J’ai lu Martin Bélanger avec beaucoup d’attention et d’empathie ce matin. Son billet «La victoire de l’inertie» témoigne d’un certain découragement, en apparence, mais révèle surtout un certain sentiment d’isolement.
«La masse critique de ceux qui sont prêts à “refaire le monde” de la pédagogie est trop petite.»
Martin est un prof qui travaille pourtant dans un des projets pédagogiques les plus ouverts qu’il y ait à l’école secondaire, mais il semble se sentir rattrapé par le peu d’ouverture au questionnement et aux remises en question des pratiques évaluatives «douteuses» et inconséquentes d’un programme «par compétence». Comme le mentionne Éric Delcroix dans un billet qui n’a pas été écrit pour faire écho à celui de Martin, on en vient souvent à développer une sorte d’écoeurite aigüe de «la politique du moins pire»!
Sur un autre front, c’est la tension chez les directeurs d’école qui préoccupe. Depuis quelques semaines, la FQDE est dans une sorte de croisade qui vise à dénoncer l’ampleur de la bureaucratie qui les empêche carrément de pouvoir privilégier leur travail de leader pédagogique auprès des profs et des élèves. Ce matin, la diffusion d’une étude du département d’administration et de fondement de l’éducation de l’Université de Montréal vient donner de l’eau au moulin de Chantal Longpré qui discutait de la situation précaire des directions cette semaine avec Benoît Dutrisac. Ce passage du document, signé par Emmanuel Poirel (doctorant en psychopédagogie), me paraît être représentatif de ce que j’observe sur «le terrain», à savoir que la profession est sous haute tension et que la marge de manœuvre déjà étroite est rétrécie par les contraintes administratives qui viennent souvent d’en haut sous le prétexte de la reddition de comptes, mais en réalité, qui président d’une lourdeur administrative chronique:
«Si les contraintes administratives apparaissaient comme la principale, en tant que construit conceptuel, on s’aperçoit que l’analyse des statistiques descriptives permet de compléter et de nuancer ce premier constat : l’activité des directions est composée de tensions entre ce qu’elles souhaiteraient faire et une série d’interruptions (téléphone, personnel), d’incidents (conflits), de contraintes (règlements, documents et délais administratifs) ou d’absence de ressources informationnelles qui les empêchent d’agir.»
J’aime bien ce tableau de la page 10:
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À ce stade de mon avant-midi, compte tenu qu’il fait beau dehors et que nous sommes dimanche, je suis sorti à l’extérieur. Au moment de revenir, je me suis rappelé que j’avais une vidéo à regarder qui ne monte jamais dans ma liste de «to-do», parce qu’elle ne réussit pas à déloger les autres priorités…
On comprendra mieux le titre de mon billet après l’avoir regardé. Le concept des «tribes» de l’auteur Seth Godin est abondemment cité par les blogueurs en marketing, mais il ne semble pas beaucoup attirer les gens en éducation. Tout à coup, je me suis à penser au billet que je venais à peine d’écrire sur les communautés; difficile de ne pas faire le lien avec les enseignements de M. Godin…
Nous racontons souvent comment la période actuelle axée sur la lutte au décrochage scolaire et le questionnement de nos pratiques à la lumière de ce que nous savons sur les natifs du numérique représentent un gros défi. Dans le contexte de ce que je soulevais au début de ce billet, il convient d’envisager toutes les solutions qui pourront contribuer à briser l’isolement dont souffre trop d’intervenants dans le monde scolaire. Raconter ce qui nous occupe, c’est bien, mais comme le dit Seth, il faut aussi apprendre à mieux s’interconnecter pour augmenter nos échanges et s’engager à fond dans les changements à faire. La troisième étape qui nous attend consistera en la création d’effets de levier qui permettront d’impliquer les gens de l’extérieur de notre domaine. J’aime bien ce résumé des principes de l’auteur de Tribes.
Pour le moment, nous n’en sommes probablement qu’à l’étape de l’interconnexion entre les membres de la «masse critique» dont parlait Martin Bélanger. Il faut augmenter le nombre de ces personnes qui n’ont pas besoin d’avoir tout en commun, mais qui croient aux vertus de l’échange et du partage en plus de refuser le statu quo et la nostalgie de l’école où tout le monde doit apprendre les mêmes choses en même temps à la même vitesse. De fait, nous n’avons pas besoin d’être des milliers avant de pouvoir provoquer les changements escomptés pour se «guérir» de l’école d’hier qui créé trop souvent le décrochage d’aujourd’hui. Il nous faut seulement mieux s’organiser et se regrouper avec des réseaux constitués d’éducateurs qui utilisent les moyens modernes de communiquer. Les actions futures doivent-ils passer par les associations professionnelles, les syndicats, les représentants des divers acteurs de l’école (parents, cadres, etc.) ou les politiciens? Probablement… mais il faudra peut-être accepter de ne plus attendre après ces groupes dont l’inertie des uns explique peut-être l’inertie des autres.
