Les élus d’un village en Haute-Gaspésie (Marsoui) ont pris la décision d’utiliser la fibre optique de la municipalité pour la redéployer, sans fil, grâce à des antennes réémettrices. Le problème est que «ce geste contreviendrait à l’entente entre Telus et le Réseau collectif, un organisme sans but lucratif formé pour offrir la haute vitesse à des institutions publiques.» (source) «Nous sommes tannés d’attendre», disait la mairesse de Marsoui. Elle va beaucoup plus loin…
«Nous avons des gens assoiffés d’information. Les jeunes veulent faire des travaux avec la haute vitesse».
Évidemment, personne ne va prêcher la désobéissance en milieu scolaire pour que les jeunes aient les services auxquels ils devraient être en droit de s’attendre, mais la controversée position du conseil municipal de Marsoui me fait réfléchir. En ce début de 2008, nous sentons une poussée d’adrénaline chez ZAP Québec ces jours-ci. Nous savons maintenant que nos ressources vont augmenter considérablement dans les prochaines semaines et nous serons en mesure de passer à une autre vitesse en terme de nombre de points de service. D’ailleurs, nous tenons une importante séance de travail le dimanche 20 janvier, de 12h30 à 16h30, à l’Université du Québec pour planifier ce déploiement accéléré en cette année du 400e anniversaire de fondation de notre ville. La cité sans fil dont nous rêvons pourrait voir le jour en 2008! Je comprends bien que des collectivités envisagent tous les moyens pour avoir accès à des services quand on voit ce dont bénéficient d’autres groupes…
En ce sens, les débats entourant ce qui devrait être permis ou pas dans les classes en terme d’outils technologiques me troublent beaucoup (voir aussi ce billet de François Guité). Va-t-on augmenter la pression jusqu’au point où les élèves devront désobéir (certains maires n’hésitent pas…) pour pouvoir utiliser leurs outils dans un lieu où l’apprentissage est omniprésent? Je sais bien que la démonstration n’est pas faite pour une majorité que ces mêmes outils servent à autre chose qu’à se récréer et se distraire (ce qui est généralement mal vu), mais quand je lis des arguments de jeunes étudiants, j’en viens presqu’à penser que notre discours «pro» intégration des TIC doit passer par le recours aux jeunes eux-mêmes pour qu’ils s’affirment davantage dans leurs demandes:
«C’est un bien grand débat pour un règlement qui n’est, de toute manière, aucunement respecté (ni même considéré). (…) Ca peut sembler banal comme ça mais je sais de quoi je parle, j’ai 15 ans et ce que j’ai observé, en 3 ans et demi à ???(nom de l’école) c’est que la clé de ma réussite réside justement dans mon rapport avec l’autorité. (…) Pareil pour le cellulaire [que pour le lecteur mp3], ce sont des instruments d’émancipation et des symboles d’autonomie qu’il est absurde d’interdire. Dernière chose : Si un étudiant envoie un sms pendant ton cours, tu ne t’en rendras pas compte. Si un étudiant écoute de la musique pendant ton cours, il est également fort probable que tu ne t’en rendes pas compte. Et de toute façon, petit scoop: personne ne le fait. Honnêtement.»
Je ne suis pas en train de dire qu’il faille tout accorder en matière de revendications estudiantines, mais la réalité de ceux qui croient en l’intégration des TIC est qu’ils sont souvent forcés de prendre de sacrés risques vis-à-vis de la cohésion entre enseignants:
«Les meilleurs arguments n’arriveront pas à convaincre vos collègues. C’est le terrible paradoxe de l’éducation. Alors que celle-ci devrait être à la fine pointe de la technologie et de la science, on constate que c’est l’un des rares domaines où le perfectionnement n’est pas obligatoire et où tout changement est perçu comme une menace. En ce qui me concerne, découragée par les dinosaures qui m’entourent, je préfère être du côté des élèves. Après tout, si on veut rester dans les vieilles règles d’antan, le prof est maître de sa classe ! J’autorise donc les cellulaires dans la classe et même, o scandale, MSN dans mes labs. Quels beaux outils pour enseigner le sens des termes « ingérence » et « distraction ».»
Bang!
Dans un autre billet dont il a le secret ces jours-ci, Sylvain Bérubé affirme que «les élèves ne sont pas tous 2.0». Vrai! La question n’est pas tant de savoir si oui ou non les moyens technologiques vont être adoptés par les étudiants pour réseauter et apprendre, la question est de savoir quand… et pendant ce temps-là, les débats sur ce qui doit être interdit et pas me paraissent tellement frôler l’incitation à la désobéissance parfois.
Il me vient une anecdote. Je ne sais plus où ça s’est passé, ni quand. On se demandait, un groupe d’adultes, pourquoi les jeunes font très très rarement des fautes dans leurs titres de billets sur les blogues, se forçaient beaucoup dans leurs billets pour ne pas en faire, mais avaient tendance à se laisser aller dans leurs commentaires. On ne pouvait pas trop expliquer cela… Nous nous sommes tournés vers les jeunes en quête d’explications. De mémoire:
«On n’a pas le droit de faire des fautes dans les titres M’sieur… Google indexe nos trucs en particulier avec les titres de nos billets et les URL se construisent eux aussi à partir des titres. Les billets aussi, ça compte, alors que les commentaires, c’est moins certain. Tout le monde sait ça!»
Re bang! Et le pire c’est qu’il avait ajouté que sans Google, ce serait quand même important de surveiller les fautes, parce «que c’est ce que les gens voient en premier, les titres…»
Vraiment, il faudra aider les jeunes qui veulent apprendre à s’affirmer un peu plus. Ne désespérons pas… il y a encore beaucoup de temps devant nous, «l’éternité n’est qu’une seconde qui bégaie!»
Mise à jour du 11 janvier: Technnaute publie une information à l’effet que la Mairesse de Marsoui «dit mettre en veilleuse pour deux semaines l’initiative [redéployer le sans fil vers les 130 foyers du village] adoptée le 2 janvier». J’imagine que TELUS n’aime pas la désobéissance… Complément d’information à propos de la nouvelle du redéploiement sur ce blogue tenue par une citoyenne de Marsoui.
J’aime bien ce billet, Mario. (Au nombre de fois que tu cites mon blogue, je ne pourrais pas dire autrement ;-)))
Sérieusement, la part de risque, c’est ce qu’il faudra prendre en considération en premier, ou presque, dans la mise en place de moyens pédagogiques dits 2.0.
Devra-t-on parler du risque 2.0 ? du risque du 2.0 ? À suivre…
Pour ce qui est de mes inspirations ces temps-ci, peut-être est-ce le fruit de mes vacances réflexives reposantes (piles de corrections volontairement mises de côté !), accompagnées d’un bon rhume qui a l’air de s’être logé au cerveau 😉
ce n’est pas toi qui parlait de prendre la maquis !
ce petit coup d’air frais fait un sacré bien ! 🙂