Depuis mardi, nombreux sont les échos que je reçois en suivi à la présence de Chris Anderson à la première Journée Infopresse 360, intitulée «Les nouveaux modèles d’affaires: Révolution interactive». Mon copain Pierre de l’ADISQ m’écrivait comment l’article d’Alain Brunet de La Presse avait bien couvert l’événement; il avait bien raison:
«Comme tant d’analystes de l’ère cyberculturelle, Anderson a vu dans les transformations tangibles du monde de la musique un signe précurseur de la longue traîne, indicateur probant pour les autres industries de la culture et de l’information.»
La «longue traîne», c’est «The Long Tail» une théorie qui prend de plus en plus d’importance dans un monde où «les produits qui sont l’objet d’une faible demande, ou qui n’ont qu’un faible volume de vente, peuvent collectivement représenter une part de marché égale ou supérieure à celle des best-sellers, si les canaux de distribution peuvent proposer assez de choix» (source).
Bien sûr, en trame de fond, la sortie du dernier album du groupe de rock anglais Radiohead a moussé quelque peu l’intérêt de la conférence de Chris Anderson. Sur son blogue d’ailleurs, le rédacteur en chez de Wired revient sur le «set-your-own price model» du groupe qui a fait réagir mon copain Michael, cette semaine. À noter que l’album lui-même («In Rainbows») reçoit un excellent accueil chez les critiques.
Revenons sur l’allocution de Chris Anderson. Sur son blogue, Simon Lamarche retient de la vision du conférencier invité que «la musique sera gratuite sous peu et que seuls les spectacles et les produits dérivés financeront les artistes». Le déploiement vertigineux d’Internet aurait un tel impact sur les modèles d’affaires que les entreprises médias risquent d’être tout aussi bouleversées et bien d’autres secteurs dans un avenir rapproché. J’en parlais justement cette semaine.
Sur son blogue «LaBlogAtoire», Samuel Bouchard identifie cinq «leçons» à tirer de la conférence de M. Anderson en rapport avec les sites Web; le doctorant Bouchard (du Laboratoire de robotique de l’Université Laval) me stimule beaucoup avec les cinq énoncés de l’auteur du «Long Tail» de par le sens que je donne à mon travail dans le milieu scolaire. Voici chaque énoncé avec un commentaire sur ce que ça m’inspire…
- Oublier l’idée de devenir un portail. J’aime bien cette évidence énoncée par M. Anderson à l’effet que «la plupart des gens qui visitent Wired (ou tout autre site Web avec un peu de «trafic») arrivent sur une page directement avec une recherche ou par un lien externe. Trop d’écoles croient que le contenu produit par les élèves et les enseignants doit être diffusé à l’intérieur d’un portail. Dans la façon dont les usages sur La Toile se sont développés, toute utilisation de type portail devient antinomique avec la proposition de faire des milieux d’éducation une vaste communauté d’apprentissage. On ne peut pas vouloir «un réseau d’éducation» et utiliser un portail comme stratégie principale pour produire, diffuser et échanger du contenu.
- Faites tomber les murs. Toute barrière à l’information décourage les échanges. Plus il est facile de naviguer dans les espaces Web d’une école, plus les internautes de passage auront le goût de fréquenter cet environnement. Pourquoi est-ce qu’on ne devrait se sentir à l’école qu’entre les murs d’une école? Toutes les institutions qui font le pari de l’ouverture expérimentent l’arrivée d’un vent d’air frais qui les dérange soit, mais qui oxygène toute la communauté. Évidemment, pour être à l’aise avec cette nouvelle dynamique, il faut cesser de croire que la connaissance ne se diffuse que par le «top-down».
