«Le policier est dans l’école, pour faire de la police»

En m’en venant travailler ce matin, j’ai entendu cette entrevue de Claude Bernatchez (Radio de R-C.) où «un sociocom» venait expliquer son point de vue sur le phénomène de la consommation de drogue à l’école. Je sais qu’un groupe de sages a déjà produit un document sur la présence policière dans les établissements d’enseignement. Je me souviens aussi d’avoir lu chez François Guité un billet qui traitait de la question
Je vais devoir écrire un billet ce soir sur cette entrevue parce que depuis ce matin, les paroles de mon fils assis à côté de moi dans l’auto me reviennent constamment en tête. Il y a de ces moments dans l’auto le matin où la radio nous anime.
Une chose pour le moment. Ce que le policier a dit à 4 min 45 de l’entrevue n’est aucunement conciliable avec ma vision de l’école. Quand je me fais demander par mon gars de douze ans «Ça ressemble à quoi une école où une police comme elle travaille?», j’aime mieux être sur le point d’arriver à destination.
Ça me donne la journée pour prépare une réponse…
Mise à jour, plus tard en soirée: Voir sous l’hyperlien plus bas…


De fait, quand on compte sur la présence d’un policier pour assurer la sécurité dans une école, c’est qu’il y a suffisamment de méfaits pour justifier que le visage de l’autorité soit étiqueté «justice» plutôt que «communication».
Je n’ai jamais travaillé dans une école où il y avait une présence policière au quotidien. D’aucuns diront que je n’ai jamais travaillé dans une école où il y avait du «vrai trafic». C’est possible. Dans les deux pensionnats où j’ai oeuvré, j’ai eu mon lot d’histoires scabreuses, mais on n’est jamais venu proche de demander le support de policier à l’école. La première fois que cette réalité [de la présence policière] m’a vraiment frappé, c’est par le téléphone que c’est venu. Un bon ami à moi venait d’entreprendre un nouveau mandat dans une polyvalente de la région de Montréal. Il en était à son premier jour d’école et au bout du fil, il me demandait de deviner qui était son voisin de bureau de directeur d’école? C’était bel et bien un policier en service. Tout un choc culturel pour un confrère lui aussi un peu ébranlé par cette réalité qui transforme un lieu d’éducation en un lieu qui ressemble davantage à la rue.
«Faire de la police». C’est cette expression qui m’a le plus fait sursauter ce matin. Plus loin dans l’entrevue, le policier ajoute que si un jeune porte sa casquette, ce n’est pas à lui d’intervenir… sous-entendant qu’il est là pour les vraies affaires! Dans ma tête, tous les adultes d’une école sont des éducateurs. Du concierge au directeur, chacun a le devoir de se conduire à la hauteur de cette fonction qui est au-dessus de tous les rôles que nos fonctions d’emplois nous attribuent. Je peux comprendre que le policier n’est pas là pour faire respecter le code vestimentaire, mais est-ce que ça veut dire que l’agent socio-communautaire n’est là que pour agir en officier de justice?
Un mot sur la drogue dans les écoles puisque c’est le prétexte à la base de l’entrevue de ce matin. C’est un vrai fléau, la consommation de drogue. Ça l’était en 1983 quand j’ai fait mes premiers pas d’éducateur en milieu scolaire et c’était la même chose vers la fin des années soixante-dix quand je terminais mon secondaire. Dans ce temps-là, l’alcool me semblait le plus gros problème en matière de problèmes sociaux. Je crois encore que la consommation d’alcool pose LE plus gros problème chez les adolescents. Mais bon, je ne voudrais pas que ces quelques lignes laissent entendre que les problématiques reliées à la consommation de drogue sont banales et qu’on en exagère les impacts. Je voudrais quand même souligner qu’il n’est pas normal qu’on en soit rendu à livrer aux policiers et aux intervenants en toxicomanie le monopole des solutions.
Personnellement, c’est une école où les activités parascolaires sont légion que j’ai le goût de décrire à mes enfants. J’ai toujours préféré transporter mes enfants au soccer, au baseball, au basket et aux autres activités après-classe que d’être obligé de les interpeller traînant au dépanneur du coin. Je suis de ceux qui croient que les enfants qui manquent d’intérêts vont inévitablement occuper leurs parents si ces mêmes parents ne s’occupent pas de les mobiliser de façon éducative. J’ai suivi cette philosophie aux pensionnats que j’ai dirigés et à l’école primaire; les incidents reliés à la drogue étaient anecdotiques par rapport aux nombreuses occasions de valorisation qu’offraient les activités parascolaires.
Tout ça pour écrire que je suis bien en peine de devoir faire le portrait des écoles où un policier assure le contrôle de la place. Je ne suis plus dans le coup et je ne sais pas si je voudrais l’être. Je savais avant aujourd’hui que ces endroits existaient, mais ça me fait mal de penser que c’est le nouveau modèle institutionnel.
«Faire la police» est la dernière chose qui m’intéresse en éducation.

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4 Commentaires
  1. Photo du profil de FrancoisGuite
    FrancoisGuite 16 années Il y a

    Ce billet est tout à fait à propos, considérant l’intention du MELS de s’attaquer au problème et le débat social que cela va générer.
    « Faire la police » est malheureusement une nécessité, à l’école comme ailleurs. C’est en quelque sorte la rançon de l’agglomération urbaine. L’école n’y fait pas exception aujourd’hui avec le bullying rampant, la drogue et le recrutement des gangs. Dans ce contexte, « Faire la police » fait également partie du mandat de l’éducation.
    Comme je ne peux pas nier le besoin pour l’école de faire l’éducation citoyenne, ni d’assurer la sécurité des élèves, ma position pour le moment est celle-ci :
    « Faire la police » dans une école est l’affaire de tous les éducateurs, mais pas de la police.
    Le recours aux forces de l’ordre doit être exceptionnel, et non permanent, sauf bien sûr si les circonstances, elles-mêmes exceptionnelles, le justifient.
    Le problème que je vois avec la présence policière permanente, c’est le transfert de responsabilité de l’école à la police. D’un point de vue global et social, c’est malsain. Une société où tous interviennent dans le maintien de l’ordre évite l’escalade des délits et, par conséquent, réduit le besoin d’une force policière.

