C’est la deuxième fois que j’anime le Conseil général de la Fédération des Comités de Parents du Québec (FCPQ). Principalement formé des présidents de comité de parents des C.S. de la province, le groupe d’hier était composé d’autour de soixante-dix personnes. Le thème de la journée était l’intégration scolaire. Dimanche dernier, j’avais vu passer cette nouvelle à l’effet que Mme Courchesne veut «s’attaquer au problème de l’intégration massive des élèves en difficulté dans les classes régulières»; je trouvais que les autorités de la FCPQ étaient visionnaires d’avoir convoqué leur membre sur cette question. Vouloir se positionner sur un sujet aussi difficile est à la fois nécessaire et compliqué. J’ai expérimenté cela hier…
Nous avions prévu plusieurs activités interactives pour permettre à chacun de s’approprier les enjeux sur cette question et favoriser des échanges constructifs. À la fin de la journée, nous devions pouvoir sentir le pouls des membres sur cette question. J’étais accompagné par France Beauregard qui agissait en tant qu’expert sur le sujet. Aucun doute, elle connaît le domaine à fond.
Au sortir de cette rencontre, je retiens que cette question est d’une complexité rare. Comme plusieurs parmi les gens présents, mon coeur a balancé toute la journée entre les besoins de ceux qui ont une difficulté (et qui gagneraient à évoluer dans une classe «régulière») et ceux qui forment la majorité évoluant dans ce fameux contexte dit «régulier». Les uns ralentissent les autres, les uns ont besoin des autres et ces autres gagnent beaucoup en côtoyant les uns… Où est le point d’équilibre?
La politique de l’adaptation scolaire du MELS ne donne pas les résultats souhaités sur le terrain, là où se vit le quotidien dans les classes. Trop souvent, les profs sont aux prises avec des situations insolubles. Trop souvent aussi, les enfants ont des besoins (et des droits) auxquels on est incapable de répondre parce que les services sont organisés pour servir en premier les impératifs des conventions collectives et les prérogatives des «travailleurs de l’éducation». Et je ne parle pas des gestionnaires qui semblent être fort sur le lavage de mains, si j’ai bien compris. J’oublie les parents autruches, ceux qui n’assument pas et ceux qui pensent que tout leur est dû. Quoi penser dans ces circonstances?
Il y a un certain refuge vers des expériences qui marchent. Il y en a… ouf!
Les mots qui sont ressortis les plus souvent sont «Oui à l’intégration, mais pas à tout prix»!
Je me souviendrai des travaux de ce samedi comme d’un exercice exigeant où des adultes de bonne volonté ont voulu trouver leur chemin dans un monde scolaire tordu à souhait par des codes et des règles qui répondent bien mal à la réalité des familles.
Je me souviendrai de ma patience à écouter chacun, à arbitrer les débats et à trancher du côté de l’assemblée, pour la bonne marche des activités. Je me souviendrai de ma fatigue d’hier; je ressentais dans mes muscles le combat de tous ces papas et mamans pour le bien de leurs enfants!
Mise à jour du 1er mai: Une chronique de Pierre Foglia porte sur le sujet ce matin… «Notes éducatives».
Tags: "...à d'où je viens" "Administration scolaire" "La vie la vie en société"
« Vouloir se positionner sur un sujet aussi difficile est à la fois nécessaire et compliqué. »
Tu as parfaitement raison. C’est un débat récurrent et c’est le fameux point d’équilibre auquel tu fais allusion qui est difficile à cerner. C’est une question délicate où les sensibilités sont à fleur de peau. Je comprends très bien que tu sois sorti exténué au terme de cette journée.
« Trop souvent aussi, les enfants ont des besoins (et des droits) auxquels on est incapable de répondre parce que les services sont organisés pour servir en premier les impératifs des conventions collectives et les prérogatives des «travailleurs de l’éducation».