Comme je l’écrivais chez Martin (avant de voir la vidéo de Seth Godin), «l’inertie a peut-être remporté une bataille, on pourrait le «concéder». Mais s’il y a une guerre, l’inertie ne l’a pas remportée.»
«Je ne me considère pas en guerre parce que j’ai peine à identifier contre « qui » je « me battrais », mais je travaille à augmenter la masse critique dont tu parles. Sur ce front, je trouve que ça ne va pas trop mal. Déjà, il faut veiller à développer nos solidarités entre tous ceux qui offrent un espace (quel qu’il soit) pour « faire différemment ».»
Je suggère qu’il en soit question à Clair 2010!
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C’est un peu dans ce sens (créer une masse critique ou encourager l’adhésion à la tribu) que je travaille depuis presque 1 an maintenant lorsque j’aborde mon module sur le Web 2.0 et que je leur parle de se réseauter et de se créer un environnement d’apprentissage personnaliser. En 2009, il m’apparaît essentiel de connecter le maximum de futurs enseignants à l’Édublogosphère. Il y a dans ces rangs un paquets de gens qui me semblent plus susceptibles d’inspirer les jeunes et de les guider. J’ai cru remarquer que l’on retrouve dans l’Édublogosphère un plus grand pourcentage de personnes motivées, prêtes à changer et susceptibles d’encourager les jeunes à combattre l’immobilisme.
Je crois que la tribu existe et qu’elle se construit. Plusieurs des jeunes que je croise quotidiennement à l’université sont prêts pour un changement.
Je trouve ce billet très à propos M. Asselin. J’ai connecté à cet article via le site de microblogging Twitter et je me permets d’apporter ma vision du sujet (beauté du web 2.0).
Je suis la preuve vivante que les réseaux sociaux ou «tribus» peuvent devenir un moteur de motivation, car ils créent un espace où l’on est libre de penser, libre d’échanger des outils pour mieux s’investir et agir en tant qu’agent de changement dans son milieu scolaire.
Simplement pour se remettre en contexte, j’ai publié sur Twitter, il y de cela quelques semaines, un éditorial écrit pour l’Infobourg (http://www.infobourg.qc.ca/sections/editorial/editorial.php?id=13987). Cet article a été le point de départ à la création d’un petit réseau d’intervenants du milieu de l’éducation et du milieu journalistique. Jamais je ne me suis sentie aussi appuyée et curieusement les membres de cette «tribu» sont pour la plupart à plus de 200 km de chez moi… Cette distance physique n’amoindrit en rien la force des idées partagées. L’isolement a été brisé et cela plus d’un an après la parution de ma lettre. Cela a eu pour effet spontané de raviver mon désir de faire évoluer les pratiques intégrant les TIC au primaire. Pas facile de faire avancer les choses sans se décourager quand on se sent souvent seule (1er cycle du primaire!) et que des bâtons sont mis par dizaines dans nos roues!
Comme dans la présentation de Seth Godin, un mouvement est créé à partir d’une histoire, des gens de différents milieux se réunissent autour d’une même passion, s’informent, se questionnent, se lancent des défis, interpellent une culture commune, se réunissent virtuellement et se rencontrent en personne dans des colloques, des conférences, des formations. Alors, oui selon moi il est possible de créer des «tribus» autour de leaders charismatiques et articulés! Et pour se faire, il est essentiel de mieux faire connaître les possibilités du réseautage dans l’éducation. La force du nombre prendra alors tout son sens. Un simple clic sur «Follow me» peut nous mener loin…
Justement, Catherine, à la suite d’un imbroglio « local » dans mon milieu de travail cette semaine, imbroglio causé par une interprétation loufoque et autres fabulations spectaculaires à partir d’un truc que je n’ai jamais dit (en plus, tsé…), j’ai écrit sur Twitter une phrase du genre : pourquoi la collaboration n’est-elle possible qu’à distance et pas avec des gens plus près de nous, dans notre propre école ?
Ce à quoi André Roux m’a répondu : les collaborations, ça nait par affinités, et ça n’a souvent rien à voir avec les distances !!!
Ça m’a fait réfléchir …
Que j’envie la qualité des commentaires sur ton blogue, Mario!
Oui, les moteurs humains de changement qui sont « socialement activés » sur le Web représentent présentement beaucoup moins que 1%, je dirais, du personnel des organisations (que ce soient des écoles, des hôpitaux, des entreprises, etc.).
Or, à cause de la facilité d’afficher ses intérêts et d’être trouvé en ligne, paradoxalement, il est donc désormais beaucoup plus facile de trouver des « âmes soeurs » en dehors qu’à l’intérieur de sa propre organisation!
Même s’il y a quelqu’un qui partage nos vues seulement trois bureaux plus loin, on ne le saura pas nécessairement, surtout si le milieu physique ou l’organisation du travail ne facilite pas les conversations fréquentes.
Alors, de grâce, si vous lisez ce commentaire et que vous n’êtes pas encore virtuellement « sorti du placard », manifestez-vous, c’est le moment!