Ceux qui me suivent par l’entremise de mon compte Twitter savent que depuis quelques jours, il m’arrive de relayer des nouvelles concernant l’initiative d’une jeune dame de La Rochelle en France, consécutive au suicide en décembre dernier de son père, chef d’entreprise. L’histoire est assez simple, mais franchement poignante:
«Ce mois-ci, 120 personnes ont perdu leur chef d’entreprise, et n’auront pas de salaires. Nous sommes en période de fêtes, et les gens ont dépensé un peu plus que d’habitude. La conjoncture que l’on traverse, ne va pas être favorable à ces 120 familles. Si 200 000 personnes font un don d’1€ symbolique, les salaires pourront être versés à 120 familles, pour vivre pour le mois prochain. J’en appelle à la solidarité française pour aider les 120 employés des Chantiers GAMELIN à recevoir leur paye.»
Ce message est extrait de l’introduction du groupe Facebook qu’elle a fondé au début de janvier. «Les gens ont travaillé au mois de décembre aux Chantiers Gamelin, ils méritent d’être payés, à tout le moins», pensent Fanny, la plus vielle (23 ans) des filles de Joël Gamelin. Depuis son appel à tous, les blogues s’enflamment et les grands médias ont aussi relayé la démarche qui ne cesse de grandir. Au départ, il faut dire que Facebook est le centre nerveux de la coordination des messages. Fanny rapporte au quotidien les montants amassés et plusieurs sections du groupe permettent aux internautes de poser des questions et de poster leur message d’espoir. Il arrive aussi que quelques sceptiques expriment leurs doléances, bien entendu…
Au moment d’écrire ces lignes, on approche le 60 000€, de façon assez surprenante parce que les montants ne grimpaient pas beaucoup en fin de semaine dernière; à chaque jour depuis peu, c’est un réel suspense pour moi d’aller lire son bilan vers 18h (ce qui correspond à minuit en France). Aujourd’hui, j’ai particulièrement été ému par un de ses messages rapportés à la une d’un quotidien:
« J’étais avec lui [son père] quand il a reçu un appel d’un collaborateur. Il lui a dit : “C’est mort. On ne pourra pas payer les salaires de décembre. Il faut fermer.“ Une compagnie maritime, qui avait passé une commande, venait de la différer. Mon père s’est mis à pleurer. C’était quelqu’un de très fort. Mais là il a craqué. Il m’a dit : “Qu’est-ce qu’ils vont faire mes employés ? Comment ils vont manger ? Il me faut 200 000 euros pour les payer. Plus personne ne veut me les prêter.“ Je n’avais jamais vu mon père comme ça. J’ai voulu l’emmener à l’hôpital, il a refusé. Il m’a dit qu’il allait rentrer chez lui. Il est allé aux chantiers et il s’est suicidé. Aux Chantiers Gamelin, qu’il avait fondés vingt ans plus tôt, en 1987, il a juste inscrit au tableau ces quelques mots à l’intention de ses employés : «Pardonnez-moi de ne pas avoir pu sauver l’entreprise.» A ses trois filles, Fanny, Manon (20 ans) et Elize (17 ans), il a laissé une lettre. Courte, mais forte.»
En cette période où la question des suicides de cadres d’entreprises semble faire l’actualité, j’ai hésité à écrire ici sur ce sujet. La vie est difficile pour bon nombre d’individus. Au niveau mondial, un conflit où il ne semble pas y avoir de fin devrait monopoliser toute l’empathie possible. Et des suicides, il y en a dans toutes les couches de la société; aucun n’est plus triste que l’autre. Cependant, je me dis que les élans de solidarité sont si rares… Il faut parcourir les témoignages contenus dans la page du groupe Facebook pour constater à quel point l’effort de Fanny Gamelin est particulier autant sur le fond que sur la forme…
Différents liens sur cette page permettent de se joindre à l’initiative. Rarement je publie ici des liens vers des sites caritatifs (je l’ai fait pour la Guignolée du Web aussi), mais je crois que ce projet inusité mérite toute l’attention dont il bénéficie.
Tags: "La vie la vie en société" LesExplorateursduWeb