Je sors d’une expérience très prenante, une campagne électorale. Quand j’ai pris la décision de joindre Opossum en avril 2005, je voulais animer; je souhaitais changer de cadre pour pousser plus loin les principes que j’avais expérimentés en enseignement. J’avais travaillé quinze ans avec les ados du secondaire et je venais de terminer six ans avec les jeunes du primaire. Je savais qu’il me fallait moins parler, plus écouter et surtout continuer d’apprendre à échanger. Avec tous les jeunes plus difficiles que j’ai rencontrés, j’ai expérimenté jusqu’à quel point, plus j’ouvrais la bouche, moins je réussissais à toucher. N’importe quel professionnel va vous dire lorsque le courant ne passe plus, qu’il faut cesser de parler au plus vite pour se synchroniser avec la ou les personnes avec qui vous êtes. Même quand il passe, il ne faut rien prendre pour acquis; se sentir en communication, c’est tout le contraire de demander à être écouté. C’est au moment où vous sentez qu’on veut vraiment vous entendre que vous devez parler, pas avant.
Pour une raison que j’ignore, dans l’enseignement et en politique, on s’acharne à vouloir parler quand les gens devant vous ne veulent pas vraiment écouter. C’est si facile animer avec des gens qui veulent travailler. Ça devient la plus pénible des expériences quand ces mêmes gens ne sont plus capables de rien prendre; à ce moment, il faut véritablement se mettre en mode écoute et être prêt à en entendre des vertes et des pas mûres. Souvent, quand on a trop attendu, il arrive même que ce soit trop tard. On assiste alors à des séances de défoulement et ça sort tout croche. Pas facile d’être celui qui écoute à ce moment.
Ce matin, en relisant ce billet de Michel Dumais et en regardant de plus proche le fait que 40,9% des électeurs ne soient pas allés voter je me suis posé une question: «À quand une campagne électorale où les politiciens se promèneront d’assemblée en assemblée pour écouter et échanger, davantage que pour parler et demander d’écouter?»
Ça n’arrivera pas de sitôt. Ce n’est pas dans les moeurs. Tout comme ce n’est pas dans les moeurs en enseignement encore. C’est comique d’ailleurs, parce que le taux de décrochage et le taux d’abstention ont l’air d’évoluer pas mal dans le même sens. Mais bon, ça doit être un hasard…
Puis en début de P.M., je vois distraitement cette entrée sur Twitter de Mathieu Quimper (un édublogueur du N.-B. qui ne blogue plus beaucoup, mais qui est très prolifique sur Twitter) qui me mène sur un billet fantastique de Shannon Paul qui travaille actuellement (attachez votre tuque) au secteur des «New Media communications» avec les Red Wings de Detroit!
Qu’est-ce qu’une dame avec un profil «relation publique» peut bien nous apprendre à nous, experts en utilisation des nouvelles technologies?
«Social media evangelists (myself included) are always preaching about the importance of listening. However, I’ve learned that telling someone to listen is a pretty reliable way to put them on the defensive, so I’ve made a resolution to stop telling people to listen, and instead, show them how it’s done.»
Elle a bien écrit «leur montrer jusqu’à quel point ça ne marche plus comme ça»…
Je soupçonne d’ailleurs qu’il y a dans ces lignes un élément de réponse à la question posée par François Guité dernièrement, «Pourquoi mes élèves n’apportent pas leur ordi en classe?». Si c’était ça la clé… l’école est encore un lieu où il faut écouter bien plus qu’autres choses, alors, ça donne quoi d’apporter son outil pour communiquer et échanger?
Je crois vraiment aujourd’hui, qu’au moins 40,9% des électeurs en ont ras le pompon d’écouter et qu’il y en a bien davantage qui aimeraient plus d’échanges, voire que les politiciens se la ferment un peu plus!
