«Voilà qu’après tant d’efforts pour comprendre et assimiler une réforme qui se voulait une réponse au changement, vous souhaitez cavalièrement la saborder. Je pourrais vous traiter de démagogue à visées électoralistes et vous accuser de vous faire (enfin! diront certains) la porte-parole de tous ceux qui l’ont décriée, mais ce serait trop facile et méprisant. Laissez-moi plutôt vous expliquer pourquoi je refuse catégoriquement « d’avancer en arrière ».»
C’est un extrait d’une lettre à la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne écrite par une professeure de français en 4e secondaire qui a paru au Devoir, la semaine dernière. Une lettre que plusieurs ont appréciée, tellement que nous sommes une bonne dizaine à lui avoir offert des fleurs de reconnaissance! Quelques-uns ont commenté avec brio, d’autres ont relayé la lettre sur Twitter. J’aime beaucoup l’idée que de nouveaux intervenants prennent la parole en public, animés du désir de partager leurs convictions. Dommage que ça soit en opposition à une ministre de l’Éducation…
On sent bien que Mme Courchesne est sur la fin de son mandat. En lisant cet article publié sur CentPapier, je me suis dit que «le travail» était déjà avancé et que bientôt, il serait temps pour cette politicienne d’expérience de passer à autre chose. L’article évoque l’existence «d’une « commande » émanant du bureau de la ministre» qui trace les contours de la «progression des apprentissages», «un outil permettant aux enseignants de savoir quand, « »mois après mois », ils doivent aborder les contenus et de savoir également jusqu’où ces contenus devaient être approfondis»…
«Cependant, après analyse, il apparaît très clairement que ce document entretient des ambitions fort différentes de celles qui avaient été annoncées initialement. Il est apparu à moi-même et à tous mes collègues alors présents qu’en réalité, ce document était profondément maladroit et surtout très dangereux pour le monde de l’éducation secondaire et mettait en péril la réalisation de la mission même de l’école et ce qu’on soit pour ou contre la réforme de l’éducation.»
Ça sent la fin de mandat…
Surtout quand on lit un article comme celui paru sur Cyberpresse ce soir, où on apprend que la ministre aurait invoqué de faux prétextes pour justifier des modifications au calendrier scolaire.
Je l’ai déjà écrit, «les esclandres sur les bulletins ou sur la réforme et ses fondements», je suis capable de vivre avec; je travaille fort me concentrer sur autres choses de plus important.
Ce qui me désole au plus haut point par contre, c’est que la ministre de l’Éducation risque de laisser à son départ un réseau et des personnes plus divisés que jamais sur un grand nombre de sujets.
Qu’une ministre n’agisse pas en «rassembleur» sur une question aussi fondamentale que ce qui est à enseigner dans les écoles, c’est un problème. Mais qu’elle s’emploie à modifier un régime pédagogique pour un très petit nombre dans un gouvernement qui a déjà trébuché avant aujourd’hui sur cette question des écoles juives, c’est franchement indécent. Du moment où j’ai lu que le lobbyiste embauché en juin par la communauté hassidique était un militant actif et de longue date du Parti libéral, je me suis demandé où on s’en allait dans ce dossier. Maintenant que la situation devient plus claire sur les motifs réels (et peut-être plus acceptables s’ils n’avaient pas été camouflés) d’un régime où il devient possible de faire l’école à longueur de semaine ou d’année, je ne vois pas comment notre ministre pourra rester au-dessus de la mêlée au moment où elle annoncera ses prochaines mesures visant à consacrer pour de bon le retour en arrière, du moins dans la perception d’un nombre grandissant d’enseignants et d’intervenants.
Il n’y a pas que du mauvais dans le fait de vouloir l’inclusion de la vision syndicale-FAE dans la façon de se comporter en classe avec les élèves et le Programme de formation de l’école québécoise. Mais sous le leadership d’une ministre plus affaiblie que jamais, je ne donne pas cher du climat scolaire sur ces questions dans les prochains mois.
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« Je pourrais vous traiter de démagogue à visées électoralistes et vous accuser de vous faire (enfin! diront certains) la porte-parole de tous ceux qui l’ont décriée, mais ce serait trop facile et méprisant »
Dire ce qu’on ne va pas dire…c’est le dire quand même. Et c’est ordinaire. Fin de l’éditorial.
Tu parles d’un réseau qui se retrouve divisé. Bien sûr que le réseau est divisé. Il l’a toujours été et ce n’est pas demain que ça arrêtera. Mais au fait, il est divisé sur quoi ? Sur les façons de faire ? Les approches ? Mais quoi faire, comment le faire, ça appartient aux enseignants ça, non ? En quoi est-ce que ça c’est changé ?
