«Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils auraient voulu, ils auraient dit un cheval plus rapide.» (Henry Ford)
Cette citation du fondateur de la «Ford Motor Company» met en relief certaines limites du paradigme de l’apprentissage en matière d’éducation. J’ai lu ce petit bijou chez Anders Sundelin dans un billet prospectif consacré à la variété des modèles d’affaires qui risquent d’émerger dans le secteur des journaux papiers, «Outlook for Newspaper publishing: Moving into multiple business models». Essentiellement, la modification du comportement des consommateurs d’information est telle que nous devons nous attendre à ce que le décalage dans les recettes publicitaires de l’imprimé vers le numérique augmente dans les prochaines années, entraînant un repositionnement des journaux vers un traitement de l’information plus fouillé et spécialisé. De cette façon, les journaux pourront peut-être exiger de leurs lecteurs un financement plus généreux que le 20% actuellement «consentis». Et je ne parle pas d’une certaine obligation qu’ont maintenant les salles de presse de tenir compte des lecteurs en tant que fournisseurs de contenus…
Je me souviens d’un gazouillis de Michel Dumais qui pointait vers un schéma tout ce qu’il y a de brillant sur le devenir de l’écosystème de l’industrie de l’information… plus d’importance que jamais dans le camp des utilisateurs. En matière d’éducation, ça reste vrai, mais à l’image de ce que M. Ford affirmait, il y a une limite à l’imagination de celui qu’on veut servir. Il a tendance à ne pas assez penser «out of the box»!
Je lisais ce billet de Jeff Utetch qui porte sur les programmes d’études où chaque étudiant dispose d’un ordinateur portable motivé par l’objectif de réduire au minimum la fracture numérique. Jeff se questionne sur la pertinence de se donner un rapport 1:1 dans ce contexte:
«The reason why a school goes 1:1 is to close the digital divide? Not for learning, not for allowing students to take advantage of the wealth of information on the net…but just to close the digital divide? Like any tool…before you launch it you need to know what you want to do with it. What do you want users to be able to do, what do you expect and do you have a system in place to support it.»
Je comprends bien les oppositions de ceux qui croient que la posture «centrée sur l’apprenant» prête flanc à certains abus, en éducation. Un enseignant formé pour transmettre des savoirs à qui on demande d’élargir son rôle à celui d’un éducateur préoccupé par la formation globale d’un individu peut tout à coup perdre complètement ses repères s’il comprend que son programme de formation devient secondaire devant les besoins exprimés par l’apprenant. Dans le contexte d’une approche davantage centrée sur celui qui apprend, on doit à tout prix éviter cette dérive de l’étudiant qui revendiquerait «un cheval qui va plus rapidement» ou «l’accès à un ordinateur en classe parce que c’est le dispositif de l’avenir».
Je reviens aux questions posées par Jeff à la fin de son billet «What’s the purpose of going 1:1»:
- What do you want students to do?
- What do teachers need to know?
- What resources are needed?
- How do we make it happen?
- Just do it!
Se «centrer sur l’apprenant» ne signifie pas devenir «esclave de ce que souhaite celui qui apprend», dans les limites de ce qu’il connaît. Le cheval le plus rapide… c’est souvent la bonne solution estimée pour un problème qui ne se pose plus ou pour répondre à des besoins qui peuvent avantageusement être comblés différemment.
Et si la solution ne se trouvait pas sous l’angle d’un cheval plus rapide, mais d’un autre dispositif qui n’est ni l’extension du cheval ou n’a l’ambition d’être plus rapide?
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