Je me suis rendu aux Katacombes (bar coopérative membre du Quartier des spectacles) mercredi dernier, à Montréal. Je voulais participer à la première anti-conférence musiQCnumeriQC qui se tenait parallèlement aux Francofolies de Montréal et en marge des Rencontres de l’ADISQ. Je passe de plus en plus de temps avec des intervenants du milieu culturel et je voulais continuer de réfléchir avec certains d’entre eux sur ce beau sujet de la musique et de la business de la musique.
MusiQCnumeriQC voulait permettre «une rencontre entre les forces vives du Web musical québécois, les artistes et professionnels de cette industrie culturelle». Il a bien du passer deux cents personnes entre 14 h à 21 h. Par l’entremise de l’application [Facebook] Stage Yourself, plusieurs autres ont pu aussi joindre l’action à un moment ou un autre. Je passerai sous silence l’Expo Web, la projection d’un des ateliers officiels des Rencontres de l’ADISQ, «Conquérir la planète internet, un média social la fois» et le lancement de la plateforme Ecoutez.ca puisqu’aucune de ces trois activités n’ont vraiment captivé l’attention des gens présents, davantage préoccupés à réseauter et échanger. Je n’ai pas fait différent des autres…
J’ai eu de très bonnes conversations avec une étudiante du programme «Music business/management» du Berklee College of Music, avec Guillaume Déziel, le gérant de Misteur Valaire (quel beau site BuddyPress) et au contact d’un représentant de la SODEC; il ne faudrait pas que j’oublie Josée Plamondon, la vraie responsable de ma venue aux Katacombes ce mercredi. J’étais prêt vers 18 h pour le «plat de résistance» du «non-événement», une table ronde sur la musique qui se voulait prometteuse avec des participants de différents horizons.
Je retiens de la Table ronde (et de ma participation à musiQCnumeriQC) l’importance du concept du «Direct To Fan» (D2F) qui a été au centre de toutes les conversations, sauf peut-être chez ce représentant de je ne sais plus laquelle des associations d’auteurs qui est venu revendiquer une taxe pour les fournisseurs d’accès Internet au tout début des échanges. On ne peut pas dire que sa demande ait été appuyée par les gens présents au musiQCnumeriQC. Au contraire… il n’y a qu’à lire cet article de Virginie Berger, «Petit traité de bulshitting à l’usage des conférenciers» pour s’en convaincre. Pendant que mon copain Clément Laberge tente à bout de bras de protéger le rôle des libraires dans le nouvel écosystème du livre numérique (lire son billet «Le livre numérique, la poule et l’oeuf»), plusieurs intervenants en musique sont venu dire qu’il fallait plutôt considérer la musique enregistrée comme «un produit d’appel» et se concentrer sur la formation d’une communauté de fans autour de l’artiste. Je cite Virginie Berger:
«En résumé, trouvez vos (vrais) fans, fidélisez les, donnez leur une raison d’acheter et à cette condition vous gagnerez de l’argent. De nombreux artistes, maintreams ou indépendants ont radicalement changé de modèle marketing pour utiliser principalement le marketing direct to fan avec succès. Parmi les plus connus, citons les exemples de Nine Inch Nails, Radiohead, Imogen Heap, Amanda Palmer, David Byrne, les Beastie Boys, Weezer, Jonah Matranga, Exsonvaldes ou Cyril Paulus pour la France… Cela peut sembler assez facile: l’artiste entre en contact avec ses fans, leur donne une raison d’acheter et monétise. Mais comment savoir qui sont ses fans? Comment rentrer en contact avec eux? Comment attirer leur attention quand il y a à peu près 6 millions d’artistes sur MySpace? Cela peut paraître simple pour NIN et Radiohead, qui ont bénéficié du soutien de leurs labels pendant des années, et qui possédaient un public déjà très important lorsqu’ils ont décidé de quitter leurs labels respectifs. Alors comment un artiste en développement, seul, peut émerger, attirer l’attention et gagner de l’argent? Est-ce que le marketing direct to fan n’est pas mieux adapté aux artistes établis ou réfugiés des majors ? En fait, cela est très simple si vous comprenez bien l’essentiel de ce modèle.» (source)
De l’étudiante de Berklee qui affirmait que «là-bas on vous dit que la dernière chose à faire est d’accepter de signer un contrat de disques», à l’homme derrière Misteur Valaire qui travaille en ce moment à construire la communauté et en passant par David Dufresne (le promoteur de Backfed)… un seul message: les pistes de solutions au «business» de la musique ne semblent pas se trouver en maintenant la chaîne actuelle des différents intervenants de l’industrie musicale. Virginie Berger:
«Et d’ailleurs, la musique a-t-elle réellement besoin d’être sauvée? Ne serait-ce pas l’industrie de la musique enregistrée qui veut être sauvée ? Et ne serait-ce pas cette tentative désespérée qui rendrait impossible toute évolution favorable pour les artistes et le consommateur ?» (source)
Je ne prétends pas résumer le contenu de l’activité musiQCnumeriQC; l’article du Devoir fera probablement un meilleur travail, en ce sens…
Mais une chose m’est apparue clairement. Le décalage est énorme entre l’ADISQ (et certaines autres associations) et la grande majorité des gens qui ont pris la parole à cette table ronde organisée par Alliance numérique. Les uns tentent de sauver ce qui reste du modèle actuel. Les autres sont ailleurs, en train d’inventer un autre modèle.
