Les sujets me sont passés sous les yeux cette semaine sans que je puisse pouvoir bloguer à mon goût. Je vais sûrement me reprendre en fin de semaine. L’annonce du départ de Patrick Lagacé du J. de M. sur son blogue, ma première expérience de chroniqueur radio, une anecdote concernant notre présentation à la Jeune chambre de commerce de Québec et bien d’autres… Mon premier réflexe est quand même de commencer par le débat soulevé par Ségolène Royal, malgré elle :
« Moi je pense qu’une des révolutions, c’est de faire les trente-cinq heures au Collège, c’est-à-dire, que les enseignants restent trente-cinq heures au Collège »
La vidéo de près de deux minutes montre une allocution qui aurait été tournée en janvier 2006. Elle met en action une politicienne qui s’exprime clairement, sans langue de bois…
Il semblerait qu’elle ait qualifié «la méthode» [la séquence publiée sur «Dailymotion» (vue 240 000 fois en date de samedi matin)] de «plutôt malhonnête»! Le débat reste entier… mais d’abord, est-ce que ce sera possible de discuter de cette non-proposition sérieusement? Les profs du primaire passent près de trente-cinq heures sur leur lieu de travail (parfois, davantage), donc ça se fait. En France, on parle de dix-dept heures de cours, donc de présence obligatoire; pour le reste, l’enseignant fait bien plus de trente-cinq heures au total. Au Québec, l’enseignant du secondaire passe déjà plus de temps qu’auparavant à l’école depuis le dernier décret. Évidemment, c’est difficile de demander à des gens de travailler ensemble s’ils ne passent pas un peu de temps en présence les uns des autres (avec les TIC, ça devient possible un peu plus quand même, mais les enseignants ne se servent à peu près pas de ces outils pour ce faire). Alors, comment faire pour qu’ils soient plus disponibles à leurs élèves, qu’ils prennent du temps ensemble et qu’ils puissent aussi, planifier leurs cours, corriger et faire toutes les autres tâches connexes?
Les obliger à rester au moins trente-cinq heures sur leur lieu de travail?
Naaaaaah.
Mais c’est le fun en s’il vous plaît de voir que ces idées se véhiculent derrière des portes closes. Combien y a-t-il de ces idées «révolutionnaires» qui se discutent comme ça dans des réunions de politiciens?
Éniggggggue!
N.B. Deux discussions suite au visionnement de ce vidéo font rage chez deux blogueurs «vedettes» et habitués des polémiques de politiciens français : chez Laurent et chez Loïc. En complément, le site officiel de la candidate présidentielle de gauche.
Mise à jour du 11 novembre 2006 : Lu sur la page de Ségolène chez Wikipédia à la section «Ministre déléguée à l’Enseignement scolaire » :
«Du 4 juin 1997 au 27 mars 2000, elle est ministre déléguée à l’Enseignement scolaire du Gouvernement Jospin auprès du ministre de l’Éducation nationale Claude Allègre. Elle abandonne alors son mandat de député qu’elle reconquiert en juin 2002. Durant son mandat, elle s’attache à l’aide aux enfants défavorisés ou en difficultés scolaires avec la relance des zones d’éducation prioritaire, la création de fonds sociaux pour les élèves (comme le fonds social pour les cantines scolaires), la création des heures de soutien scolaire ou encore la création des classes et des premiers internats-relais.» Elle connaît donc un peu le secteur de l’éducation!?!
Mise à jour du 12 novembre 2006 : Lu par l’entremise d’un billet de François qui mène à un blogue d’une enseignante bédéiste, cette charge virulente contre la «position» de Mme Royal; la conversation qui suit n’est pas sans intérêt…
Mise à jour du 13 novembre 2006 : À lire, l’éditorial du Café Pédagogique :
«Il est ridicule de demander aux enseignants de travailler 35 heures par semaine : ils en font déjà 40. Le travail des enseignants est très officiellement évalué par le ministère. Une enquête ministérielle a établi qu’un enseignant du secondaire travaille en moyenne 39 h 47 par semaine dont 20 h 27 hors de la présence des élèves. Il consacre en moyenne 7 h 40 par semaine à la préparation des cours, 6 h 10 à la correction de devoirs, 2 heures aux contacts avec les parents et les élèves, 2 h 17 en documentation. Plus de la moitié de ce temps (13 h 25) est passé au domicile.»
