Le 27 octobre 2005, deux adolescents de Clichy-sous-Bois (banlieue de Paris) sont morts par électrocution, alors qu’ils étaient poursuivis par la police. Dans les trois semaines qui ont suivies, plusieurs émeutes ont fait rage faisant dire à plusieurs que les violences urbaines des banlieues parisiennes ont été «les plus importantes agitations en France depuis mai 1968».
Le 10 août 2008, un jeune homme de dix-huit ans de Montréal-Nord (sur l’île de Montréal) est mort par balle et deux autres ont été blessés (1). Les circonstances rappellent celles des incidents de Clichy-sous-Bois d’autant plus que dès le lendemain, Montréal-Nord a vécu l’une de ses soirées «les plus chaudes» des dernières années avec «au menu», incendies criminels, jets de pierres contre les forces de l’ordre, pillage et désordre total. «Le plus épeurant, c’est de se retrouver soudainement dans une zone de non-droit», affirme Patrick Lagacé sur son blogue où il témoigne de ce qu’il a vécu avec ses camarades journalistes.
Personne ne veut vivre au Québec (ni ailleurs) des événements semblables à ceux vécus en France en novembre 2005. Force est d’admettre que plusieurs des ingrédients sont rassemblés:
- Mouvements spontanés et isolés de jeunes désoeuvrés qui réagissent à ce qu’ils croient être de la brutalité policière
- Actes transformés en véritables émeutes comprenant des affrontements avec la police et le service d’incendies
- Fond de lutte contre la pauvreté qui légitime le comportement de certains habitants du quartier à se révolter contre la société
- Fond de lutte contre les gangs de rue qui légitime le comportement des forces de l’ordre à employer la manière forte contre les «plaignants»
La crise est jeune. Aujourd’hui, toutes les mesures doivent viser à éviter l’escalade de la violence.
Déjà, certains blogueurs font monter la pression. Le mot est prononcé: «Montréal-Nord et sa racaille». On peut lire sur ce blogue du Dernier Québécois que «Montréal-Nord, c’est la démonstration de notre incapacité à intégrer les immigrants.» Autres points de vue de blogueurs ici, Jones et AntiPollution. Mêmes rengaines qui recommencent… Les commentaires dans le billet de Belz (qui tente de se justifier) témoigne de la furie qui se construit.
Mon passé de directeur d’école me commande d’arrêter ici. Je voudrais bien dire que l’appel au calme va arranger les choses, mais ce que je lis (et décode un peu partout) ne m’annonce rien de bon. Il me semble que la dernière chose à faire aujourd’hui soit de juger les uns et les autres!
On se garde une p’tite gêne, s’il vous-plaît!
Est-ce qu’on ne pourrait pas se servir de ce qui s’est passé ailleurs pour comprendre comment gérer ce genre de crise?
Mise à jour en P.M.: Autre texte qui me fait craindre que l’escalade ne soit pas prêt de s’arrêter…
- «… il faut plus augmenter le nombre d’agents dans les quartiers «sensibles» de la métropole québécoise.»
- «… les événements de dimanche étaient prévisibles.»
- «C’est une révolte contre l’ensemble du système.»
- «Ce qui s’est passé ensuite reste confus.»
- «… les gangs de rue ne sont pas les seuls responsables de l’émeute de dimanche et il croit que des jeunes du quartier étaient également sur les rangs pour manifester leur ras-le-bol.»
Seule, une note d’espoir: «Il faut que des adultes représentatifs de la communauté s’impliquent, selon lui. La répression policière, seule, demeure insuffisante. Il faut davantage de prévention.»
Mise à jour du lendemain: La nuit semble avoir été exempte d’événement fâcheux, mais les journaux de ce matin décrivent assez bien la tension qui subsiste (1, 2). Une lectrice m’a fait la recommandation d’un roman que je tenterai de me procurer, «Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte». Jean-Robert Sanfaçon au Devoir aborde la question sous l’angle de l’immigration, Annie Mathieu de La Presse rapporte que les experts sont inquiets et Renart L’éveillé nous fait un petit bilan de ce qu’il a trouvé sur le sujet dans sa blogosphère.
