Mise en garde: Ce document fait partie d’un dossier complet produit dans le contexte du colloque «Contenus numériques» se tenant les 4 et 5 février 2010 pour le réseau de l’Université du Québec.
Tous les gestionnaires sont préoccupés par la problématique de l’intégration des TIC aux apprentissages. Certains privilégient une approche « objet technologique »: on introduit en masse des ordinateurs portables ou des Tableaux Blancs Interactifs (TBI) et on fait le pari que ce « geste levier » va bien faire le travail qui consiste à changer les pratiques pour mieux faire apprendre. D’autres privilégieront l’approche portail ou Environnement Numérique de Travail (ENT): on introduit un dispositif technologique (à la manière de ceux que les banques mettent à notre disposition par lequel on peut avoir accès à des services personnalisés, mais pédagogiques, dans le cadre d’une institution scolaire) qui fournit «à chaque utilisateur (enseignant, élève, administratif, technicien, mais aussi parent, intervenant extérieur…) un point d’accès unifié avec authentification unique (SSO), «login/mot de passe», à l’ensemble des outils, contenus et services numériques en rapport avec son activité»
Le plus grand paradoxe résultant de ces efforts à introduire la technologie à l’école réside dans le fait que la fracture numérique subsiste encore, après quinze ans de ce régime. Trois vagues successives d’autant de définitions de la fracture numérique seront suivies par une quatrième qui s’impose actuellement. Patrick Giroux (2009), professeur à l’UQAC a probablement raison de demander «aurait-on trop privilégié les ustensiles plutôt que le contenu et la formation?» Technocentriste, nous aurions vécu une première phase liée à l’accès aux TIC et ensuite aux usages. Ensuite, une troisième est liée aux écarts dans les compétences à les utiliser. À venir, peut-être, une fracture davantage liée aux types de réseaux sociaux auxquels on s’identifierait!
Même si l’approche axée sur les ressources et le développement de compétences donne certains résultats, je privilégie largement celle qui consiste à favoriser la publication Web et le réseautage social: en gros, elle consiste à mettre à la disposition de la communauté éducative des outils pour produire et échanger du contenu dans une perspective où le levier devient le travail en communauté d’apprentissage. La conversation Web et la coconstruction est au coeur des nouvelles pratiques des apprenants à ce moment. Une école tient un site Web de classe, par exemple, sous forme de blogue, où l’enseignant publie ses consignes et va même jusqu’à diffuser le contenu des exercices à faire. Dans certaines écoles, on va jusqu’à fournir à chaque élève un site du même genre, un blogue, où il publie ses travaux et ses réflexions. Le dispositif de blogue prévoyant un endroit pour faire des commentaires, les parents, les copains ou le professeur utilise le site pour échanger sur les apprentissages réalisés, en public, où s’ajoute les internautes qui surgissent par un lien référé d’un moteur de recherche qui a indexé le contenu produit par l’apprenant. N’est-ce pas motivant de faire son travail pour tout un groupe de personnes plutôt que pour un enseignant, seulement?
La simple prise de notes peut devenir «sociale», on l’a vue avec Twitter, un outil de microblogging. L’indexation en provenance des moteurs de recherche et l’apparition des fils RSS ont fait en sorte que les gens se sont mis à réaliser qu’ils pouvaient devenir de véritables producteurs de contenus et qu’ainsi, ils favorisaient des apprentissages encore mieux intégrés. Pour objectiver ses apprentissages autant que pour partager une trouvaille (et des notes de cours) ou débuter la construction de son patrimoine d’apprentissage, les blogues, qu’ils soient utilisés en tant que dispositifs de portfolios numériques ou de simples carnets de bord, offrent à l’apprenant de grandes possibilités. Le portfolio numérique, entre autres, accueille autant les traces du processus d’apprentissage que les travaux qui deviennent le témoin des apprentissages réalisés. Les murs de la classe tombent! L’interactivité qui est coeur de la dynamique des blogues (et des natifs du numérique) devient un levier de promotion du «conflit sociocognitif» (Lestage 2008). La pratique des blogues en milieu scolaire (primaire et secondaire) étant «vieille» de sept ou huit ans, quelques retours d’expériences sont maintenant accessibles.
Charles-Antoine Bachand (2009) élabore davantage dans un dossier qui porte sur les blogues en tant que thématiques particulières reliées à l’intégration des TIC en enseignement collégial. Il explique d’abord ce qu’est un blogue :
«Chaque billet ajouté au blogue est généralement composé d’un texte, d’images, de vidéos, d’enregistrements sonores ou d’hyperliens. Pourtant, ce qui fait d’un journal Internet un blogue, c’est la possibilité qu’il offre aux lecteurs de commenter les billets de l’auteur à même la page Internet. Ainsi, ce qui différencie le blogue du site Internet plus traditionnel, c’est justement son dynamisme et son interactivité. L’auteur y apporte régulièrement des modifications en publiant de nouveaux billets et le lecteur peut y ajouter les réflexions que lui font naître ceux-ci.»
