Mardi 27 mars. Vraisemblablement, un gouvernement minoritaire tentera de diriger le Québec pour quelque temps. On peut prévoir assez facilement les répercussions de la campagne électorale qui vient de se terminer.
Le dégel des frais de scolarité
Deux partis sur trois prônent le dégel et il faut bien admettre que le débat n’a pas soulevé les passions chez les étudiants. Conclusion : les frais vont augmenter dès la session d’automne pour étudier à l’université.
La réforme scolaire
Elle n’a pas été attaquée de front pendant la campagne, mais tous s’entendent pour dire qu’elle n’a pas livré les résultats attendus. La question des bulletins continue de faire la manchette et les politiciens devront y revenir. Nous aurions pu nous attendre à ce que le concept de «compétence transversale» meurt de sa belle mort puisqu’il faudra montrer qu’on agit de façon à recadrer ce qui ne marche pas dans la réforme, mais le Conseil supérieur de l’éducation vient d’annoncer que nous devons maintenir le cap sur cette question. Je prédis donc un certain retour de l’évaluation des connaissances dans l’évaluation des compétences. La question du possible redoublement étant déjà réglée, on consacrera en grande pompe le geste de le permettre en parlant du nécessaire recadrage.
Le débat sur les structures
La récente sortie des directions d’école (celle de la FQDE) prouve qu’il y a un espace pour un débat sur les structures scolaires. Faut-il abolir les C.S. ou les commissaires? La montée de l’ADQ force tout le monde à considérer la question. Au même moment, les syndicats prennent position contre la décentralisation et se positionnent contre tout ce qui peut donner plus de pouvoir aux écoles. Si le PQ ne fait pas une bonne performance lundi prochain, il y aura des lendemains difficiles pour la CSQ et les FAE dans ce contexte. J’annonce que la vague de démobilisation syndicale des membres se poursuivra dans les prochains mois. Il n’y a qu’à voir le nombre d’enseignants candidats adéquistes pour s’en convaincre…
Les autres considérations
Le plus grand drame de cette campagne demeure le fait qu’un parti politique sur le déclin aura «brûlé» l’idée de se faire élire à partir de l’éducation comme priorité. Dès le moment où j’ai constaté que les propositions du PQ étaient cosmétiques plutôt que de constituer un vrai projet de société bâti sur l’éducation, je me suis mis à craindre à la fois pour ce secteur et pour les chances du PQ d’aller bien loin avec cette idée. Je suis extrêmement déçu du peu de considération pour l’éducation pendant cette campagne. Les propositions de l’ADQ ont nettement pris le dessus sur celles du PQ. Dans ni l’un ni l’autre des partis, on n’a pourtant touché les vraies questions qui auraient pu servir la cause de la réussite du plus grand nombre en éducation. Au moment où le fédéral est arrivé avec son budget du déséquilibre fiscal, le PLQ a complètement sabordé sa crédibilité d’un réel réinvestissement en éducation en promettant des baisses d’impôts. C’est plus que désolant. Ce n’est pas avec des propositions d’augmenter d’une heure le temps de classe ou de réduire de deux ou trois élèves par classe le ratio qu’on va avancer dans notre secteur. Cette campagne est un rendez-vous manqué en ce qui me concerne.
Mais à la prochaine campagne…
Pendant toute la campagne, le premier lien qui sort sur Google quand on écrit «PQ» et «éducation» menait chez moi. Je sais que beaucoup de visiteurs ont suivi ce parcours pour arriver ici et bien que je sois peiné du peu de considération qu’on ait faite de mes questions sur l’importance de mieux intégrer les TIC en éducation, je demeure confiant que les prochaines périodes électorales traitent davantage de ces questions. Dans une récente discussion, j’invitais un représentant de l’AQUOPS (bien absente pendant cette campagne d’ailleurs) à mieux positionner les enjeux de notre secteur dans les prochains mois. Je ne sais pas si cette association est le bon «porteur de ballon», mais nous devons tous mieux coordonner nos actions dans les prochains mois (sur le Web et ailleurs) pour que les partis politiques ne puissent pas pouvoir se permettre d’esquiver les questions entourant la place des nouvelles technologies dans notre société en général et en éducation en particulier.
Bon vote à chacun de vous lundi.
Mise à jour du 26 mars: François Guité nous écrit un billet incontournable pour qui s’intéresse au débat sur les alternatives aux structures scolaires vieillissantes… André Chartrand en avait écrit un tout aussi intéressant vendredi dernier.
Tags: "...à où je m'en vais" "Administration scolaire" "Pédagogie et nouvelles technologies"
Désolé d’égratigner le libéral en vous (…), mais les positions du PLQ en éducation ne sont pas plus porteuses de sens.
L’idée d’instaurer des examens à la fin de chaque cycle ne vaut strictement rien si lesdits examens sont aussi laxistes que ceux que nous connaissons actuellement et s’ils sont noyés dans un bilan des apprentissages subjectifs à souhait.
De plus, ramener des examens contredit même l’esprit de la réforme, non? Beaucoup d’arrogance et peu d’écoute du côté libéral. Ce parti récoltera malheureusement ce qu’il a semé.
