Certains ont parlé de psychodrame. D’autres ont titré «Dumont continue à s’en prendre aux commissions scolaires» et plusieurs ont trouvé que le chef de l’ADQ donnait dans le théâtre et le poker par sa motion de blâme qui menaçait de faire tomber le gouvernement.
Une chose est certaine, depuis le début de la semaine, les commissions scolaires sont sur la sellette. Comment pourrait-il en être autrement après des élections scolaires aussi peu mobilisantes?
Même s’il doute du fait que Mario Dumont soit arrivé à l’âge adulte du politicien qu’il se doit d’être, Yves Boisvert (chroniqueur à La Presse) admet que la situation n’a rien de bien comique:
«Pourtant, quiconque est le moindrement lucide sait que la démocratie scolaire est désertée à un point de non-retour. On ne peut pas garder le système dans l’état actuel.»
Je suis d’avis que le temps est arrivé d’enlever nos oeillères. Accusé par bon nombre d’observateurs de réaliser le programme adéquiste, le gouvernement Charest me paraît avoir badiné dans ses réactions au taux catastrophique de 7,9% de participation aux dernières élections scolaires. Est-ce que ça méritait de se retrouver en élection le 17 décembre prochain? Probablement pas… Mais il fallait réagir et personnellement, pour une première fois sur ce carnet, j’approuve à 100% la conduite du chef de l’ADQ.
Depuis que la motion a été déposée d’ailleurs, je trouve que le débat s’est élevé d’un cran. Les pitreries du gouvernement sur cette question ont laissé la place à quelques données plus sérieuses et on discute sur des bases un peu plus fermes de questions plus fondamentales. Oui, M. Dumont aurait pu élargir un peu plus rapidement le débat et faire en sorte qu’il touche au bilan des dix dernières années en éducation, années où on n’a pas encore réussi à donner plus de pouvoir aux gens près de l’action. Les directeurs d’école et les Conseils d’établissement possèdent encore bien peu de leviers pour donner à leur école le caractère qui leur faut pour s’affirmer en ces temps de décroissance d’effectifs.
Mme Marois et le Parti québécois vont maintenir le gouvernement mardi prochain lors du débat sur la motion. Je ne les blâme pas. J’aimerais tout de même entendre à l’Assemblée nationale des propositions concrètes pour réformer une structure vieille de 150 ans. Les MRC ou les paliers municipaux ont l’expertise pour gérer les immeubles en agissant en sorte que ce patrimoine serve tous les intérêts de la communauté après la cloche de la fin de la journée. Les directeurs doivent pouvoir compter sur une équipe-école qui ne change pas constamment d’année en année. L’argent doit être disponible pour les services aux élèves et bien que je n’entretiens aucun doute sur le fait que les gens dans les C.S. travaillent fort, ils passent quand même trop de temps à se passer les dossiers d’un à l’autre sans vraiment que leurs interventions ajoute de la valeur à des services qui sont bien en deçà de ce qu’on est en droit de s’attendre. Enfin, les directeurs d’école doivent avoir les coudées plus franches en ce qui a trait à l’intégration des élèves en difficultés. Je sais bien que quelqu’un quelque part doit voir au bien commun sur le plan régional, mais ce seul objectif ne peut servir de caution à maintenir une structure lourde qui ne sait plus comment mobiliser les parents et les citoyens pour qui l’éducation compte.
Est-ce qu’il y a un sujet davantage au coeur de l’actualité depuis plusieurs mois que l’éducation… à part les viaducs et la téléréalité? Il faut le dire, tout le monde se mêle d’éducation. Le fait que personne ne ressente l’envie d’aller aux urnes prouve que l’heure est au changement. Je ne fais plus confiance aux gestionnaires des C.S. pour proposer les changements nécessaires.
