«La Fédération autonome de l’enseignement dénonce l’utilisation de matériel pédagogique fourni par le club de hockey dans les écoles du Québec. Le syndicat, qui regroupe 27 000 enseignants de la région de Montréal, soutient que les fiches pédagogiques distribués [sic] dans les classes font la promotion d’une entreprise privée, alors que la publicité auprès des jeunes est interdite.» (source)
Parmi les raisons pour lesquelles on peut juger que du matériel pédagogique ne convient pas, il devrait y avoir en haut de la liste de critères le fait d’être mal construit, de ne pas respecter le programme de formation, de ne pas servir les apprentissages, de véhiculer des faussetés ou être contraire aux valeurs éducatives des institutions. Au Québec, souvent, certains syndicats invoquent que du matériel est inadéquat essentiellement parce qu’implicitement, il fait la promotion d’une entreprise privée. C’est le cas aujourd’hui, avec l’annonce que le Club de Hockey Canadien a produit des fiches pédagogiques en vue d’une utilisation au primaire pour apprendre le français, l’anglais ou les mathématiques.
J’ai assisté récemment à une activité ayant pour thème la persévérance scolaire et une des pistes de solution était justement de favoriser «les liens école/entreprise» parce qu’ils étaient jugés «importants» pour les jeunes et les enseignants. Avec une telle attitude devant tout ce qui vient du privé on comprendra davantage que ces mêmes entreprises se tiennent le plus loin possible des écoles.
Que le matériel n’ait pas vraiment été approuvé par le MELS (voir, au bas de cet article), qu’il n’ait pas été conçu par des enseignants (mais plutôt par cette firme en Ontario) ou qu’il ait été produit sous des conditions d’utilisation qui empêchent les enseignants de le modifier, ne semblent pas déranger ceux qui ont fait les manchettes aujourd’hui. Je suis plutôt d’accord, par contre, avec le fait que financer à la hauteur de 250 000$ cette production avec de l’argent public comporte un caractère assez particulier. Ce qu’une année de centenaire peut faire…
J’ai utilisé le mot «pathétique» aujourd’hui sur Twitter pour qualifier la dénonciation largement médiatisée. Je comprendrais qu’on se garde une petite gêne face à «l’entreprise du hockey» qui est souventparfaitement incapable de gérer un dossier comme celui des bagarres, mais la hargne contre «la méchante» entreprise privée en général… j’en ai un peu soupé!
D’ailleurs, si ce matériel est si épouvantable, pourquoi est-ce qu’aucun média n’a hyperlié sur le Web vers le site où on peut consulter le matériel?
Le Canadien peut contribuer à «améliorer la lecture chez les garçons»? C’est bien possible… avec le support et le professionnalisme des enseignants qui pourront prendre les précautions qui s’imposent pour ne pas indûment exposer les jeunes à de la pub trop facile.
Je ne sais pas si c’est suffisant pour légitimer l’utilisation par les profs de ce matériel que personne ne va leur enfoncer dans la gorge, mais l’argument de «la publicité interdite» auprès des jeunes ne m’impressionne pas beaucoup; «les jeunes n’ont pas accès directement au matériel préparé par le Canadien, destiné aux instituteurs», ajoute la ministre Courchesne, avec raison. Le Tricolore (les Canadiens de Montréal) fait partie de la culture de beaucoup de gens au Québec et ailleurs au Canada; je ne suis pas certain que les huées des syndiqués tiennent la route bien longtemps. Qu’on m’apporte des arguments pédagogiques et je serai rassuré des valeurs en cause.
N.B. D’autres opinions, celle de Jean-Pierre Proulx au RAEQ et celles des critiques des oppositions officielles à l’Assemblée nationale sur Cyberpresse!
Mise à jour du 14 février 2009: Ce matin encore, d’autres articles touchent au même sujet, «Les profs adorent ça», «Fausse controverse autour du Canadien» et «Le hockey pour stimuler la lecture».
Mise à jour du 15 février 2009: Impossible de passer sous silence l’excellente caricature de Beaudet publiée chez Rue Frontenac…
Via Jean Bernatchez
Bonjour,
en passant, je cite ce billet sur « L’événement sur le web« .
Sans même avoir vu ce matériel, je souhaite pour ma part que l’initiative de nos Canadiens d’associer financièrement le ministère de l’Éducation, des Loisirs et des SPORTS à la production de matériel pédagogique mis à la disposition des écoles fasse boule de neige. L’Orchestre symphonique de Montréal, par exemple, pourrait faire de même en obtenant des fonds pour créer du matériel faisant la promotion de la musique dite classique; le Mouvement Desjardins, pour initier nos jeunes à l’économie verte; Hydro Québec, sur les énergies nouvelles; etc. Bravo à Madame Courchesne pour son ouverture d’esprit; puisse-t-elle encourager d’autres initiatives privées du genre et ne pas se laisser intimider par les tenants du statu quo. Quant à la qualité pédagogique de ce genre de matériel, je fais totalement confiance aux professeurs eux-mêmes — plutôt qu’à leurs représentants et aux médias tonitruants — pour en juger et décider ou non s’il vaut d’être utilisé!
J’ai l’impression que plusieurs enseignantes et enseignants de la région de Montréal ne sont pas à l’aise avec le matériel développé par le club de hockey Les Canadiens, d’où la réaction de leur syndicat Je suis allé sur le site et on ne peut pas voir le matériel proposé pour pouvoir juger. Quoiqu’il en soit, si on accepte qu’une entreprise comme Le Canadien puisse développer du matériel pédagogique destiné aux enseignants, en plus sans l’imprimatur du MELS, comme pourra-t-on justifier de refuser l’entrée des McDonald de ce monde par cette porte. Je sais que la ligne n’est pas facile à tracer (sans jeu de mots 😉 mais il faut s’assurer de ne pas donner aux propriétaires du Canadien l’occasion d’une belle opération de relations publiques. Pas simple, vraiment pas simple.
Les droits d’utilisation sont en effet très contraignants et il y a un paragraphe qui me fait sourciller:
Ce site a été créé et est contrôlé par Canadiens@l’école sise dans la province de l’Ontario, au Canada, alors, les lois de la province de l’Ontario, de même que les lois fédérales du Canada s’appliquent, et régiront en cas de dénégation de ces conditions. Canadiens@l’école se réserve le droit d’apporter des changements à son site et à ces conditions en tout temps.
Petit addendum : l’entrevue avec Réjean Tremblay ce matin à l’émission Samedi et rien d’autre (Radio-Canada) fait drôlement réfléchir : «L’autre versant des Canadiens de Montréal: une histoire pas toujours glorieuse.» Tremblay trouve épouvantable qu’on ait donné des sous provenant de nos impôts à une entreprise qui fait de la business (le terme est choisi volontairement, le français étant relégué au second rang chez Le Canadien). Il en veut aussi à Pierre Curzi de n’avoir pas voulu mettre ses culottes, sans doute par crainte des réactions négatives des partisans du Canadien. Affaire à suivre…