Cette question m’est inspirée d’une chronique de Michèle Ouimet qui postule que les bulletins seraient devenus compliqués parce que la réforme serait remplie de «tours de passe-passe du Ministère». Comme l’écrivait Le Neuf, «les Politics» viennent d’offrir une victoire à ceux qui s’opposent à ce qu’ils appellent « la » réforme:
«Pour les parents du Québec, demander des bulletins chiffrés, c’est revendiquer le droit de se faire parler dans une langue qu’on comprend, qu’on décode, qui s’appuie sur des repères culturels connus.
Le parti de M. Dumont a permis cette annonce. Celui de M. Charest passera pour avoir cédé.
Je suis de ceux qui croient depuis le début que cette histoire de bulletin et d’évaluation des connaissances vs des compétences ne vaut pas le tort qu’il cause aux fondements de la réforme. Je ne suis plus sûr d’avoir raison. Tout à coup ce débat (et celui sur le redoublement) permettrait aux idées derrière le renouveau pédagogique de passer vraiment dans les moeurs éducatives? C’est l’impression que j’ai eu aujourd’hui à écouter la tribune de Pierre Maisonneuve. Plusieurs plaidoyers en faveur de l’importance du portfolio, d’autres pour relativiser l’importance du seul bulletin comme instrument de suivi scolaire et surtout, quelques bonnes tirades pour condamner ceux qui s’obstinent à décrier les compétences transversales. J’en suis ce soir à me demander si la saga des bulletins ne devrait pas continuer à occuper le peuple pendant une autre année? Pendant que le focus reste centré sur cette question qui ne m’émeut pas un instant, je ressens que ce qu’on appelle « la » réforme ne se résume plus qu’à cet élément qui ne passe pas. Il m’est facile de concevoir que la culture québécoise ne permette pas que l’incompréhensible soit érigé en dogme. Jean-Pierre Proulx l’a écrit (et je partage son opinion): «Sur la clarté, on s’entendra facilement : puisque le bulletin est un acte de communication, il doit être compréhensible.»
Pour le reste, j’ai lu Marie-Andrée Chouinard et Stéphane Laporte sans vraiment déchanter. J’en viens à souhaiter que le débat perdure sur le «chiffre dans le bulletin [qui] fera votre bonheur?» ou sur le fait «que la ronde des chiffres camouflera les vraies névroses de l’évaluation». Pendant que les parents aux Conseils d’établissement se demanderont s’il faut continuer de pouvoir comparer les élèves entres eux pour situer leur propre enfant, plusieurs enseignants continueront de trouver suspect un système scolaire qui n’aurait pas un taux d’échec acceptable pour montrer que le niveau des cours n’est pas trop facile, après tout… si chacun réussi, ça devient clair que le niveau baisse?!?
Actuellement, les bulletins ne sont pas le reflet de la réforme; ILS SONT EN TRAIN DE DEVENIR « LA » RÉFORME! Et c’est très bien ainsi.
Pendant ce temps-là, les jeunes dans les écoles apprennent à être plus actifs dans leurs apprentissages, les enseignants diversifient leurs stratégies et font apprendre dans des contextes plus authentiques. Ils jasent pédagogie comme jamais, ils apprennent encore davantage à travailler ensemble dans une perspective de communauté d’apprentissage et ils s’assurent que les élèves puissent savoir agir avec les connaissances qu’ils intègrent mieux qu’auparavant. Certains utilisent judicieusement les nouvelles technologies et une grande majorité prend du recul sur le manuel de base (et le fameux cahier d’exercices) pour s’approprier le programme de formation qui reprend la place qu’il n’aurait jamais dû perdre au profit du matériel didactique qui faisait jadis office de programme. Encore une année scolaire de plus à se tirailler sur le bulletin et l’affaire est dans le sac! Laissons les politiciens vouloir notre bien en matière de bulletins scolaires, pendant ce temps-là, on peut s’occuper de ce qui vaut vraiment la peine: vivre un quotidien en classe qui donne le goût d’apprendre au contact d’activités riches en contenu dont on comprend le pourquoi il est important. Des tâches qui exigent un processus et des étapes pour pouvoir être conduites et dont à la fin, on ressort avec un produit concret entre les mains qui témoigne de la qualité d’un travail bien fait et intégré.