M. Dumont, vous avez la responsabilité de proposer un plan. Promettre d’abolir les commissions scolaires est un leurre, si ça veut dire de donner un chèque en blanc à n’importe quelle façon de gérer l’éducation sur le plan régional. Vous avez fait ce qu’il fallait pour nous faire admettre que la situation actuelle n’est plus tolérable. Vos adversaires vous la donne facile en vous traitant de tous les noms. À partir de mardi, je veux de la chair autour de l’os…
Et ne comptez pas sur le groupe dirigé par M. Caron pour nous proposer des idées acceptables. Au mieux, ils vont nous dire que se passer d’eux va coûter plus cher. Je ressens un urgent besoin de débattre ensemble des meilleures solutions possible en dehors des modèles qui ont fait la preuve de leur incompétence.
Messieurs, mesdames les politiciens de tous les partis, je compte sur votre lecture attentionnée du fait que 92,1% des gens n’ont pas pris la peine d’exercer un droit qui ne compte plus vraiment, tellement nous n’y croyons plus. Nous balancer au visage qu’ailleurs, on fait la guerre pour l’exercer n’arrangera en rien votre situation. Les commissions scolaires sont des créatures qui roulent sur l’autoroute de l’éducation en ayant les yeux rivés dans le rétroviseur se disant que ceux qui klaxonnent ont sûrement tort. Le Monsieur Dumont qui essaie de vous passer par la droite, il risque d’être suivi par bien d’autres qui en ont marre eux aussi de l’obstruction systématique que vous faites. Sur votre gauche, ma tante Pauline et mon oncle Jean ne vont plus pouvoir bien longtemps nous jouer le coup de la panne d’essence ou du bloc de béton qui obstrue. Si vous n’accélérez pas, il est bien possible que vous vous retrouviez sur la touche ou dans la fourrière.
Au moment où on se parle, on ne sait pas où on s’en va, mais on y va… On est tanné d’attendre en arrière de vos certitudes.
N’attendez pas qu’on voie devant; parce qu’à ce moment, on risque de trouver bien vite où on veut aller!
Et vous ne serez pas du voyage.
Mise à jour du dimanche soir: La position du Monsieur Caron dont il est question est au Devoir de demain; l’ADQ a tout faux et il regrette de ne pas avoir assez investi en publicité. C’est ici.
M. Caron est un jovialiste sympathique. Je n’en dirai pas plus. Par contre, il n’a peut-être pas tort pour la question des coûts.
Il n’en demeure pas moins que les commissions scolaires n’ont pas réussi depuis des années à faire la preuve de leur utilité. Depuis au moins 1998, le taux de vote aux élections scolaires est anémique et personne à la FCSQ ne semble comprendre ce message clair des citoyens.
Comme exemple d’incompétence, on ne pourrait trouver mieux.
On jasait éducation hier soir chez ma copine. Son grand-père a déjà été commissaire scolaire il y a longtemps.
À l’époque, il a procédé à l’embauche des professseurs, supervisé la construction de certaines écoles, évalué des profs et j’en passe. Il était connu de la communauté et jouait un rôle bien plus sur le terrain.
Aujourd’hui, qu’en est-il?
À cet égard, il faut remarquer que le taux de participation a été plus fort en régions (proximité des lieux de pouvoir et esprit de communauté) et chez les anglophones (esprit de communauté).
Toujours en jasant, on a joué à un jeu qui s’appelait«Mario abolit les CS». Il fallait déterminer qui allait reprendre les responsabilités de ces dernières. Ce fut palpitant.
– qui allait détermine les bassins de clientèle de chaque école?
– qui allait assurer la coordination entre chaque école pour la création de programmes particuliers?
– la gestion de la taxe scolaire peut être reliée aux municipalités mais elles n’en veulent pas. Donc… à l’école ou au privé? je vois mal chaque école se doter d’un responsable de la taxe scolaire. il y a malgré tout des économies d’échelle à avoir des services communs.
– la gestion de la paie peut être refilée aux municipalités mais elles n’en veulent pas. Donc, à l’école ou au privé?
