Je reçois à l’instant un message d’un intervenant très actif du club «Contre le retour de la censure», sur Facebook. Sur la base de cet article de Cyberpresse et de d’autres informations peut-être, il affirme que «La Ministre, devant toutes les pressions, vient de céder et propose un premier compromis en suspendant pendant un an l’application de la mesure.»
«De plus, elle demande que l’industrie suggère elle-même ses balises pour l’avenir. Évidemment, il reste des changements en profondeur à apporter, mais c’est un premier pas important dans cette lutte contre la censure que nous avons entreprise.»
Je rappelle que le projet d’amendement à la «Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu» (C-10) rendrait possible le retrait de l’aide financière à des productions pour le cinéma ou la télévision jugées «contraires à l’ordre public». Au début mars, j’avais décidé d’écrire une lettre ouverte à Josée Verner, en concertation avec les initiatives de correspondance avec les Sénateurs qui siègent au Comité permanent des banques et du commerce.
Justement, en début de semaine, j’ai «été surpris» par un retour d’information d’une Sénatrice représentant le parti conservateur, Mira Spivak. Un extrait du courriel (entièrement reproduit sous l’hyperlien ci-bas):
«Je demeurerai à l’affût des audiences que tiendra le Comité sénatorial des banques et du commerce, qui débattra de la question. Et j’espère sincèrement que le gouvernement fera preuve de bon sens et qu’il supprimera cette modification du projet de loi.»
Comme l’a judicieusement mentionné l’auteur du message sur Facebook, «Il n’y a pas sujet à dormir sur nos lauriers», mais on peut considérer que le dossier s’en va dans le bon sens… Le Sénateur du Québec (Paul Massicotte) est cité dans l’article de Cyberpresse, en estimant que «le gouvernement s’engageait sur un « terrain très glissant » en recourant au principe de « l’ordre public ».» L’action n’est donc pas terminée au comité sénatorial.
Correspondance reçue le 31 mars par courriel électronique du bureau de la Sénatrice Mira Spivak (nommée par Brian Mulroney) au sujet du projet de loi C-10
Madame, Monsieur,
J’ai bien reçu votre message d’opposition au projet de loi C-10, une mesure législative omnibus visant à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et qui semble menacer le financement futur des productions cinématographiques et vidéo canadiennes. Il pourrait aussi porter atteinte à la liberté d’expression telle qu’énoncée dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Les parlementaires ont imposé par voie législative des limites à la liberté d’expression dans les cas où l’on peut établir qu’il s’agit d’une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Ces limites sont prévues par le Code criminel et interdisent notamment les publications « obscènes », la pornographie juvénile et la promotion du génocide ou de la haine à l’encontre d’un groupe identifiable.
La Cour suprême du Canada a établi un critère général pour déterminer si une limite légale à un droit garanti par la Charte était justifiée et a rendu sa décision.
La juge en chef Beverley McLachin a précisé avec éloquence le cœur de la question :
« Au nombre des droits les plus fondamentaux que possèdent les Canadiens figure la liberté d’expression. Celle-ci rend possible notre liberté, notre créativité ainsi que notre démocratie, et ce, en protégeant non seulement l’expression qui est « bonne » et populaire, mais aussi celle qui est impopulaire, voire offensante. Le droit à la liberté d’expression repose sur la conviction que la libre circulation des idées et des images est la meilleure voie vers la vérité, l’épanouissement personnel et la coexistence pacifique dans une société hétérogène composée de personnes dont les croyances divergent et s’opposent. Si nous n’aimons pas une idée ou une image, nous sommes libres de nous y opposer ou simplement de nous en détourner. En l’absence de justification constitutionnelle suffisante toutefois, nous ne pouvons empêcher une personne de l’exprimer ou de la présenter, selon le cas. ».
La modification du projet de loi C-10 qui risque d’empêcher un producteur de recevoir une aide financière par l’entremise de crédits fiscaux pour une production jugée « contraire à l’ordre public » est une mesure générale à l’extrême qui, à mon avis, enfreindrait le critère « d’atteinte minimale » établi par la Cour suprême.
J’aimerais beaucoup mieux que la juge en chef et ses collègues protègent les droits énoncés dans la Charte plutôt que de déléguer ce devoir de la façon dont le projet de loi C-10 le propose.
Je demeurerai à l’affût des audiences que tiendra le Comité sénatorial des banques et du commerce, qui débattra de la question. Et j’espère sincèrement que le gouvernement fera preuve de bon sens et qu’il supprimera cette modification du projet de loi.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.
Mira Spivak, sénatrice