Je sais. Je ne possède aucune autorité particulière qui m’autorise à une proposition crédible sur ce sujet de la crise des médias. En fait, je n’ai que celle de mon lectorat… Je considère que c’est bien peu, mais suffisant!
Je ne formulerai pas ici, aujourd’hui, de proposition formelle. Je lis beaucoup et je suis fasciné par le nombre de fois où on me demande mon opinion sur le sujet. Il faut croire que plusieurs de mes mandats tournent autour de cette problématique puisque de semaine en semaine, je côtoie des gens qui tentent d’anticiper le nouveau modèle d’affaires à inventer. Invariablement, les mêmes principes reviennent sur la table. Ils sont formulés à mon goût sur ce billet (et les commentaires) de Bruno Boutot, «La gratuité des médias sur Internet vaut de l’or». Un extrait du commentaire de Yves Williams:
«La crise actuelle n’est selon moi, pas tant dans la gratuité mais dans l’éclatement de cette « relation privilégiée » dont les médias avaient le monopole. L’essentiel du modèle d’affaires des médias avant Internet, reposait sur le quasi monopole qu’ils détenaient pour entrer « en relation » largement, facilement et rapidement avec une grande partie de la population. Avec Internet, c’est tout le « marché » de cette « mise en relation » qui est bouleversé. Les médias voient se dissoudre leur monopole; leur modèle éclate. L’issue à la crise des médias doit donc passer par la consolidation d’un nouveau modèle d’affaire. Il serait surprenant que cette consolidation se fasse encore autour « de la relation » avec leurs lecteurs/auditeurs; à moins qu’au prix d’une grande imagination, ils ne réussissent à construire une « relation renouvelée » dont ils seraient le dépositaire privilégié.»
Je lisais un édito de Mario Roy sur Cyberpresse cette semaine et je me disais qu’on est loin de la coupe aux lèvres. Dans un commentaire que je lui adressais je questionnais «son lead»:
«Devrait-on comprendre que nous devrions nous sentir « coupable » de « consommer » gratuitement de l’info sur Internet?»
C’est l’impression que me donne beaucoup de journalistes, maintenant qu’ils se voient « obligés » d’envisager «la création d’un lien social avec leurs usagers» qui pourrait constituer la pierre d’assise de la fondation d’une vraie communauté.
C’est un peu la même chose en politique. Je remarquais cette semaine jusqu’à quel point la plupart des politiciens formule leurs propositions en faisant abstraction du lien social qu’ils ont à initier et maintenir avec les gens en compagnie de qui ils veulent « faire » et « construire ». Je prends à témoin la dernière offre en date de cette semaine, «Le Québec noir sur blanc», l’exacte reproduction du programme de Éric Caire au moment où il était candidat à la chefferie de l’ADQ (programme déjà disparu du Web, d’ailleurs). Il a eu beau perdre une course au leadership, démissionner du parti dont il convoitait la direction et se réfugier dans une alliance à deux députés, il n’a pas encore compris l’importance de construire à l’aide d’un réseau de personnes solidement constitué. Il n’a pas rencontré ces «personnalités les plus en vue de la droite» qu’il nomme comme base de support à sa volonté de fonder un nouveau parti (Joseph Facal, François Legault, Jacques Brassard, Jacques Ménard, etc.); «il attend un signal» (source)… Rassembler ces gens et ceux qui pourraient « graviter » autour d’eux, co-construire à partir des idées de chacun et formuler des propositions issues de ce « brassage d’idées » n’aurait-il pas constitué un minimum?
Je dois devenir trop exigeant… autant pour la classe politique que pour ceux qui dirigent les médias.
Bruno Boutot est revenu « à la charge » plus tard cette semaine en me refilant un article sur les trois vaches sacrées à remettre en question dans le domaine des communautés et la première pose un gros problème à bien du monde, en politique et au niveau des médias. Je tente une traduction… «Vous n’êtes pas propriétaire de la communauté et vous avez la responsabilité de vous comporter avec chacun des membres tel un hôte accueillant, comme un leader à l’écoute et tributaire des valeurs qui regroupent la communauté. La communauté est propriétaire de la communauté!» C’est peut-être cette écoute qui a guidé Mme Marois la semaine dernière au PQ dans « son coup de force » envers un sous-groupe qui donnait souvent l’impression d’être « propriétaire » de « la tribu » péquiste?
Revenons aux médias. Pourquoi est-ce si compliqué d’accueillir les gens qui veulent contribuer et surtout, qui veulent faire partie de cette belle aventure d’informer et d’encourager le fonctionnement démocratique? Pourquoi est-ce si difficile de s’adapter au passage du « un vers plusieurs » au « plusieurs vers plusieurs » (from « one to many » to « many to many« )? Et ça s’applique au politique…
Tags: "...à où je m'en vais" "La vie la vie en société"
Certains politiciens ne veulent pas appartenir à la communauté. Ils confondent la notion de «leader» et «cheuf». Leur mode de communication est unidirectionel.
Regardons M. Harper cette semaine. Il a surtout tenté de contrôler le message même s’il était sur Internet…
On aime confondre, consciemment ou non, « gratuité » et « piratage ». Pourtant le phénomène du piratage provient de la même source que le travail au noir, l’évasion fiscale et la contrebande: un décallage entre l’offre et la demande, entre « ce que je serais prêt à payer » et ma perception de « ce que je pense que le produit ou le service vaut »; idem pour le niveau d’imposition des entreprises (évasion fiscale), idem pour le niveau des taxes et impôts personnels (travail au noir). Le web n’est qu’un univers plus puissant, plus accessible, plus « démocratique ».
Autre litanie qu’on nous serine ad nauseum est la « qualité » des informations gratuites glanées auprès de blogueurs amateurs, et donc, non-crédibles, par rapport aux « vrais » professionnels de l’information, accrédités, fédérés, formés: les journalistes seuls gardiens de la vraie nouvelle.
Mon opinion (ma conviction) est simple. Le web, et surtout le web 2.0, s’est traduit par une brèche phénoménale où s’est engouffré des millions de nouveaux joueurs, multipliants les sources, augmentant la quantité et obligatoirement la qualité (c’est mathématique)… sans possibilité de « contrôler »le « qui », le « quand », le « combien ».
Comme dit M. Papineau, que ce soit les médias ou les politiciens, c’est cette perte de contrôle qui les panique, c’est cette obsession de le garder qui explique que la plupart de leurs initiatives « web » ne fonctionne pas. L’exemple d’Éric Caire est particulièrement révélateur.
Devant autant de sources d’informations, de possibilités de recoupements et de validations de celles-ci, les opportunistes, copieurs bref les manipulateurs ne peuvent survivre dans un environnement comme le web 2.0… de quoi terrifier certains politiciens et maîtres de l’informations.
Billet passionnant Mario. Pardonne moi pour ce long commentaire!
Benoît