Tu connais suffisamment l’estime que je te porte, Mario. Tu me permettras donc d’y aller sans détour. Cette formule a quelque chose de vexatoire, voire d’outrageant. Elle charrie avec elle bon nombre de connotations très péjoratives. Ce n’est pas suffisant pour ne pas l’utiliser, j’en conviens. Mais c’est un signal qu’elle doit être étayée.
Je te donne un petit exemple. « pour servir en premier les impératifs des conventions collectives » On ne sert pas une convention collective, Mario. On la respecte. C’est un contrat de travail, une entente de gré à gré au sens économique du terme, pas d’une liste de caprices.
Donc, Mario, je te le demande. Es-tu en mesure d’étayer cette affirmation ?
Par contre, Mario, on peu étayer le fait qu’il y a un manque de services faute de financement pendant que l’on réclame des réductions d’impôts.
Je vais laisser quelques jours André avant «d’étayer» (comme tu dis), au cas où des parents présents samedi passeraient par ici. Je préférerais que ça vienne d’eux… Certains avaient des exemples très concrets à apporter; des exemples où «le respect» de la convention desservaient manifestement les besoins des élèves, voire, défiait le «gros bon sens».
Les parents se sont bien gardés de juger ceux qui ont négocié «le contrat»; mais leur jugement sur la résultante de son application m’est apparu assez clair merci! Peut-on vraiment leur reprocher de vouloir traiter de ces questions, d’autant plus qu’ils ne sont pas autour de la table au moment où ces «ententes» se signent…
Parlant d’argent, beaucoup de parents se demandent où ils vont les sous ($$$). J’ai entendu parler d’un certain rapport d’un certain vérificateur qui semblait se poser lui aussi la même question (voir ici, par exemple).
André, je sors remué de cette journée et il m’est très difficile de penser qu’il n’y aurait rien à faire «côté convention» pour que l’organisation du travail soit moins centrée sur les travailleurs et un peu plus sur les besoins des enfants… Désolé!
Enfin, sans vouloir trahir l’esprit de cette rencontre dont les conclusions restent à venir, je voudrais quand même dire que les commissions scolaires et le MELS ont été davantage sur la sellette que le personnel scolaire dont les parents reconnaissent d’emblée la contribution extraordinaire.
Je partage un peu le commentaire de M. Chartrand, mais je comprends aussi qu’une convention collective peut avoir de multiples usages, et pas seulement de la part des employés syndiqués.
Plus criant encore selon moi est l’utilisation discutable de l’argent en éducation. C’est un cliché, mais il est vrai, mais les bureaux de certains gestionnaires sont des exemples d’argent qui ne se rend pas en classe.
Cela étant dit, lors du renouvellement (imposition) de la dernière convention colllective, on promettait l’embauche de spécialistes dans les écoles ainsi que d’enseignants-ressources à demi-temps.
Pour une école de 2 000 élèves comme la mienne, cela s’est traduit par trois enseignants ressources à demi-temps. Quant aux spécialistes, la partie patronale parlait d’en embaucher, je crois. Croyez-vous qu’on a atteint ce nombre? Une amie me parlait de seulement 250 embauches, mais je n’ai pas trouvé de confirmation pour ce chiffre.
L’un dans l’autre cependant, on a peu de services à offrir à nos élèves.
« Pour une école de 2 000 élèves comme la mienne, cela s’est traduit par trois enseignants ressources à demi-temps »
Ce chiffre semble correct. Il est prévu l’équivalent d’un enseignant-ressource à temps plein pour environ 26 groupes d’élèves du 1er cycle… Et s’ils sont à 50%, c’est parce que c’est le maximum prévu pour une seule personne.
