Il y a de ces jours où on vous soumet des documents incroyables. Sur le fil Twitter pendant une table ronde de Ludovia 2010, j’ai vu passer ce lien, «La meilleure élève dénonce l’enseignement scolaire dans son discours de remise des diplômes». Erica Goldson du Coxsackie-Athens High-School était en quelque sorte une «Valedictorian», ce qui veut dire, entre autres, qu’elle avait l’honneur de pouvoir s’adresser à un parterre d’invités venus célébrer la graduation. À cette occasion, elle a plutôt choisi de dénoncer le contexte dans lequel elle avait réussi à démontrer qu’elle était «le meilleur esclave»!
L’expression est forte, mais le texte en entier l’est tout autant. Un extrait:
«J’ai fait ce qu’on m’a dit jusqu’à l’extrême. Tandis que les autres s’asseyaient en classe et gribouillaient pour devenir plus tard de grands artistes, je m’asseyais en classe pour prendre des notes et devenir une grande passeuse d’examens. Tandis que les autres venaient en classe sans avoir fait leurs devoirs car ils lisaient quelque chose qui les intéressait, je ne manquais jamais un travail. Tandis que les autres créaient de la musique et écrivaient des paroles, j’ai décidé d’avoir des points supplémentaires, même si je n’en ai jamais eu besoin. Alors, je me demande pourquoi ai-je voulu cette place ? Bien sûr, je l’ai méritée, mais qu’est-ce qui en découlera ? Lorsque je quitterai l’institutionnalisme éducationnel, réussirai-je ou serais-je perdue à jamais ? Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire de ma vie ; je n’ai pas de centre d’intérêts car j’ai regardé tous les sujets d’étude sous l’angle du travail, et j’ai excellé dans chaque domaine dans le simple but d’exceller, pas d’apprendre. Et franchement, maintenant j’ai peur.»
Au colloque, on s’est dit… c’est un peu fort, c’est un coup monté, cette étudiante n’existe pas vraiment. Mais c’était avant que mon réseau m’informe de l’existence d’une vidéo témoignant de sa prestation…
Que faire d’autre que de lier à cette étude citée par le RIRE?
L’école n’est pas du tout ce qu’elle pourrait être…
Tags: "Administration scolaire" "Évaluation des apprentissages" Partageons le savoir
Cette jeune femme met en mots, et de façon splendide, une description des paradigmes dépassés que les établissements scolaires s’entêtent à perpétuer. À voir et à revoir.
Portez une attention particulière aux signes de malaises observés dans l’assistance. Ils en disent long sur le degré de résistance que ce genre de discours peut provoquer. Il m’a semblé entendre, dans le rouleau que faisait l’homme assis derrière elle : « Fermez son micro, quelqu’un!!! »
Que j’aurais aimé voir la suite, voir la tête de la personne qui a pris la parole après Erica Goldson.
Erica Goldson. Retenez bien ce nom .
Ce qui rend tellement ennuyeuse l’école de nos banlieues française, ce n’est certainement pas qu’on y cultiverait l’esprit de compétition… La question qui, selon moi, revient toujours, est celle de savoir pourquoi l’esprit compétition suscite si souvent de la joie quand il s’agit du sport, et si souvent de la détresse quand il s’agit de l’école. La réponse n’est pas simple, mais j’en distingue néanmoins quelques bribes. Dont deux principales: 1/ On choisit le sport dans lequel on veut exceller, tandis qu’à l’école, le plus souvent, on n’a pas le choix. 2/ Le sport qui suscite de la joie est le plus souvent un sport d’équipes, tandis que la compétition scolaire est férocement individuelle.
Curieux tout de même de constater une fois de plus le succès des critiques de l’école publique lorsqu’elles proviennent des plus diplômés.
Et, si j’en juge par la qualité du discours de cette jeune femme, par ceux qui ont su tirer le meilleur de leur éducation, de leur milieu d’origine et, pour ce qui la concerne, qui possèdent par dessus le marché un talent incontestable pour la communication, la provocation maîtrisée et la promotion de soi-même.
Maintenant, regardez qui assure la promotion de cette vidéo. Cette organisation qui porte le joli non de NOT, ça valait la peine de lui faire une telle promotion ? Il aurait tout de même fallu regarder un peu qui ils sont et ce qu’ils recherchent avant de se joindre à eux.
Mon commentaire plus complet ici: http://voixhaute.com/spip/spip.php?article447
Merci de votre réaction Marielle, Christian et Serge. J’avoue ne pas avoir pris le temps de tout mesurer, en terme de contexte, de la «sortie» de cette jeune femme. Je compte d’ailleurs sur mon réseau pour mieux situer le cadre de son intervention.
Je rappelle que ce carnet me permet d’objectiver des trouvailles, des rencontres et des apprentissages. Si du coup, je me trouve à «faire» de la promotion, je souhaiterais qu’on sache que ce n’est pas mon intention. D’ailleurs, quand c’est le cas [un billet à saveur promotionnel], je l’indique clairement.