Je me demande même si ce ne serait pas un peu ça aussi le problème avec la souveraineté et le projet de pays pour le Québec. À force de ne pas cesser d’en entendre parler depuis près de quarante ans, au nombre de fois où on a entendu des gens qu’on aime bien nous demander de les écouter, on en vient à ne plus avoir d’oreille pour cette question. J’aime bien M.M. Parizeau et Michaud, mais aujourd’hui, ils me désespèrent dans leur réaction au passage du Président Sarkozy d’hier (1, 2). Presque plus capable de les entendre ceux-là… qui jouent aux belles-mères à chaque fois que quelqu’un vient oser les contre-dire dans leur vision de l’indépendance au plus vite, avec ou sans le peuple.
Prenons hier… qui a eu le plus de succès au Sommet de la francophonie selon Gilbert Lavoie du Soleil? Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham. Il a participé à un échange avec des jeunes; ils ont posé des questions, exprimé des points de vue et M. Graham leur a dit qu’il n’avait pas toutes les réponses…
«C’était un tout petit événement que cette réunion de M. Graham avec les jeunes. Presque pas de sécurité, pas de médias, pas de télé. Mais les jeunes en sont repartis fort impressionnés d’avoir eu accès à un premier ministre.»
Peut-être qu’on en a tout simplement assez de se faire dire «écoutez-moi parler»?
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Je partage entièrement ton opinion, Mario. Dans ma présentation sur la e-littératie, ( http://www.opossum.ca/guitef/archives/004152.html ), je faisais remarquer (diapo 26) que « le web acteur est un pauvre spectateur » à l’école. Il me semble que nous assistons au même désintéressement en politique : où est l’intérêt, pour celui qui est habitué d’agir régulièrement en ligne, de participer à l’exercice du gouvernement une fois à tous les quatre ans, et encore par un « X » sur un bulletin de vote? Est-ce qu’on continue de nous prendre pour des crétins? À quoi donc sert l’éducation obligatoire si c’est pour nous réduire à si peu?
J’ai une autre explication Il faut réinventer l’information en région. Ce n’est pas le point de vue du pédagogue, mais plutôt celui du communicateur. Les gens ne sont pas bien informés, donc ils n’arrivent pas vraiment à se faire une idée, donc ils ne vont pas faire le geste pénible d’aller voter. De plus en plus, faute d’une information qualifiante, seuls les convaincus vont se déplacer pour voter.
M. Mario,
il y a aussi le fait que la politique est devenu un monde avec des politiciens de carrière et des machines politiques.
Je ne suis pas allé voter dans mon comté qui est un de ceux qui élit des députés du Bloc avec de TRÈS confortables majorités. Pourquoi? Le candidat du Bloc, fils d’un organisateur de ce parti, ne méritait pas mon vote. Pas à cause de sa jeunesse, mais de son profil et de son envergure.
Si on était en système proportionnel, mon vote aurait eu un sens. Là, j’avais mieux à faire et j’espère qu’on comprendra cette absention comme un désintéressment pour le système électoral actuel. Pas pour la politique.
Il faut éviter de confondre les élections et la démocratie. Une campagne électorale est une des périodes/étapes de la vie démocratique. Et certainement pas celle qui se prête le mieux à l’écoute!
Je ne m’attends pas, pour ma part, à ce que les candidats et les partis politiques se mettent en mode « écoute » en période d’élections. N’oserais même dire au contraire!
Une campagne électorale c’est le temps de montrer si on est capable de leadership; si on est capable d’affirmer des idées, de formuler des projets et (surtout!) de faire en sorte que suffisamment de gens aient aussi envie d’y croire, d’y adhérer et de mettre l’épaule à la roue. Ce n’est pas le temps d’écouter! C’est avant qu’il fallait écouter!
Le leadership s’alimente à une écoute généreuse et sincère, bien sûr, mais ça ne suffît pas!
C’est d’ailleurs pour ça qu’un blogue de parti politique en campagne électorale c’est bien… Mais un blogue permanent, animé et lieu d’échanges aussi sincères que vigoureux (et rigoureux!) ce serait encore mieux… c’est indispensable!