- Laissez votre contenu aller. Les écoles sont constamment en recherche de moyens pour rassembler plus d’élèves. Pourquoi ne pas faire le pari de l’ouverture à ses programmes, à ses réalisations, à la richesse de sa communauté? Et si cette ouverture passe par le Web ou par les fils de nouvelle ou par YouTube ou par Flickr ou par Facebook même, pourquoi ne pas faire avec plutôt que de tout tenter pour bloquer? Je fais le pari que les milieux les plus transparents vont continuer de se développer tant sur le plan éducatif que communautaire et même sur le plan institutionnel et corporatif. À l’inverse, les milieux fermés risquent de devenir suspects…
- Valorisez vos archives. Pour une école, ça pourrait vouloir dire, «Valorisez votre patrimoine, votre tradition éducative». Tout ce qui se construit sur le Web conserve une valeur inestimable. L’expérience de la classe Démocra-TIC de l’Institut St-Joseph va dans ce sens. Imaginez… Tout ce qui se construit dans cette classe depuis septembre 2003 est en ligne, est valorisé par les moteurs de recherche et parle bien plus fort que n’importe quelle campagne de marketing «lambda» quand vient le temps de trouver une école qui considère les TIC dans ses stratégies pour faire apprendre… (Oui, je sais que je ne suis pas objectif en fournissant cet exemple; j’ai fondé ce programme et été directeur de cette école que j’ai quitté en 2005).
- Prenez des chances. Chris Anderson parle de «Fall fast»; vrai que c’est impossible de tout voir venir. Cette idée que l’école prend les élèves pour des cobayes chaque fois qu’elle innove me fait frémir. Je me désolais de voir la réaction des gens à mes premières années à St-Joseph qui me disaient, «je suis rassuré… RIEN N’A CHANGÉ ICI». Il n’y a absolument rien de rassurant à cheminer dans un environnement totalement déconnecté de la famille, des amis et de la vraie vie qui attend les élèves une fois «formés » par l’école. Je veux bien qu’on se souvienne des meilleures méthodes qui ont traversé le temps, qui ont fait leurs preuves et que nous y ayons recours le plus souvent possible; mais personne n’envisage en médecine, au garage, dans un champ de culture maraîchère, dans un bureau de comptable, dans une bibliothèque ou dans une salle de presse de se priver des moyens les plus efficaces pour partager de l’information et apprendre pour, en bout de ligne, mieux faire ce qui est à faire, pour mieux être, mieux savoir et, aussi, mieux gagner et vivre sa vie…
Ce fut donc la semaine de Chris Anderson et de «la longue traîne». Il me vient l’idée de paraphraser «The Long Tail» à l’ajustant à la «sauce» éducation:
«Il y avait peu d’élèves qui réussissaient «énormément beaucoup»; il y en a encore en même quantité, peut-être même davantage. Il y a encore beaucoup d’élèves (comme hier) qui réussissent bien et aussi, moins bien. Cette grande quantité de jeunes qui ne comptaient presque pas et qui comptent de plus en plus représente «la longue traîne», qui peut à l’avenir faire une grande différence dans l’économie de notre coin de pays. Alors qu’on a toujours tout orienté vers peu de «produits» qui étaient beaucoup exposés, viendra peut-être le temps où la grande quantité de «produits» moins considérés (mais tout aussi valables et méritants) pourra devenir une source de fierté collective importante et La Grande Richesse de notre société à bâtir!
J’ose le dire parce que ça vient d’émerger, parce que je dois y réfléchir avec ma communauté, parce que je ne sais pas ce que ça vaut autant que parce que j’estime que ça peut changer la donne qui elle, DOIT changer, surtout quand je regarde l’état de la situation dans le monde scolaire que j’observe et dans les milieux qui me sont permis de fréquenter.
Mise à jour du lendemain: Points de vue intéressants sur le sujet (la «longue traîne») chez Sandrine Prom Tep du blogue «ergonomia» et Claude Malaison «d’Émergence Web». Claude traite l’angle de la crédibilité des blogues et Sandrine nous met en garde contre le petit côté «recette» du concept de Chris Anderson. Touchant, le sujet de ce qui différencie journalistes et blogueurs, il faut lire «No press» chez Martin Lessard.
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Mario, ce que tu suggères me semble vraiment pertinent, même au niveau universitaire. J’en avais discuté dans un article sur l’université 2.0. Petit pas timide, le nouveau doyen de la faculté de sciences et de génie vient de démarrer son « vidéo-blog« . En fait, ce n’est pas un blog à proprement parler à mon avis (pas de commentaires publiques), mais c’est déjà ça!
Donnez un coup d’oeil à Erudix http://www.erudix.com
Il s’agit d’un site collaboratif où étudiants et professeurs peuvent collaborer en utilisant un wiki simple et puissant.