Mais sur la question de l’intégration, il n’y a pas d’absolu. Entre envoyer tous les élèves en difficulté dans des groupes fermés ou des écoles spécialisées et les intégrer tous, il y a une marge…un équilibre, dirais-tu Mario. Chaque fois, il faut se poser la même question: quel est le meilleur service possible pour un élève donné, à un moment donné de son cheminement scolaire… Et là, ça ouvre sur plein de possibilités. Or, il est vrai que ces dernières années, on est allé à fond vers l’intégration…de façon un peu intégriste en certains milieux. Alors, pour la question que je pose, il n’y avait qu’une réponse: l’intégration, et rien d’autre. Or, l’intégration n’est pas une panacée. L’éducation est un droit, l’intégration est une modalité de service. Or, avec le temps, c’est l’intégration elle-même qui est devenue un droit…
Dans le contexte actuel, je ne crois pas qu’on veuille remettre en question l’intégration d’élèves qui ont des handicaps moteurs ou sensoriels. On en a contre ceux dont l’intégration constitue une contrainte excessive: élèves en trouble de comportement, élèves autistes, hyperactifs ou ayant des problèmes de nature psychopathologique. C’est là que le bât blesse. Elle est là la limite de l’intégration, la contrainte excessive.
Quand on intégre un de ces enfants en classe, il faut mettre en place des mesures de soutien. Or, quelle devrait être la mesure de ce soutien ? La règle, c’est que le soutien doit être à ce point suffisant que le fait d’intégrer cet enfant dans cette classe, permet à cette classe de fonctionner comme si cet enfant n’avait pas été intégré…
Ouais, toute une boîte de Pandore que la ministre ouvre…
« André, je sors remué de cette journée »
Je m’en doute bien. Je suis assez sensibilisé à cette question. Ma conjointe est orthopédagogue de formation. Elle travaille en première année du primaire, dans le réseau public, depuis plusieurs années. Je sais à quel point certaines situations sont abracadrabantes.
« il m’est très difficile de penser qu’il n’y aurait rien à faire «côté convention» pour que l’organisation du travail soit moins centrée sur les travailleurs et un peu plus sur les besoins des enfants… Désolé! »
Tu n’as pas être désolé, Mario. C’est très légitime de penser que certaines dispositions des conventions collectives pourraient être modifiées afin de mieux répondre aux besoins des enfants. Je pense qu’une telle chose est possible à la condition que l’on reconnaisse certain principes de base concernant les conventions collectives.
Quand je parle d’étayer, les situations concrètes dont les parents peuvent témoigner peuvent certainement être mises à contribution. Mais surtout, il faut pouvoir identifier les clauses de convention collective qui sont en jeu, montrer en quoi elles constituent un obstacle à des services adéquats et s’assurer qu’une éventuelle modification ne cause pas un préjudice rédhibitoire aux partis.
Bien sûr, tu donnes bien la suite que tu veux. Je me demande même pourquoi j’interviens dans un dossier qui n’est plus véritablement le mien. Je ne suis plus syndiqué. Je n’appartiens même pas au réseau public. Vieux réflexe peut-être. Ou peut-être est-ce le souvenir de mes collègues de Vanguard qui me revient. Que ces derniers soient qualifiés de travailleurs ou de professionnels, la défense de leurs intérêts serait-elle illégitime du seul fait qu’ils travaillent avec des enfants en grande difficulté ?
Une chose est certaine, après un peu plus d’un an comme directeur, je ne me suis manifestement pas débarassé de mon identité d’enseignant.
Bonne suite, Mario.
Trois intervenants à mi-temps pour 2 000 élèves, c’est mieux que rien. Mais quand on définit quelque chose par rapport à rien, c’est que c’est déjà pas grand-chose…
Oui, dans certains milieux, l’intégration est devenue un dogme. Pour certains décideurs, c’est surtout devenu une belle manoeuvre économique quand ils n’ont pas à fournir les services. Des cas de jeunes intégrés sans trop de services, on en connaît tous. Mais les choses changent un peu quand les parents deviennent exigeants et conscients des services qu’ils peuvent exiger de leur école.
Un directeur m’a confié que le principe d’intégration était maintenant remis en question parce qu’il coûtait trop cher à cause des services qu’ils nécessitent.
Encore une fois, on ne parle pas élève ou pédagogie: on parle fric.