  2. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 16 années Il y a

    On se rejoint dans nos positions François.
    Tout dépend de ce qu’on «met» en arrière de l’expression «Faire la police». «Exercer une surveillance» au niveau des comportements et «rappeler à l’ordre au besoin» est dans la tâche de tous les éducateurs d’une école. Dans l’entrevue, M. Carbonneau semblait dire que «Faire DE la police» c’était différent; ça m’est apparu différent en tout cas. Une façon de dire que le travail de l’agent machin machin était de s’occuper des méfaits et de privilégier une approche de type judiciarisation. Dans le concret, j’ai oeuvré avec des policiers bien plus «éducateur» que «police» et je sais que ça existe. Mais dans la bouche de M. Carbonneau, ça sonnait comme si maintenant l’école était dans un tel désordre qu’on doit approcher les méfaits différemment. Voilà où je te rejoins… «Le recours aux forces de l’ordre doit être exceptionnel, et non permanent, sauf bien sûr si les circonstances, elles-mêmes exceptionnelles, le justifient.»

  3. Michel Le Neuf 16 années Il y a

    Ce n’est qu’en faisant pour le mieux ce qu’on sait le mieux faire qu’on réussit à travailler en complémentarité et à établir des partenariats véritables, au sens où ils ont des impacts réels dans la vie de vraies personnes, sur le terrain. C’est tant mieux si un policier-éducateur se mêle à vie de l’école, s’implique. Mais quand j’établis un partenariat avec une municipalité ou un corps policier pour bénéficier de policiers-éducateurs dans une école, ce n’est pas pour qu’ils deviennent des coach de basket. C’est pour qu’ils travaillent en prévention, mais également pour qu’ils interviennent dans le cadre de leurs attributions spécifiques. Et des policiers connus et qui connaissent les jeunes qu’ils croisent au quotidien, ça fait des policiers qui font mieux encore leur travail. Pour bercer des enfants anxieux du préscolaire et leur lire des histoires, je fais appel à l’organisme des Grands-Parents Tendresse, pas à la police. À chacun son domaine !!!
    Je ne demande pas à mes surveillants d’élèves de « jouer à la police », il y a des policiers pour ça !!! J’apprécie quand mon concierge anime sa brigade de « mini-concierges », c’est un gros plus pour des enfants en mal de reconnaissance et de valorisation. Mais en même temps, il faut que l’école soit propre. C’est d’abord pour ça qu’il y des concierges.
    Les jeunes qui sont dans mon école ne vivent pas hors du temps. Ils sont des citoyens qui s’instruisent, mais sont des citoyens quand même. Mon école fait partie de la communauté, elle en est un des actifs. Il est normal qu’elle soit le point d’ancrage des services qu’une communauté donnée offre à ses enfants et à leurs parents.
    Il est normal également qu’une communauté qui mise pour son développement économique et social, sur une éducation et une instruction de qualité pour ses enfants, protège les lieux où se donne cette instruction. À mon sens, ce n’est pas un transfert de responsabilité, mais un partage, dans le respect des responsabilités des uns et des autres, et dans le respect des champs de compétence. On peut en discuter ?

  4. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 16 années Il y a

    M. Asselin,
    Honnêtement, la présence policière dans un établissement scolaire me dérange quelque peu. Je concilie mal la POLICE avec l’ÉCOLE.
    Sauf qu’au départ, il s’agit souvent de policiers éducateurs, donc plus au fait de la jeunesse. Ensuite, ces derniers peuvent jouer un rôle de conseillers auprès des éducateurs. Enfin, certaines dynamiques sont rendues très lourdes dans les écoles publiques et je ne crois pas les enseignants soient les mieux placés et outillés pour les régler. Je pense entre autres au phénomène des gangs de rue.
    Je vous signale, en passant, que, dans certains pays, la présence de policiers dans les écoles est un phénomène normal et que leur rôle s’inscrit à la fois dans un contexte éducationnel et social. La police fait partie de la société au même titre que le travailleur social ou l’infirmière.
    Sauf que l’école est un lieu d’éducation et non de répression. Il y a donc un risque de dérapage. En même temps, il faut aussi prendre en compte qu’il y a aussi ces jeunes dont le manque de respect (des autres, des lois, des institutions) est flagrant et qui semblent difficilement «rééducables» et pour qui même le recours aux forces policières semble vain.
    Bref, la situation n’est pas simple et je persiste à croire que la clé est dans l’éducation et la transmission aux jeunes de valeurs saines.
    Une partie du problème réside cependant dans les limites du rôle que l’école peut jouer dans cette dynamique avec un contexte de pauvreté, de désengagement de certains parents et de la banalisation de la violence dans lequel nous vivons.
    Également, on retrouve aussi des écoles et des enseignants qui ont démissionné quant au rôle «disciplinaire» et éducatif qu’ils devraient jouer par rapport à leur code de vie et leur projet éducatif, par exemple.
    Je connais un adjoint qui travaille dans une de ces écoles et où la présence policière est un outils de plus (pas une fin en soi) pour parvenir à y établir un climat sain et propice aux apprentissages. Et quand il m’a parlé de comment il voyait le rôle des policiers dans son école, cela m’a rassuré. je dois vous l’avouer.

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