commentaire suite à celui de M. Chartrand (#2), je mentionne trois arguments motivant ma prétention:
Pas de place pour «l’autre côté de la médaille»;
Aucune référence à des sources qui pourraient faire contrepoids;
Aucune possibilité de lire des arguments autres que ceux de la ligne éditoriale de ces syndicats.
Je le répète; «je ne blâme pas le syndicat d’afficher ses couleurs.» C’est super qu’il nous disent ce qu’ils pensent. Mais pour débattre, il nous faut les deux côtés. Avec vous ici, nous avons un bon débat… Si j’étais seul à écrire ici et que je ne laissais pas de place aux arguments contraires aux miens, je crois que mon blogue serait pure propagande. Il y a ici une ligne éditoriale très affirmée sur certains points, mais dans ce document qu’on présente pour débattre, il n’y a qu’une vision des choses. Il m’arrive ici de ne pas vouloir débattre, de seulement vouloir réfléchir, seul, tout haut, en paix. Mais j’ai l’impression de toujours grandir à le faire au vu et au su de chacun. Je ne suis pas dupe: le gouvernement est très fort quand vient le temps de «contrôler» le message… Ne croyez-vous pas que les syndicats se prêtent aux mêmes petits jeux en agissant ainsi dans les CÉGEP.
Vais-je pouvoir obtenir votre avis sur ce document?
Aurais-je nourri un troll?
Mario,
Peut-être as-tu raison, Mario. Cependant, je ne suis toujours pas convaincu. Je comprends bien que le document ne mentionne pas l’autre côté de la médaille, mais ça ne me paraît pas problématique en l’occurrence. Principalement parce que les auteurs du document estiment que cet autre côté est déjà connu puisqu’il s’agit du discours dominant. En cela, ils ont probablement raison.
Par ailleurs, le document invite à discuter avec les professeurs et les amis. Parmi ces derniers, certains seront certainement des tenants de cet autre côté de la médaille. Lorsque les auteurs affirment que tous les enseignants de cégep « ne partagent pas également les idées présentées dans la brochure », je puis t’assurer que c’est bel et bien la réalité et que l’autre côté de la médaille aura des voix pour se faire entendre dans le cégep.
Ensuite, il est clair que cette brochure fait la promotion d’une grille d’analyse, d’une manière d’aborder certaines problématiques sociales, économiques et politiques. C’est justement le fait d’en appeler à la discussion, même sans faire référence aux discours opposés, qui fait que la démarche demeure sur le terrain de la promotion et ne glisse pas dans la propagande.
Si cette campagne de sensibilisation des trois fédérations de cégeps doit sombrer dans la propagande, ce ne sera pas par cette brochure, mais par la manière dont les discussions seront organisées et menées sur le terrain.
Si les choses se passent bien sur le terrain, cette campagne de sensibilisation aura au moins favorisé la discussion et la réflexion politique chez les étudiants du collégial. Ce qui n’est pas sans mérite.
Pour terminer, tu sembles sensible au fait que cette brochure pourra être utilisée en classe. Je comprends ta réaction, j’aurais la même si elle devait être utilisée tel quel en classe *au secondaire*. Au secondaire, l’approche devrait être plus « didactique » et devrait porter une plus grande attention à la présence des deux discours. La situation me paraît différente au collégial. Les étudiants qui fréquentent le collégial sont majoritairement de jeunes adultes ayant droit de vote et dont la personnalité est beaucoup plus campée, la culture politique mieux assurée que celles des jeunes du secondaire.
En ce qui concerne la posture du MELS dans la promotion du renouveau pédagogique, je me contenterai de dire que je serais assez curieux de voir une brochure promotionnelle ou un bulletin Virage affirmer « Les enseignants, les chercheurs et les directions d’écoles et de commissions scolaires ne partagent pas également les idées présentées dans la brochure que vous avez entre les mains. »
Mais probablement que la chose semble inutile puisqu’on estime certainement avoir obtenu « un mandat clair » au moment des États généraux. Bon, d’accord. Je suis un peu de mauvaise foi ici. Le MELS n’est pas du tout dans la même position que les trois fédérations de cégeps.