«Au même moment, les syndicats prennent position contre la décentralisation et se positionnent contre tout ce qui peut donner plus de pouvoir aux écoles.»
Aurais-tu quelques liens à suggérer, Mario ? J’aimerais bien lire quelques lignes sur l’argumentaire actuel des syndicats sur cette question.
Ne vous gênez pas pour «égratigner le libéral» en qui que ce soit cher Luc. Vous avez probablement déduit que je penchais «Libéral» parce que je suis devenu très critique envers la position péquiste, mais un peu plus loin dans le billet, avouez que je ne suis pas plus tendre envers la politique de M. Charest en matière d’investissement en éducation; 750 millions en ordinateurs portables et en formation pour les profs me paraîtraient une bien meilleure avenue que 750 millions en baisse d’impôts. Remarquez que je ne serais pas surpris de m’attirer les foudres des partisans du PQ avec ce billet. Il m’est arrivé si souvent de me faire dire que j’étais devenu un traître parce que je manifestais un esprit critique. Dans les débuts de la «période réforme», j’ai eu beaucoup de problèmes avec le cabinet de M. Legault, alors ministre de l’Éducation parce que je n’étais pas un bon soldat. On me balançait toujours qu’on «ne peut pas être «pour» et critiquer les directives qui viennent d’en haut, esprit d’équipe oblige». Je ne sais combien de sympathisants à la cause de la souveraineté ont été «mis dehors» parce qu’ils n’adhéraient pas à tout ce qui venait «d’en haut». Aujourd’hui, je n’ai jamais été si sûr de rien côté allégeance politique. Ça me fait tout drôle de me faire traiter de Libéral (et ça doit bien faire rire quelques copains). Mais bon, je défends la cause de l’Éducation et j’ai décidé de tout placer mes billes dans ce panier… alors, je suis prêt à vivre avec toutes les étiquettes qu’il faille porter si ça peut aller dans le sens d’un projet de société où l’éducation est vraiment au centre de tout.
Pour ce qui est d’une source qui illustre mon propos André, voyez cet extrait de l’article de Cyberpresse que j’hyperliais plus haut à propos de la FQDE: «S’ils sont prêts à réfléchir au modèle à tête reposée, les enseignants en ont cependant soupé de la décentralisation et souhaitent que les commissions scolaires continuent de redistribuer les ressources et les services dans les écoles, souligne Mme Fortier.» (Mme Johanne Fortier est présidente de la FSE, syndicat affilié à la CSQ). Je manque de temps pour aller plus loin dans mes recherches, mais le scénario de l’école commune pour tous les Québécois me semble assez bien documenté, en particulier sous la plume de Jocelyn Berthelot.
J’oubliais…
«… prévoir des examens contredit même l’esprit de la réforme, non? ».
Depuis le début de l’implantation de la réforme, il n’a jamais été question d’abolir les examens et les épreuves uniques. Le genre d’examens n’est pas le même que celui privilégié auparavant, mais les examens sont là pour rester, dans l’esprit et dans la lettre de la réforme, en autant que je suis concerné. Sur cette question, je ne parle qu’en mon nom, bien entendu…
Je me sens un peu loin pour faire des commentaires sur le fond, mais je trouve néanmoins *invraisemblable* que les quatre (quatres!) premiers liens en réponse à « PQ éducation » donnent ton blogue et l’Infobourg.
Incroyable…
Merci beaucoup, Mario. La lecture de l’article est très éclairante. Notamment, l’article mentionne explicitement que la FQDE ne souhaite pas nécessairement faire disparaître les CS, mais les transformer en coopérative de services. Cela complète bien l’article du Devoir qui met davantage l’accent sur les différentes possibilités auxquelles est ouverte la FDQE.
En ce qui concerne ta remarque à l’effet que «Au même moment, les syndicats prennent position contre la décentralisation et se positionnent contre tout ce qui peut donner plus de pouvoir aux écoles.», je pense qu’elle est un peu excessive parce qu’elle laisse entendre une fermeture complète de la FSE-CSQ sur cette question. Il n’est pas question de nier que les syndicats de l’enseignement sont généralement réfractaire à la décentralisation pour différentes raisons. Pourtant dans la citation que tu livres au commentaire 3, il y bien ce «S’ils (les enseignants) sont prêts à réfléchir au modèle à tête reposée,…»
Par ailleurs, on peut également constater cette petite ouverture, tout autant que les grandes réserves, dans cette réaction de Réjean Parent, président de la CSQ, lors de la parution du au rapport annuel 2005-2006 du Conseil supérieur de l’éducation sur la démocratie scolaire :
Pour les réserves :
« »Les exemples vécus au cours des dernières années nous indiquent qu’il y a des limites à la décentralisation, au risque que nous devions faire face à des problématiques majeures liées aux frais scolaires exigés aux parents, à la montée en flèche du financement privé de l’éducation (campagne de financement, recherche de donateurs, fondation), au développement des projets éducatifs sélectifs qui gangrènent les écoles publiques, à la publicité dans les écoles. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement a dû intervenir au cours des dernières années dans certains dossiers justement pour mettre fin à des pratiques douteuses qui avaient pourtant reçu la bénédiction de conseils d’établissement », rappelle M. Parent.»