Au bout de cette année scolaire 2007-2008, on pourra faire tomber cette réforme (stigmatisée et incarnée par ce bulletin toujours aussi fantoche). Il en restera une école qui aura franchi le point de non-retour dans le renouvellement de ses pratiques en classe. On trouvera bien à ce moment comment évaluer les apprentissages (en terme de compétences et de connaissances) et comment communiquer ceux-ci avec un outil compréhensible qui respectera l’intelligence des gens qui ne veulent ni de langue de bois, ni être pris pour des imbéciles.
Allez… un peu de courage… Nous devrions être plusieurs à vouloir d’une autre année d’efforts à s’escrimer sur les bulletins. Le meilleur est à venir 😉
Tags: "...à ce qui me fait plaisir" "Administration scolaire" "Évaluation des apprentissages"
Je suis ravi que des blogueurs comme toi expriment aussi clairement pareille position, qui est aussi la mienne, sur les bulletins.
C’est effarant toute l’énergie qu’on met à débattre de cette question. Si on consacrait autant d’effort aux autres formes d’évaluation, celles qui contribuent réellement aux apprentissages (évaluation diagnostique, évaluation formative, évaluation des besoins, évaluation émotionnelle), nous serions beaucoup plus avancés. Peut-être même le débat entourant l’évaluation sommative, et par conséquent les bulletins, serait-il caduc.
Je n’ai pas écrit que ce sont les « politics » qui ont offert cette victoire à ceux qui pestent contre une certaine vision du renouveau. Les politics ont juste travaillé pour la machine à votes. Ceux qui ont permis aux « contre » de savourer cette courte minute de gloire, ce sont les intégristes, les purs, les « anti-chiffres », les incapables de compromis, de repli stratégique, les saints martyrs, les porteurs de silices. C’est dur ce que je dis là, mais ça exprime mon état. Quand je vais au front pour défendre le renouveau, je sais qu’il y a du monde en face qui voudront me tirer au coeur. Ça fait parti de la game. Mais avoue, que monter au front et se faire tirer dans le dos, celle-là, elle fait mal. On a des amis qui nous font plus de tort que nos ennemis…
Merci de la précision cher Le Neuf. J’ai utilisé l’expression «les Politics», mais en relisant votre billet plus attentivement, je me rends compte que vous attribuez la «maternité» de cette «défaite» aux puristes qui eux, ont dû avaler de travers, cette semaine. Il est vrai que vous soyez sévère dans les choix de vocables; je me suis fait tirer dans le dos à quelques reprises et j’avoue que la douleur est plus intense. Je comprends votre état d’esprit 😉
Quant à toi François, ta solidarité m’honore…
Votre commentaire m’a laissé un goût amer et je cherchais à traduire mon impression en mots. Finalement, m’est venu en tête deux éléments:
1- le proverbe «La fin justifie les moyens»;
2- la fameuse cage à homard de M. Parizeau.
Votre façon de voir la situation est plus politique que pédagogique, disons. Et sans dire qu’elle me déçoit, je sens que votre discours qui était plus de convaincre a connu un glissement certain.
C’est tiré du guide de vulgarisation scientifique de l’ACFAS. Un manuel pour apprendre aux chercheurs à parler au monde en se faisant comprendre:
« Ne cherchez pas à tout dire. Limitez-vous à quelques éléments clés.
Exprimez-vous simplement, en utilisant le moins de mots techniques possible.
Soyez concret : donnez des exemples, précisez l’information au moyen de chiffres ou comparez les données présentées avec des grandeurs connues. »
Trois bonnes pistes pour commencer à penser à quoi devrait ressembler un bulletin.