Andrée P. Boucher (1937-2007), mairesse de notre ville.
Les réactions (1, 2, 3, 4) au décès de la mairesse de Québec sont nombreuses depuis hier. Je peux témoigner de l’impact qu’a eu la nouvelle depuis hier midi. Du moment où j’ai appris par le serveur dans un restaurant que Mme Boucher avait eu un malaise jusqu’à celui où j’ai appris sa mort, inutile de préciser que nous étions plusieurs au bureau à pitonner sur Internet à l’affût de renseignements. Il fallait savoir ce qui se passait… J’ai appris sa mort quelques instants plus tard par Wikipédia; une entrée à 13 h 25 annonçait son décès. Évidemment, nous avons tout de suite douté de la véracité de ce constat, mais rapidement, les autres sources sur le Web confirmaient que Mme Boucher avait bien succombé à ce qui semble être un arrêt cardiaque. Depuis ce temps, c’est le «talk of the town». C’est qu’une dame qui en menait large n’est plus…
C’est difficile d’écrire dans le contexte où un tel flot d’honneurs déferle dans le paysage médiatique. Respect oblige, les gens insistent sur ce qu’elle a fait de bien et je suis d’accord avec cette décence qui porte chacun à puiser dans ses meilleurs souvenirs pour honorer notre «mairesse préférée». Du moins, la préféré de plusieurs citoyens de Ste-Foy d’abord et de Québec, ensuite. Comme l’écrit judicieusement Gilbert Lavoie du Soleil nous avions toutes les raisons d’apprécier «la passion, la couleur et le talent que le tandem Andrée Boucher et Jean-Paul L’Allier a donné à la politique municipale de la région de Québec pendant toutes ces années.» Dans quelques minutes d’ailleurs M. L’Allier commentera les événements. J’imagine qu’il doit être lui aussi préoccupé par l’importance de rendre justice à la grande contribution de Mme la Mairesse tout en évitant de lui manquer de respect en relativisant cette déferlante vague de sympathie*. D’autres ont aussi vécu ce dilemme.
Il y a des choses qui ne se disent pas. Comme cette personne au téléphone qui apprenant la nouvelle a eu le réflexe de dire «bon débarras». Le «Oups, désolé» qui a suivi était de circonstance.
Mais il y en a d’autres qui se disent. Je veux dire qu’il y a moyen de renconnaître la grande valeur de Mme Boucher sans perdre de vue qu’elle était loin de faire l’unanimité. Rendre de vrais hommages, c’est aussi éviter d’exagérer pour ne pas perdre de vue qui nous sommes. Je voudrais dire les choses comme elles sont, «à la Mme Boucher». Je suis sûr qu’elle comprendra parce qu’elle était comme ça aussi. Elle ne se comptait pas d’histoire, elle.
Quand je pense à Mme Andrée P. Boucher, c’est une «ma tante» que je vois. Aimante, engagée (trop?) et tellement sécurisante; mais côté vision, on repassera. Toute la région de Québec était en train de devenir «Ma Tante» sous son règne. Je veux dire que bien que colorée et extravagante, notre ville (et notre mairesse) était gérée à la petite semaine, après avoir connu une période de développement qui l’avait remise sur les rails du progrès. En sécurité en présence de Mme Boucher, on pouvait apprécier sa façon directe de dire les choses, l’absence de louvoiement et sa droiture. La Mairesse Boucher était le genre de personne à qui on pouvait donner notre porte-feuille en toute confiance sachant qu’elle ne pigerait pas dedans pour rien. Mais elle prenait parfois le «pour rien» au premier degré. Il faut quand même réaliser que quelques années de plus de ce régime ne nous auraient en rien aidés à continuer de nous développer. Loin de moi l’idée de dire du mal de «ma tante»; je l’aime bien. Je suis reconnaissant pour tout ce qu’elle a fait et je suis convaincu de ses bonnes intentions dans la façon dont elle s’est occupée de nos affaires. Elle a été une femme forte, bien de son temps. Elle mérite le concert d’éloges qu’on lui rend…
Maintenant, il faudra en revenir dans quelques jours; Québec ne peut plus être maternée de cette façon en restant dans les jupes de ma tante. Je me permets de l’écrire parce que j’ai peur que maintenant décédée, ma tante ait encore plus d’influence; c’est bien cela qui m’inquiète. À voir et à entendre toutes ces marques d’estime, j’en viens à croire que la tâche de s’affranchir de sa forte influence sera ardue.
