Les conformistes (2)

Le 28 octobre 2009, j’écrivais dans un billet portant sur le conformisme et les écoles qu’il fallait valoriser les comportements qui dénotent un sens de l’affirmation (dans le respect) et encourager l’expression de point de vue divergent. La culture dominante dans le milieu scolaire demeure celle de la ligne droite, de l’écoute souvent aveugle des directives, des rangs, de la conformité avec ce qu’on attend de toi… À ce moment, un enfant a tendance à obtenir les meilleures notes et il est mieux perçu par «le système» qui a souvent bien de la peine à composer avec la différence. Choisir un chemin de travers, c’est souvent payer un fort prix; celui du reproche ou de l’exclusion.
Le 7 juillet dernier, le journaliste indépendant Steve Proulx écrivait un billet que j’ai gardé sur mon écran quelques jours: «La cour d’école». Un extrait:

«Mon jeune neveu m’a mis au parfum du dernier cri en matière d’insulte: ortho. Je vous explique: « être ortho » fait référence au fait de « fréquenter l’orthopédagogue » (pour des difficultés d’apprentissage). Dans l’esprit grossièrement formé de l’enfant, un ortho ou un idiot, c’est la même chose. Et c’est dans la cour d’école qu’on devient ortho. À la fréquenter quotidiennement, on apprend vite son code de conduite. Pour survivre dans la cour d’école, mieux vaut se fondre dans la masse. Le pouvoir appartient aux conformistes. Ceux-ci imposent leurs diktats. Il faut porter tels souliers, aimer tel sport, se coiffer de telle façon, écouter telle musique, se tenir avec telle gang, marcher de telle façon. Sinon, on est ortho. Ceux qui ne suivent pas le troupeau sont tassés dans le coin. Et les conformistes-dominants prennent un malin plaisir à les picosser. Dans cette micro-société, c’est en écrasant le plus faible qu’on marque des points de popularité.»

Plus loin, Proulx ajoute que «même adulte, on a toujours un pied dans la cour d’école». Prenant pour prétexte la récente décision de Alain Lefèvre de ne plus jouer du André Mathieu, le billet de Steve Proulx évoque le fait «les traumatismes de la cour d’école ne sont jamais bien loin». Dans l’article de La Presse où Lefèvre se raconte on peut y lire les propos suivants:

«L’atmosphère un peu troublante que je sens me rappelle celle de l’époque où, petit gars à Ville-Émard, je me faisais planter parce que j’étais différent des autres, ou que je ne correspondais pas au bon prototype, conclut-il. Au Québec, cette réalité est encore bien présente. Malheureusement.»

André Mathieu ne sera peut-être plus joué au Québec par Alain Lefèvre pour d’autres raisons que celles liées à l’existence d’une certaine culture du conformiste dont les racines viendraient de l’école. Mais j’aime à penser que commentaires au bas du billet de M. Proulx témoignent de l’existence d’un certain malaise de cette école qui érige en dogme «le moule».

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4 Commentaires
  1. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 12 années Il y a

    Pourquoi la cour de l’école? Lâchez-moi avec l’école! C’est la culture de tout groupe qui gomme les individualités. Vous pensez qu’à la garderie, il n’y en a pas de stigmatisation? Dans les équipes de hockey? Les bandes de jeunes sur la rue?
    Je ne dis pas que l’école soit exempte de ces comportements: elle n’en a pas l’exclusivité. Simplement.