Les blogues peuvent servir de «puissants leviers pour faire apprendre» quand ils sont utilisés comme des dispositifs de partage et de réflexion, tels des portfolios numériques d’apprentissage. Surtout, en milieu minoritaire, ils peuvent devenir «un moyen pour améliorer les résultats en littératie» (Manzerolle 2009). Ils contribuent à «abattre les murs de l’école», comme en font foi deux expériences à succès entreprises au début des années 2000; celle de l’Institut St-Joseph au Québec et celle du Centre d’Apprentissage du Haut-Madawaska, au Nouveau-Brunswick.
Au-delà de la dynamique des blogues, les systèmes de gestion de contenu de type wiki (des dispositifs avec lesquels on peut facilement produire et gérer du contenu en vue de le diffuser sur Internet) sont aussi au coeur de la nouvelle dynamique des apprenants. Certes, le site phare le plus évocateur de la puissance subversive des wikis est celui du projet Wikipédia qui regroupe dans chacune de 22 langues différentes (sur plus d’une centaine) plus de 100 000 articles construits par les utilisateurs-internautes à même les pages Web du moteur de la Fondation Wikimédia. Peut-on se fier à du contenu publié sur ce site où le dernier internaute de passage peut avoir modifié la page Web? Patrice Létourneau (2005) a regroupé plusieurs études qui valent la peine d’être consultées, en réponse à cette question. Si on s’entend généralement pour dire qu’il y a un risque de citer sans mise en contexte « l’encyclopédie » Wikipédia, les experts sont nombreux à dire que c’est le lieu par excellence pour y débuter une recherche… Et après, on dira que Wikipédia n’a rien à faire dans nos établissements d’éducation?
Le wiki permet un travail « à plusieurs mains » et possède des applications «cousines», Google Doc et Google Wave qui permet en synchrone (en temps réel, donc, «proche parent» du wiki qui lui, ne permet que le travail «les uns après les autres»), de travailler sur le même document tout en étant à distance les uns des autres.
Apprendre à échanger des points de vue divergents devient encore ici l’une des clés de ce monde où s’affirmer est souvent bien plus utile que de « rentrer dans les rangs »! Pas étonnant que les expériences de coconstruction au niveau des enseignants soient si rares d’un point de vue institutionnel. Deux expériences récentes pourraient faire en sorte que les modèles de travail « en silos » (chacun de son côté) jusqu’ici privilégiées laissent la place à des approches plus intégrées où c’est le projet qui est valorisé et non la contribution des individus.
On parle ici de Sésamath d’abord. En partenariat avec le Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de Lille, « la première activité de Sésamath a été de fédérer différents lieux d’échanges pour créer des espaces plus fournis et plus visibles où chacun pouvait déposer ses productions, offrant ainsi la possibilité aux professeurs de disposer de ressources numériques modifiables qu’ils peuvent utiliser et adapter à leur guise en classe.» Production de manuels scolaires libres de droit qui se vendent très bien, expérience réussie de mise en commun de ressources pédagogiques pour l’enseignement des mathématiques, ce projet (et cette association) démontre ici encore que c’est par la formation d’une vaste communauté de pratiques qu’il devient possible d’imaginer, de concevoir, d’échanger, de critiquer et de créer ensemble, tout en demeurant centré sur un objectif commun.
Au Québec, une communauté d’enseignants prend forme doucement par l’entremise d’un cours obligatoire à partir de 2010-2011 en cinquième secondaire, le projet intégrateur. Disposant d’un site Web «de type 2.0», la plate-forme aménagée à partir du code source de BuddyPress est aussi composée d’un assemblage de blogues (WordPress MU), de forums (BBPress) et de profils utilisateurs. En ce moment, puisque le cours n’est pas encore obligatoire, quelques 600 enseignants partagent des stratégies à partir des expériences d’enseignement du programme conçu et approuvé par le MELS. Certains d’entre eux utilisent les dispositifs de publication Web (de type blogue) pour leurs élèves dans une vingtaine de classes différentes, dans une logique de portfolio numérique ou autrement. À terme, la communauté «s’enrichira», potentiellement, de plus de 100 000 membres, élèves.
Toute la publication Web est consultable par les membres (jeunes et adultes) de la communauté à l’adresse www.projetintegrateur.qc.ca.
On le voit, par les blogues autant que par les wikis, le phénomène de la publication Web prend de plus en plus d’ampleur dans le milieu scolaire et la dichotomie entre les usages chez les jeunes de la génération C, hors de l’école et dans l’école pourra peut-être s’amenuiser dans un avenir prochain.
Tags: "Administration scolaire" "Contenu numerique UQ" "Pédagogie et nouvelles technologies" LesExplorateursduWeb Partageons le savoir
Je suis très content de participer à une organisation apprenante via le cours de communication com1500G.
Ce dernier qui traite du réseautage et du web 2.0 fort intéressant, d’où je crois qu’il serait très bénéfique dans mon cheminement autant éducatif, professionnel que personnel. Initier les élèves du secondaire est nécessaire à leurs développements éducatifs, car cette génération C de ce futur cyber monde seront les prochaines à la création d’un Web 3.0,4.0… peut-être??
Il serait sans doute obligatoire au primaire un jour, comme l’anglais comme langue seconde! Vive la révolution instructive..
[…] statistique (22 langues ont plus de 100 000 articles dans WP) vient de ce billet sur mon blogue que j’ai écrit dans le contexte de l’élaboration d’un vaste […]