M. Asselin,
Honnêtement, j’invite n’importe quel fonctionnaire, décideur ou administrateur scolaire à venir passer 35 heures à l’école avec moi et il me reparlera de cette proposition après…
Premièrement, je suis chanceux: bien qu’enseignant au secondaire, je n’ai qu’un seul local de classe. L’année dernière, il était situé à côté de l’imprimerie de la commission scolaire avec ce que cela implique de va-et-vient. Aujourd’hui, je voisine une clientèle en difficulté plutôt remuante, disons.
Si je veux travailler à mon bureau, nous sommes 11 enseignants dans un local sans fenêtre avec deux postes informatiques. De plus, le local jouxte un laboratoire d’informatique plutôt enjoué (…) et le corridor le plus passnt de l’école.
Mon bureau et ma chaise date de Mathusalem et l’éclairage des lieux est inadapté à la correction et à la lecture sur une longue période.
Ensuite, horaire oblige, je ne croise mes collègues qu’occasionnellement parce que je suis en classe quand ils sont libres et vice-versa. On pourrait bien sûr se réunir le matin avant la classe, mais honnêtement, on a aussi besoin de ce temps pour corriger, faire des téléphones aux parents, etc. Après la classe, on n’en parle pas. On est vannés.
Mon milieu de travail, qui n’est pas unique au Québec, fait que je préfère travailler chez moi dans un milieu plus calme avec mes outils. M’obliger à rester 35 heures à l’école va simplement allonger ma semaine de travail parce qu’il va falloir malgré tout que je travaille à la maison le soir.
Et ne me parlez surtout pas du fait qu’il suffit que je demande à ma direction d’améliorer mes conditions matérielles de travail et bla-bla-bla. On sait tous que c’est de la frime.
Et pourquoi penser en tout ou rien ? Ce n’est pas 18 ou 35 heures dans l’établissement c’est comment faire en sorte que le métier d’enseignant soit conçu différemment que dans l’opposition à l’école, pas à l’école.
Il est vrai que les temps de travail dans le secondaire sont logs, il est vrai que les locaux ne sont pas adaptés, il est vrai qu’en primaire la présence (27 heures) est plus souvent supérieure…
Mais, (et il me semble important d’avoir le droit à ce mais, cela devient rare) l’importance de cette proposition repose sur l’évolution de la conception du métier d’enseignant. Quand Philippe Meirieu avait proposé 16heures de cours et trois heures de présences (soit un total de 19 heures dans l’établissement) cela avait déjà provoqué des hauts cris. De plus il faut considérer le temps de travail en regard des temps de vacances. En france un enseignant doit 186 journée de présence un salarié autre 220 (sur la base de 35 heures hebdo et vacances décomptées).
Bref derrière cette phrase de Madame Royal, il faut davantage poser la question de fond de faire évoluer en France cette circulaire qui date de 1950 et qui définit le métier d’enseignant par ses seules heures de cours. Cela a deux effets : cela fait penser qu’il n’y a que 18 heures de cours, cela cache les temps de préparation. Ce à quoi tiennent surtout les enseignants c’est la gestion autonome de leur temps, certains pouvant exagérer en transformant cette souplesse en contrainte pour le système (j’ai fait les horaires des enseignants pendant 5 ans dans l’établissement dans lequel j’enseignais).
Mais ce à quoi tiennent les élèves, les familles et aussi de nombreux enseignants, c’est la possibilité « décente » de faire de l’établissement scolaire un vrai « lieu de travail » et pas seulement un « lieu de passage ». En ce sens la proposition de Mme Royal est incomplète, mais doit amener à réflechir sur ce qui définit le métier d’enseignant, surtout au moment ou le HCE sort en france un référentiel pour la formation initiale
Bruno Devauchelle