Mise à jour du mercredi, 13 août 2008: La dernière nuit a été plus mouvementée, selon ce que rapporte Radio-Canada. Le gouvernement mise beaucoup au niveau médiatique sur une promesse de rendre public le rapport de l’enquête criminelle qui devrait être disponible dans deux mois. On parle d’une enquête impartiale et transparente. Reste qu’aujourd’hui, Yolande James (ministre québécoise de l’Immigration et des communautés culturelles), a mentionné à RDI «qu’il fallait renforcer le dialogue entre les jeunes et les autorités». Elle s’est réfugiée vers la demande normale en ces circonstances, que la population «fasse confiance aux policiers responsables de l’enquête». Personnellement, j’aurais aimé entendre parler de stratégies visant à contrer l’exclusion, également. J’aime beaucoup les appels au calme qui sont relayés à partir de l’entourage du jeune qui a perdu la vie. Évidemment, les journalistes sont sur le dossier du frère de la victime qui semble à l’origine de la démarche des policiers au parc Henri-Bourassa. Je continue de penser qu’il faut mettre autant d’énergie sur les événements de samedi au moment du décès du jeune homme que sur ceux qui ont suivi parce qu’on risque de passer à côté des racines de ce qui cause problème à Montréal-Nord (et ailleurs). Sur les blogues, Renart Léveillé résume la contribution de chacun dans un billet rempli de liens. Enfin, les événements ont des échos jusqu’en France; bon… Montréal-Nord, le «Bronx» de Montréal… Faudrait pas exagérer non plus!
Merci pour le lien. Il est à noter que j’ai décidé de ne pas censurer les commentaires laissés sur mon blogue, exceptionnellement. Je veux voir jusqu’où va la frustration et je veux laisser sortir ce trop-plein. Avec un peu de chance, on pourra peut-être dormir tranquille à Montréal-Nord ce soir…
Ne me remerciez pas M. Belz; je ne vous ai pas vraiment rendu service, je crois. Du moins, cela n’était pas mon intention…
Votre billet (malgré les nuances que vous tentez d’y apporter depuis qu’il a été publié) n’est pas un exemple de geste pouvant calmer les choses. C’est ce que j’ai voulu dire. Je n’ai pas dû être assez clair. Êtes-vous seulement au courant de la charge affective qu’il y a derrière le mot «racaille»?
Ne croyez-vous pas que pour «dormir tranquille à Montréal-Nord ce soir», il faudrait éviter de pointer qui que ce soit du doigt à l’intérieur des groupes qui font partie de ce conflit? Remarquez, vous êtes chez vous @ «Dernier Québécois», vous y faites ce que vous voulez, je n’ai rien à dire là-dessus…
Mais ce «merci»!?! Enfin…
Après ce «dernier exemplaire de québécois», on verra comment on pourra se ramasser.
Je crois, au contraire de ce que vous écrivez, qu’il faille crever l’abcès. Je suis pour cela. Cessons d’avoir peur et confrontons les idées.
J’ai présentement un échange plus qu’intéressant avec un jeune Québécois de 15 ans se considérant comme un Haïtien parce que sa famille vient d’Haïti.
Vois-tu, si je pouvais seulement convaincre une personne d’utiliser la guerre des mots au lieu de brûler des voitures, je considérerai que j’ai fait mon travail de citoyen.
Oui, j’attise le feu, mais c’est pour tenter de mieux canaliser son énergie destructrice!
La culture de la violence ne mène qu’à une chose, soit plus de violence.
Il me semble que la police ait commis une gaffe. Une situation peu menaçante dans laquelle une force excessive (et mortelle) a été utilisée — il faut une enquête publique (non policière) pour savoir ce qui s’est véritablement passé.
Du côté des jeunes, il y a une sérieuse réflexion à avoir.
Pour l’instant, il faut voir à découvrir la vérité… parce que les versions de cette histoire diffèrent beaucoup… et c’est inquiétant qu’il en soit ainsi (la police ayant tout à perdre si elle devait s’être rendu coupable d’avoir maquiller la vérité).
Nouvelle sur Belz “Homme en colère”.: http://raymondviger.wordpress.com/2008/08/24/freddy-alberto-pipo-villanueva-montreal-nord-gang-de-rue-brutalite-policiere/#comment-22329