Pour l’ouverture
« »C’est clair qu’il était plus que temps que l’on fasse le point sur l’état de la démocratie scolaire au Québec. Surtout qu’en même temps que l’on reconnaît que des pas importants ont été franchis pour démocratiser notre système scolaire, force est de constater que des problèmes majeurs persistent, particulièrement pour ce qui touche les conseils d’établissement « , soutient le président de la CSQ, M. Réjean Parent.»
[…]
« »Cet écart entre la représentativité et la légitimité pose la question de la raison d’être des commissions scolaires. Il est important que le gouvernement soit conscient de cet enjeu et qu’il agisse rapidement pour éviter que le débat ne dégénère en règlement de compte entre les tenants et les opposants aux commissions scolaires. Un débat éclairé sur cette question nous semble urgent », conclut monsieur Parent.»
État de la démocratie scolaire au Québec: La CSQ déplore les faiblesses qui persistent malgré les améliorations apportées.
Il est vrai André que je ne mise pas beaucoup sur la «petite ouverture» des syndicats en matière de réorganisation des structures sur la base d’une plus grande décentralisation des pouvoirs et des ressources vers les écoles. Tout comme je ne mise pas sur la bonne foi de la Fédération des commissions scolaires. Michel Le Neuf a bien traduit mon sentiment sur la capacité des uns de se montrer constructif dans ce nécessaire débat à faire sur l’évolution des structures scolaires (tiens, voir cet exemple; «palier de démocratie » où 8% d’une population représente cette démocratie dans certaines C.S.). Pour ce qui est des autres, mon expérience est à l’effet que ce lieu de pouvoir (on pourrait dire «ces lieux», en parlant des syndicats et des patrons) a (ont) beaucoup trop à perdre pour envisager, ne serait-ce qu’une seconde, ne plus être en mesure de négocier directement avec le ministre de l’Éducation quand ce n’est pas avec le premier ministre lui-même.
J’aime bien, sur le fond, la citation que tu attribues à M. Parent à l’effet qu’il y a urgence en la demeure sur la question de l’état de la démocratie scolaire au Québec, mais pour avoir été témoin de la façon dont s’exerce les rapports entre plusieurs syndicats locaux et les organismes de représentation des parents, je ne vois pas beaucoup de chances d’éviter de tomber dans des luttes de pouvoir stériles. Je suis «pro enseignant» dans une dynamique de services pédagogiques, mais je suis «pro parent» et «pro élève» dans une autre dynamique, plus administrative. Par conséquent, j’aimerais bien que les enseignants aient le plus de pouvoir possible en classe, surtout en matière de stratégie pour faire apprendre, mais sur le plan de l’organisation scolaire, il me semble que la direction d’une école devrait pouvoir disposer d’un maximum de marge de manoeuvre. Qu’il y ait «une coopérative de services» pour assurer une réponse efficace à des besoins communs avec d’autres directions d’école, je veux bien, mais la direction doit avoir en mains quelques leviers pour diriger l’établissement. Et c’est par la direction et la décentralisation vers les écoles que les intérêts des parents et des étudiants seront les mieux servis. Dans la situation actuelle, c’est à peine si une école (le conseil d’établissement, la direction) peut avoir un ascendant sur le personnel qui compose son équipe-école… Les budgets, n’en parlons pas; l’école ne contrôle à peu près rien. La litanie des éléments sur lesquels la direction n’a à peu près pas de contrôle dans le secteur public est longue à souhait. Tu admettras avec moi que ce n’est pas à coup de petites ouvertures qu’on va avancer dans ce débat crucial pour la réussite du plus grand nombre…
Pour employer une expression devenue populaire dans les derniers six mois, «les besoins sont dans les écoles et l’argent est à la C.S.»… ce qui créé un déséquilibre «fiscolaire» au Québec. Certes, en région, dans un endroit ou il y a des problèmes de décroissance, il faudrait faire attention à ne pas livrer les écoles à elles-mêmes par un financement qui ne serait basé que sur «un élève/un montant». Mais dans beaucoup de régions, dans les grandes villes, à Montréal en particulier, le réel pouvoir est trop loin de l’action.
Je ne suis pas en train de dire que la position de l’ADQ est parfaite et qu’il faut dès à présent l’envisager, mais il me paraît clair avec cette campagne qui se termine que beaucoup d’acteurs en éducation veulent discuter de la façon dont les choses se passent et se décident. Il faudra voir les scores finaux, mais les positions de l’ADQ ont suscité en éducation plus de discussions que les propositions péquistes ou libérales et ça, ce n’était pas prévu, ni par les syndicats, ni par les cadres scolaires et ni par les hauts-fonctionnaires. Par exemple, il n’y a qu’à lire les commentaires au bas de cet article du Devoir qui avait pour titre «Les commissaires d’école sont-ils encore utiles ?». Je crois que les prochaines semaines seront intéressantes au niveau de ces discussions, surtout si un gouvernement minoritaire jaillit au soir du 26 mars.