  2. Paul C. 12 années Il y a

    La cour d’école reproduit les inégalités sociales? Elle est bien bonne celle là. N’est-ce pas vrai de toute l’école? Bienvenue dans la réalité!
    Pour ce qui est du conformisme, comment concevoir une éducation sans celui-ci? À
    partir du moment où on planifie la scolarité d’une population, on doit nécessairement s’attendre à ce que les sujets y soient conformes. Sinon c’est l’échec. Prétendre au contraire tient presque de l’hypocrisie.
    L’école c’est donc une machine à conformité.
    Pour reprendre l’idée du professeur Lamontagne (voir conférence Université de Sherbrook) l’éducation c’est l’imposition d’un code à l’élève en vue de sa libération éventuelle.
    Enfin, au sujet des « orthos »:
    Dans mon temps, ce sont les nerds qui mangeaient les coups. Doit-on comprendre que, suite à un autre changement de paradigme, on en est maintenant à faire la vie difficile à ceux qui éprouvent des difficultés scolaires?
    Pauvres petites victimes qui ne peuvent
    « être ce qu’ils sont » au sein de la méchante école conformiste.

  3. Photo du profil de Jonathan
    Jonathan 12 années Il y a

    Effectivement, à la suite des commentaires laissés précédemment, je me demande s’il faut imputer à l’école la pression conformiste dans un volet néfaste.
    Dans tout groupe d’appartenance et spécialement dans les milieux adolescents, la pression du groupe pour uniformiser les esprits et les conduites autour de certaines valeurs est presque naturelle. Le monde commercial a bien compris l’affaire: ce n’est pas l’école qui propose des images de la mode à suivre, les vêtements griffés, les standards de beauté, les conduites à avoir pour être quelqu’un de «in». Nos gouvernants, les leaders d’opinion à longueur de journées, nous propose leur vision des conduites appropriées à tenir en société. La société conformiste est partout.
    Les originaux, les timides, les difformes, les différents en tout genre, ceux qui apportent le point de vue différent, ont toujours à faire l’apprentissage difficile de vivre avec une certaine exclusion et un certain rejet des leaders conformistes. Le point de vue original souvent fascine, puis devient menaçant, puisqu’il pousse au changement, ou à la remise en question des automatismes sociaux: ses habitudes sociales auxquelles on ne pense même plus tout en les adoptant pour se faire accepter des autres. Changer demande de l’énergie. Vivre à contre-courant aussi…
    L’école pour sa part, pour des raisons fonctionnelles, doit souvent réguler les conduites dans une certaine voie pour atteindre ses objectifs d’éducation. Tout lieu public impose des normes de conduites, des règles, sans quoi la qualité du fonctionnement s’en ressent. Quand on laisse libre tout le monde faire ce qui lui plait dans une bibliothèque, on peut douter que la fonction de celle-ci puisse perdurer. On peut imaginer ou observer des milieux d’éducation originaux, qui s’écartent des normes, néanmoins, il n’en demeurera pas moins que l’exigence de faire adhérer à certaines normes de conduite pour permettre le fonctionnement du groupe demeure essentielle. Autrement, c’est le chaos. Et il n’y a plus de groupe ou d’institution.
    Toute société, pour fonctionner, exige une certaine normalisation des valeurs. Pour ne pas verser dans le totalitarisme, elle doit aussi permettre l’expression d’une certaine divergence. Bref, à mon sens, on doit de façon mature accepter que l’on doive discuter ensemble de règles de fonctionnement en groupe et que l’on puisse ne pas toujours être d’accord sur ces dernières. Mais elles semblent bien nécessaires.
    Pour ce qui est de l’intimidation de la cour d’école qui aujourd’hui (répercutée sur le web en plus) comme autrefois continue d’écraser des jeunes, on ne peut que garder l’oeil et intervenir en se donnant une norme de conduite, par exemple, ne pas accepter un langage dévalorisant chez les jeunes. Combien de fois avons-nous entendu justement depuis des années cette étiquette «ortho» sans réagir comme éducateur? Est-ce que nous nous donnons la règle d’intervenir pour le respect de la différence?
    La réduction d’un certain conformisme néfaste semble devoir passer par une certain conformisme mature et réfléchi et oui contrôlant. Le respect des autres requiert, je pense, une certaine pression normative malgré ce qu’en penseront certains originaux!
    Voilà, j’espère que l’on passe tous de bonnes vacances hors des normes de nos institutions pour s’adonner à nos originalités!

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