Je ne suis pas en train de dire qu’elle avait tout faux. J’aimais bien sa façon d’entreprendre les négociations avec les pompiers. C’est l’argent du monde qui sert à payer; il me semble moi aussi important que le monde connaisse les enjeux de cette négo. Il faudra garder ce cran de nommer les choses comme elles sont. Ensuite, il faut trouver le moyen de perpétuer cette façon de faire de la politique en évitant «les campagnes à pancartes» et les caisses électorales qui font que celui qui est élu doit tout à ceux qui l’ont financé. Je ne veux rien enlever à cette dame plus grande que nature. Je l’ai rencontré à trois reprises et à chaque fois, j’ai bien vu qu’elle était animée des meilleures intentions du monde. Mais il faut maintenant passer à un autre modèle de gestion que celui de la «ma tante» qui veut tout contrôler, même les envies de ses neveux et nièces de devenir des adultes à la fois responsables et entrepreneurs.
J’apprécie tout ce que ma tante Andrée nous a apporté. Je lui témoigne tout mon respect et mon admiration pour sa vie de femme accomplie, sa carrière productive et ses valeurs admirables. Elle m’excusera maintenant de ne pas vouloir que le modèle se multiplie. Nous avons maintenant besoin de femmes et d’hommes publics de notre temps.
Vivons intensément les deux ou trois prochains jours. Rassemblons-nous autour de sa famille immédiate (à qui j’offre mon empathie) et reconnaissons ses mérites sans détour. On rediscutera de la suite dans quelques jours…
* Après que j’ai publié ce billet, des compte-rendus de ce que M. L’Allier a dit en conférence de presse ont rapporté ses impressions (1, 2).
Mise à jour du lendemain: Ce témoignage de Soeur Angèle me semble un parfait exemple de ce que j’essaie de formuler… sans vouloir rien enlever au fait que ce n’est sûrement pas représentatif de la façon dont Mme Boucher devait passer ses journées. J’espère, du moins…
«Sœur Angèle ne savait pas que, pendant ce temps, la mairesse avait fait patienter pendant près d’une heure Karl Talbot, le promoteur du projet Red Bull Air Race, avec qui elle avait rendez-vous cet après-midi-là.»
Intéressant aussi de lire cette note écrite par un citoyen et publié en page A2 du Soleil de ce matin…
Tags: "...à où je m'en vais" "La vie la vie en société"
Tout à fait juste, Mario, encore une fois. Pour avoir habité Québec longtemps (dont la moitié à Ste-Foy, du temps qu’elle y était mairesse), je me donne le droit de formuler cependant quelques bémols:
1- Je ne sais plus qui soulignait ce midi à la radio, fort justement d’ailleurs, qu’Andrée Boucher était dans la mouvance « peuple » qui anime la grande région de Québec, avec les Jeff Fillion (avec plus de classe, convenons-en), l’ADQ et cette hantise de tout ce qui vient de Montréal. Et je doute que son/sa remplacante soit moins dans cette veine.
2- Son départ pose également le problème de la relève. Que ce soit au municipal, ou provincial ou au fédéral, Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir d’excitant en termes de leader? Et si tu me parles de Marc Bellemare, dont la moitié de l’organisation est adéquiste, on sera dû pour une sérieuse conversation, toi et moi! 🙂
Remarquable Mario. Absolument remarquable.
Une bouffée d’air frais dans un concert d’éloges où les hommages mérités sont malheureusement noyés dans un fatras d’exagération pas possible!
J’ai aussi passé une partie de la fin de semaine à écrire sur le sujet, sans trouver un angle qui se prête à une publication aussi rapide. On en reparle.
Je suis tout à fait d’accord avec ton propos. Toutefois, j’ai aussi cru déceler certaines nuances dans les éloges que les médias rapportent. Pas dans les titres des nouvelles (et c’est peut-être une partie du problème), mais dans les citations des personnalités qui ont commenté la disparition de la mairesse.
Ainsi, quand Louise Harel parle de « la femme qui défendait ardemment son point de vue » ou quand André Arthur parle du « personnage » qu’elle était, je n’ai pas l’impression qu’ils aient tout filtré en rose… J’ai reconnu des façons habiles de valoriser ses forces et de saluer le rôle important que cette dame a joué dans la politique municipale de notre région sans pour autant lui accorder raison sur tout.
Néanmoins, je crois qu’il est prudent de demeurer vigilants pour éviter que la population tombe dans la nostalgie d’une image déformée de la réalité. Il ne faudrait surtout pas que cela freine le développement dynamique dont nous avons besoin.
C’est un peu ce genre de réflexion que j’ai voulu faire (en moins précis, ou en plus bref 😉 ici (http://slyberu.blogspot.com/2007/08/plus-grand-que-nature.html)
Bref, ce genre de personnage ne peut faire l’unanimité. Et même chez un simple citoyen, ça ne peut susciter qu’un seul type de réaction…