À suivre…
Tags: "Divagations musicales" "Le livre les lecteurs et le numérique" "Plan Numérique"
Cet enjeu est très intéressant en effet… ça me rappelle la fameuse machine à saucisses qui forme trop souvent les gens à ne pas se poser de questions! Et ça fait aussi réfléchir sur la façon dont nous consommons la musique…
J’ai lu un article similaire qui me rappelle ces propos, il y a quelque temps déjà. Il traitait de la soudaine popularité des Cowboys Fringants en Europe (article dans le Voir). Alors qu’il était question du piratage de musique dans les médias, les Cowboys nuançaient les enjeux et spécifiaient que ce piratage leur avait permis de vendre beaucoup de billets de spectacles en Europe…
N’ayant pu, malgré mes démarches en ce sens, faire valoir mes droits en justice – j’ai en effet contacté des responsables, des institutions et personne n’a pour l’instant voulu m’apporter son soutien, pourtant nécessaire. Cela a eu toutefois le mérite de faire passer un petit peu mon témoignage – j’ai donc décidé de faire un scandale, le plus énorme possible et c’est pourquoi je fais circuler en masse, où je le peux, dès que je le peux, l’adresse de deux blogs que, pour l’instant, j’ai pu publier à la suite de ces démarches infructueuses, dans l’espoir qu’à force de tapage, cela suscite suffisamment d’interrogations de la part des gens pour que je puisse enfin voir les faits que je relate au moins examinés par la justice et être entendue. C’est tout ce que je demande.
http://blog-etc-temoignage.blogspot.com/
http://swaplitteraire-nina.blogspot.com/
Je comprends bien toute cette idée du direct to fan et n’est pas entièrement récalcitrante à ce type de principe, par contre trop souvent on oublie qu’un artiste, dans la majorité des cas, ne peut apparaître et resortir seul de l’ensemble de l’offre sur internet. Il doit y avoir une équipe pour l’aide dans sa création comme dans sa promotion.
D’autre part que le musique ne soit qu’un produit d’appel, n’est pas en soit non plus un solution. Par exemple que faisons nous d’auteurs et de compositeurs de talent qui ne sont pas nécessairement des interprètes. Ils font pourtant partie eux aussi de la musique.
On se doit de faire attention aux solutions qui semblent être unique, ce qui reproduit l’idée d’une seule façon de mettre en marché la musique ce qui correspond à l’idéologie de l’ancienne façon de mettre en marché la musique.
Au contraire, le web est intéressant car il permet de créer différents modèles d’affaires selon les artistes. Des modèles déjà existants et des modèles à venir.
Mais surtout il ne faut pas oublier que derrière chaque artiste il y a plus que lui: les musiciens, réalisateurs, directeurs artistiques, gérants, producteurs musical ou spectacles, des équipes de promotion, etc..
Pour ce qui est des fournisseurs d’accès internet : si simplement le surplus qui est chargé pour un excès de téléchargement était reversé aux créateurs plutôt que dans les poches d’un fournisseurs (à qui le tout ne coûte rien de plus), je ne crois pas que ce serait véritablement négatif.
Bref je crois que MusiqcNumeriqc se veut un échange entre les gens des technologies et les gens de la musique. Mais surtout, il constitue le début d’un dialogue , où au-delà des idées préconçue de part et d’autres, il y ait un véritable échange et une volonté de compréhension des réalités de chacun.
[…] derrière ce billet, il est lié au fait que je suis un adepte de la stratégie marketing du « direct to fan » qui consiste à orienter sa communication de mise en marché, sans intermédiaire, directement […]