Ce qui s’installe, ce qui change, c’est l’importance qu’on accorde aux résultats. L’importance de se donner des objectifs clairs, des indicateurs et des cibles qui sont bien compris. Pierre Collerette appelle ça de la gestion par résultats. Une bonne affaire. On s’est tellement pas préoccupé de ça ces dernières années. Tu sais quoi, c’est une bonne idée cette affaire-là, parce que ça consiste à donner aux gens des cibles à atteindre et à leur donner de la marge, beaucoup de marge pour choisir la façon de les atteindre. On pourra continuer à être divisé sur les approches, mais on aura pas le choix de se serrer les coudes autour des mêmes cibles.
Là-dedans, tu en conviendras, Michelle Courchesne est allée beaucoup plus loin qu’un François Legault. Et va forcer le réseau à aller vers des approches plus efficaces, à s’appuyer sur des choses un peu plus soutenues par de la recherche solide. Des façons de faire pour faire réussir plus d’élèves qui viennent de milieux défavorisés ou qui ont de la difficuté à apprendre. Des approches qui supportent mieux l’idée de justice sociale , d’équité et d’inclusion.
Michelle Courchesne a fixé cinq grands buts au réseau et proposé 13 voies d’action. Et tout cela est on ne peut plus clair. Chaque commission scolaire du Québec devra signifier à la ministre d’ici le 30 juin prochain, à quelle hauteur elles contribueront à la réalisation de ces objectifs. Ça, ça risque de changer des choses. Pas mal plus que les modifications proposées au régime pédagogique, lesquelles, sur le fond, ne bousculeront pas grand chose dans les écoles.
En effet, nous sommes divisés. Je crois que nous le sommes comme enseignants dès que nous parlons de pédagogie différenciée, d’approches pédagogiques, de TIC, etc. Est-ce que ce sont 13 voies d’actions qui feront de nous des enseignantes et des enseignants plus unis ? Impossible. Ce n’est pas comme cela que l’on a un effet rassembleur. C’est vraiment triste mais tout ce qu’il y avait de bon dans ces nombreux changements en éducation sont morts et maintenant que les cendres seront dispersées, et je suis d’accord avec M.Asselin, nous aurons un ou une nouvelle ministre de l’éducation.
Et comment seront mesurés l’atteinte de ces objectifs ? J’ai l’impression que les services éducatifs des CS seront débordés en septembre, pour ne pas parler des directions et directions-adjointes. Est-ce moi ou j’ai l’impression qu’il y a une corrélation entre ces mesures et la création d’un ordre professionnel ? Je trouve que ça sent très mauvais.
Je me questionne à l’occasion si la solution ne serait pas d’avoir une enseignante ou un enseignant à la tête de l’éducation au Québec ?
Ce qui est en train de re-changer Marc? Un retour à un enseignement décontextualisé. Un frein dans la migration vers le paradigme de l’apprentissage. On cessera de vouloir se soucier de ce que les jeunes vont savoir faire avec les connaissances qu’on leur pousse puisque les compétences risque de prendre le bord. Enfin… j’espère me tromper… un retour en force du gavage.
Pour ce qui est de «l’importance qu’on accorde aux résultats», je ne suis pas contre. J’en conviens, «Michelle Courchesne est allée beaucoup plus loin qu’un François Legault».
Je le répète, le réseau risque de voir ses acteurs plus divisés que jamais avant. Affirmer qu’il «l’a toujours été et [que] ce n’est pas demain que ça arrêtera», n’est pas un argument Marc parce qu’en ce moment, le nombre de gens «satisfaits» de ce qui se passe a rarement été aussi bas…
C’est ce qui me désole, non pas le fait que Mme Courchesne ait fait quelques bons coups dont on devra attendre pour en vérifier la portée. Les sources de divisions sont devenus légions. «Privé vs public», «pro vs anti réforme», «bulletin unique vs bulletin variable», «évaluation critériée vs évaluation normative», «centralisation vs décentralisation» et j’en passe…
Mais qui sait, «ce qui appartient aux enseignants» va-t-il nous sauver…
Mario,
Le spectre que tu brandis est cellui du retour à un enseignement dit « traditionnel ». Toi comme moi on sait que ça ne fonctionne pas pour pas mal d’élèves. Moi je dis que pour développer les compétences de nos jeunes, il faut passer par un enseignement qui s’appuie sur des résulats de recherche solides. Or actuellement, de ce côté-là, toutes les aiguilles des boussoles pointent vers l’enseignement explicite et l’enseignement réciproque. Des voies, tu l’avoueras ,qui n’ont pas été privilégiées à l’époque et que dans certains milieux on a démonisées en les associant justement à de l’enseignement traditionnel, ce qui est totalement erronné.
