«Au début, l’obscurité autour de nos écrits crée l’illusion d’une certaine protection. Puis les lampes de poche de Google se pointent une à une, jetant un éclairage cru sur le paradoxe dans lequel nous nous sommes volontairement plongés.»
Cette expression, «parler à Internet», et la citation du haut viennent de Martine Pagé dans «Une petite gêne», billet où elle raconte les sentiments qui ont remonté en lisant «Exposed» d’Emily Gould. L’idée derrière ce billet consiste à réagir à la «compulsion de partage», au «oversharing» qui peut nous assaillir à un moment donné de notre expérience de blogueur. Martine décrit bien qu’au départ, on peut ressentir une «impression d’intimité» qui peut nous porter à en dire davantage qu’on ne l’aurait voulu, une fois qu’on se retourne et qu’on constate l’ampleur d’un lectorat devenu plus grand que le cercle restreint de sa famille et de quelques amis.
C’est peut-être ce qui était arrivé à Michel Cartier quand il a décidé de mettre fin à ses expériences de publication Web et de tout retirer de la Toile. Michel Dumais vient d’écrire qu’il a tout remis en ligne avec l’accord du prolifique auteur qui a seulement eu un grand coup de fatigue de devoir assumer seul toute cette charge reliée à sa production. C’est bien qu’il se soit ravisé avec l’aide d’amis. D’ailleurs, je garde ici la trace du commentaire que le billet de Michel m’a inspiré, «Nous avons besoin des grognons. Dessine-moi un grognon!»
Parler à Internet. Parler dans Internet. Le paradoxe étant qu’on communique avec des vraies personnes même si on ne reçoit aucun signal de notre/nos interlocuteur(s) pendant ces moments où on se livre. D’où le fait qu’une certaine désinhibition change la donne au niveau de trouver «quoi dire» et «ne pas dire».
J’écrivais en commentaire chez Martine que notre blogosphère peut s’avérer efficace pour réguler jusqu’où on peut aller dans l’écoute de sa pulsion du partage. À condition de bien connaître ces internautes qui tiennent pignon sur Web ou qui participent à la conversation sur son propre blogue. Connaître, dans le sens d’être en contact avec eux et de pouvoir avoir accès à ce qu’ils pensent. Vouloir l’entendre et l’écouter… Pas toujours facile!
Je repense à cette phrase de Martine qui touche une partie de mon travail au quotidien, avec les jeunes:
«J’ai souvent regretté ne pas avoir eu accès aux blogues alors que j’étais plus jeune. Après avoir lu l’article de Gould dans le New York Times, je suis plutôt contente de savoir que les périodes formatives (et plutôt émotives) de ma vie ont pu être vécues discrètement, sans archivage autre que mes carnets de papier.»
Bien des réactions me sont venues, mais ce sont les mots d’une jeune blogueuse qui remontent…