Ah oui! Excuse mon ignorance, mais qu’est-ce que veut dire l’expression « nourrir un troll »? Si je me fie à ce que sont les trolls dans Le Seigneur des Anneaux, ça ne doit pas être une activité particulièrement recommandée;-)
Comme souvent c’est le cas, tu trouves les mots pour me rassurer André; à tout le moins, apaiser certaines craintes…
Pour ce qui est de l’utilisation de l’expression «troll» dans la discussion, ces deux liens devraient pouvoir te donner les explications utiles : ici et là.
Il est bien possible que ce ne soit pas le but des interventions de M. Péladeau que de «chercher à détourner malicieusement le sujet d’une discussion pour générer des conflits en incitant à la polémique». Pour une raison que je m’explique mal, les arguments présentés sans tenir compte de ceux que j’amène me font hésiter dans l’interprétation à donner au sens de la discussion. Le fait que tu tiennes compte de mon point de vue me fait considérer davantage le tien…
La suite des événements devrait nous aider à apprécier si ce document apportera plus de bons débats que de prêches stériles.
Au fond, M. Péladeau voulait illustrer un certain double standard dans vos propos selon que ce que vous commentiez se rattache au MELS ou à certains syndicats.
Pour ma part, le document des professeurs du collégial est partial et ne présente qu’une vision d’une réalité: celle d’un syndicat, d’un regroupement associé à la gauche. C’est clair et net. Il s’agit d’une organisation partisane et idéologiquement définie. Au même titre que le bouquin de la souveraineté à l’école ou des nombreux documents fédéraux qu’on reçoit dans nos établissements scolaires.
Par contre, et c’est là ou j’ai mes réserves, c’est concernant le document du MELS auquel nous faisons référence. Celui-ci contient, à première vue, un certain nombre d’incohérences et présente une réalité de façon tronquée. Quand on ne retient que les quelques chiffres qui font notre affaire dans un sondage ou une étude, peut-on parler de parti-pris? de document publicitaire? de propagande dans le cadre d’une lutte pour implanter (imposer) une politique pédagogique?
Comme le MELS est le ministère de l’Éducation de tous les Québécois, on est en droit de s’attendre de ce dernier à plus de rigueur, de transparence, d’honnêteté. Ce devoir va de pair avec le rôle honorable que doit jouer une figure d’autorité dans notre démocratie.
Comme directeur d’école, vous avez sûrement été obligé de montrer plus de classe et de sens de la diplomatie que bien des enseignants qui étaient sous votre supervision, j’en suis certain.
Actuellement, le monde dans lequel nous évoluons devient de plus en plus cahotique parce qu’on assiste à une perte de sens de ce dernier avec tous les écarts que certains dirigeants prennent avec la réalité. Une partie du décrochage social de nos jeunes vient de là, je crois.
Aussi, lorsque je constate tous les déchirements que le renouveau engendre, je serais en droit de m’attendre de mon ministère de l’Éducation à autre chose qu’une brochure publicitaire de mauvais goût. Il faut parfois s’élever au-dessus du débat bassement politique et ne pas oublier l’essentiel: si autant de profs indiquent qu’il y a un problème, peut-on les écouter et accorder de l’importance à ce qu’il avance?
Le ministre a manqué l’occasion d’assumer un véritable leadership pédagogique. Le MELS a échoué dans sa volonté d’implanter un renouveau en ne lui donnant pas les moyens de ses ambitions. Cessons de faire des infopublicités et de blâmer les enseignants. On se dirige tout droit vers un cul-de-sac et c’est le réseau d’éducation public qui en paiera le prix. On voudrait faire la promotion du secteur privé que le MELS ne s’y prendrait pas mieux.
Monsieur Papineau a vu tout à fait juste dans mes intentions. Je crois également que le document syndical est partial et ne présente pas toute la réalité. Mais comme le souligne Monsieur Chartrand, l’autre côté de la médaille est déjà connu puisqu’il s’agit du discours dominant.
Serait-ce légitime de manipuler la population par la propagande pour faire accepter des politiques favorables au bien commun et pourquoi?
Non, ce n’est pas légitime. La population doit penser par soi-même, pas par des propagandes politiques qui les influencent.