Je peux te dire que chez moi, les gens ne sont pas démobilisés. Pourquoi ? Parce qu’on a un projet collectif. Parce qu’on s’est donné un référentiel pédagogique qui s’appuie sur la recherche. Parce qu’on s’associe à des chercheurs qui viennent former nos gens chez nous sur ce qui fonctionne: premiers apprentissages en lecture, enseignement explicite, modèle de réponse à l’ntervention, intervention à trois niveaux, interventions intensives, enseignement réciproque. On travaille avec des Monique Brodeur, des Line Laplante, des Steve Bissonnette, des Égide Royer, des Éric Dion, des Pierre Collerette.
Et sais-tu quoi, on n’est même pas délinquant… On a fait des choix. des choix qu’on a le droit de faire. Des choix qui vont nous permettre de mieux développer les compétences de tous nos élèves, jeunes et adultes. Parce que c’est notre mission.
Mais vois-tu, je peux comprendre que des gens se sentent sans projet. Divisés. remis en question, hantés par le spectre d’un retour à un enseignement traditionnel. Quand tu sais plus trop où aller ou qui suivre, c’est sûr que le vent a jamais l’air de souffler du bon bord pis que le puck a jamais l’air de rouler pour toi. Tu sais, tant qu’on va penser que tout ce qui nous arrive c’est la faute à la ministre, on se menotte. Pas facile d’agir quand on est convaincu que les causes sont externes et que notre sort ne dépend pas des décisions qu’on peut prendre.
@ Marc St-Pierre,
Je ne suis pas pour ma part un didacticien, donc plutôt mal connaissant des méthodes d’enseignement. ET je suis arrivé tard à l’enseignement (universitaire au surplus) et je viens d’en sortir.
C’est pourquoi, je suis curieux de savoir ce qu’est « l’enseignement explicite et réciproque » et surtout de savoir pourquoi, si on a enfin trouvé la voie vers la réussite, pourquoi ce n’est pas davantage connu.
Cela dit, je suis heureux que l’on « pointe » avec considération vers les chercheurs universitaires puisque j’ai fait partie de la confrérie. Je sais cependant, à cause de cela, que les chercheurs eux-mêmes appartiennent à différentes écoles de pensée et qu’en didactique ou en psychopédagogie, ils se chicanent entre eux fort souvent!
Je sais aussi que sur les blogues de droite, les chercheurs universitaires sont (avec les fonctionnaires) voués en bloc au gémonie.
Se pose donc la question du pluralisme pédagogique. Aussi, j’aime bien le commentaire de Marc qui écrit: « On a fait des choix ». C’est effectivement la seule chose à faire.
J’espère de tout coeur que lui et son équipe ont fait le bon. J’ai hâte qu’il nous en présente les résultats.
Marc, j’aime beaucoup l’idée que les gens chez vous ne soient pas «démobilisés», qu’ils soient «en projet», engagés collectivement et responsables de leurs choix.
Quand j’entends ces jours-ci (chez Arcand, par exemple) que la ministre est heureuse de dire qu’on revient «au bon vieux système», je me dis qu’il n’y aura que les équipes écoles cohésives qui seront capables de «passer» cette période de turbulence.
Si le retour à un meilleur équilibre dans les pratiques pédagogiques passe par un recours à l’enseignement explicite, on n’aura pas tout perdu. L’essentiel demeure que les enseignants ne cessent pas de se poser des questions sur «comment chaque jeune apprend» et sur ça, on a encore beaucoup de travail à faire.
Toi, moi, Jean-Pierre et plusieurs autres savons que le retour «au bon vieux système» est un leurre.
De la création du cours secondaire public, au milieu des années « 50, jusqu’à la récente plate-forme pédagogique proposée par la FAE, tout, à chaque fois, a été critiqué vertement. Et chaque fois il y a eu quelqu’un pour s’ennuyer du bon vieux système. Mais franchement, c’était en quelle année ça le bon vieux système ? À quelle époque ? Avec qui ? Moi, je veux des noms !!!
Je suis sûr que si on fouillait dans les archives, on finirait par trouver des critiques sur la façon dont Mère Marguerite Bourgeois menait la première école de Ville-Marie. Et qu’il se trouvait des gens dans ce temps là aussi pour s’ennuyer « du bon vieux temps ».
La seule véritable expérience qu’on a de l’école, c’est celle qu’on a connue quand on était écolier. Cette école-là, on l’a collé à la peau. Elle nous suit toute la vie. On part toujours de là. Quitter l’école qui a bercé notre enfance et la classe de Mme Bilodeau pour aller vers des approches (rationnelles) qui s’appuient sur des résultats de recherche, c’est peut-être ça passer à l’âge adulte.