– la gestion de la taxe scolaire peut être refilée aux municipalités mais elles n’en veulent pas. Donc, à l’école ou au privé?
– la gestion de l’entretien peut être refilée aux municipalités mais elles n’en veulent pas. Et puis, ça risque de coûter plus cher. Donc, à l’école ou au privé?
Et puis, à un moment donné, quelqu’un a cru avoir la solution magique. On va créer une régie régionale de l’éducation!
Désespoir…
Je sais, Mario, que tu es un farouche partisan de la décentralisation. Cependant, permet moi d’exprimer ici que, à mon avis, la sortie de M. Dumont au sujet des commissions scolaires est déplorable. J’estime qu’il est irresponsable de promettre d’abolir les CS sans avoir quelque chose à proposer. Si la réflexion n’est pas mure, on décline les problèmes, on affirme que le statut quo n’est plus possible et on s’engage changer les choses en profondeur.
On ne promet surtout pas d’abolir sans égard aux conséquences sur le réseau et sur les personnes qui y travaillent.
Hier soir, Jean-François Lisée, invité chez Guy A. Lepage, suggérait d’abolir l’élection des commissaires au suffrage universel. Il proposait que les conseils d’établissements élisent directement les commissaires. Il n’a pas eu l’occasion de pousser plus loin sa réflexion. Suggérait-il, comme le faisait Camille Laurin, que chacune des écoles élise son représentant à un éventuel conseil remodelé, ou que les membres des CE deviennent une sorte de collège électoral, lequel aurait la responsabilité d’élire les commissaires ? Cette seconde éventualité est celle privilégiée au début des années « 60 par la Commission Parent.
Par ailleurs Mario, je ne crois pas qu’on pourrait se passer bien longtemps d’un niveau intermédiare de coordination, ne serait-ce que pour la courte liste de motifs que nous rapporte avec justesse l’ami Luc un peu plus haut. Là-dessus, tu t’en rappelles, je me suis largement étendu le 28 août dernier (ha… quand on n’est pas lu…). C’était ici: http://carnets.opossum.ca/LeNeuf/archives/2007/08/les_elections_scolaires_1.html
Je fais encore un peu de pouce sur le billet de Luc, qui nous suggère candidement, une espèce de Régie régionale de l’éducation. Je pourrais te raconter l’histoire d’un bon ami à moi, qui travaillait pour un CRSSS, il y a bien longtemps. On parlait alors d’un Centre régional de santé et de services sociaux. On a aboli ces grosses structures, pour en faire des Régies régionales, lesquelles ont été abolies par le gouvernement Charest, pour devenir le temps d’une transition des Agences pour le développement de réseaux de la santé et des services sociaux. Ces agences, qui devaient disparaître pour tendre le relais aux CSSS (centres de santé et de services sociaux, nés de la fusion des hôpitaux, CLSC et CHSLD…), ont finalement retrouvé un caractère permanent en devenant des Agences régionales de la santé et des services sociaux… Or, cet ami dont je te parle a vécu toutes ces transformations. Mais jamais il n’a changé de lieu de travail, il a occupé toutes ces années des fonctions assez semblables et il potasse toujours les mêmes dossiers. Il en sera de même avec les CS au lendemain de leur abolition. On requestionnera la pertinence du mode actuel d’élection des commissaires, peut-être en revoyant certaine des hypothèses que j’ai présentées en début de commentaire. On reverra fort probablement le dossier de la gouvernance, décentralisant ici, et recentralisant là. On donnera peut-être plus de pouvoir au niveau local, peut-être les Cs deviendront-elles un peu plus des coopératives de services et se chargeront-elles du démarchage politique des réseaux d’école. God knows… Mais il y a aura encore ce genre de structures de services.
Comme il y a de gros intérêts politiques en jeu, beaucoup de ressources et du pouvoir, ça va jouer très dur pour la suite. Très dur. Excuse-moi la paraphrase, mais on ne fera pas d’omelettes sans casser des gueules…
Cordialement,
Le Neuf