Ici, dans ce billet, ce qui m’importe, c’est la critique d’un système qui érige en dogme «le testing». Je suis toujours désolé quand je constate «de la récupération». Je fais confiance à ceux qui fréquentent ce lieu, car je connais le sens critique de plusieurs. Je ne suis pas naïf… j’assume le fait que mon blogue est aussi un média.
J’invite toute personne possédant d’autres renseignements sur le contexte de «ce témoignage» à ajouter sa voix.
Ce document est d’une telle force que s’en est épeurant. Une fois Ludovia terminé, je ferai davantage d’effort à documenter…
Maintenant, je m’en vais lire Christian.
Epeurant ! Ah le joli mot ! Merci Mario.
Dans son discours, après le Zen, Erica cite deux références de la pensée pédagogique que je ne connaissais pas: H. L. Mencken et John Taylor Gatto. C’est bien quand les jeunes nous apprennent des choses que nous ignorons ! Alors, je suis allé voir.
Le premier, Mencken, est un journaliste américain des années 40, catalogué comme anarchiste de droite et soupçonné de racisme. Il n’aimait pas l’école, les institutions en général et le faisait savoir de façon assez provocatrice.
Le second est également américain, de la même farine que Mencken et bien connu pour ses attaques extrêmes contre l’école. Titres d’ouvrages cités par Wikipedia : « Against School », « Institutional Education Must Be Destroyed », « The Tyranny of Compulsory Schooling ».
Eh bien je trouve qu’Erica a de bien étranges lectures. Les a-t-elle trouvées seule ? Lui a-t-on glissé sous les yeux ?
Mon cher Mario, permets-moi d’insister : toutes les critiques de l’école ne sont pas bonnes à prendre. Même quand elles proviennent de jeunes gens. Comme disait Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire…
Je me demandais pourquoi Mario se promène depuis hier dans les allées de Ludovia avec un T.Shirt où est écrit NOT en grandes lettres rouges… Je comprends mieux maintenant.
Ceci dit Serge a raison au moins sur un point : cette jeune fille qui dit qu’elle n’a rien appris sait visiblement écrire et parler en public, elle a le sens critique et un aplomb impressionnant, ce qui valide un paquet de compétences de notre socle commun. Qu’elle n’ait pas trop peur quand même… 😉
Bonjour,
Comme dirait Michel Chartran à Bernard Derome: « Moi le human interest…! ».
Les histoires de cas ajoutent un peu de punch émotionnel à un argument mais ne touchent pas réellement la raison.
@Caroline Jouneau-Sion
Attention! Comme elle en fait mention de façon bien explicite, il ne faut pas prendre pour acquis que c’est à l’école qu’elle a acquis ces compétences.
Et si, pour aller dans le sens de l’hypothèse suggérée par Marielle, ce qu’Erica fait si bien (développer un argumentaire, s’exprimer), elle ne l’a pas appris à l’école, où donc l’aurait-elle appris si ce n’est dans sa famille et le réseau social qu’elle s’est constituée grâce à elle ?
Et ne serait-ce pas ce réseau-là qui l’aurait nourri de cette belle idée que l’école mérite d’être détruite, afin que chacun, librement, soit éduqué dans et par son milieu d’oirigine.
Ceux qui n’ont rien appris à l’école ne se permettent pas de cracher dans la soupe de cette façon.
Cette jeune fille m’impressionne. Elle met en mots ce que j’ai souvent pensé sans pouvoir l’exprimer. Chapeau !
On retrouve ici (http://www.futurquantique.org/?p=10560) la transcription complète du discours, traduit en français. Je n’y vois, pour ma part, qu’une série de lieux communs bien tournés par une étudiante hors-norme. Chaque année, je remarque quelques étudiants qui s’emmerdent dans mes cours et qui, je m’en aperçois plus tard, sont parmi mes meilleurs élèves. S’ils s’ennuient, c’est qu’ils n’ont pas besoin de moi. On peut bien cracher dans la soupe de l’école quand on a bien mangé à la maison.
Ça fait plus de 20 ans que je dis que la meilleure école est celle ou on apprend et ou on enseigne. Un adulte, un vrai, doit rencontrer 3 prérequis:
1- Il a appris ce qui lui a été enseigné;
2- Il utilise ce qu’il a appris;
3- Il enseigne ce qu’il a appris à utiliser.
Mon système scolaire, que serait-il?
1- 6 ans de bienséance apprise depuis la naissance;
2- 2 ans à apprendre à lire, à compter et une langue seconde;
3- 5 ans à étudier n’importe quels sujets et à se perfectionner sous l’autorité de mentors;
4- 4 à 6 ans d’université pour terminer ses études dans le domaine de notre choix.
… L’école n’est pas mixte! Pourquoi? Les filles sont généralement en avance de 2 ans sur les garçons jusqu’à l’age adulte!
On entre à l’école à 7 ans et on gradue du primaire à 9 ans. Là, on passe du tutorat au mentorat et on termine les études secondaires à 14 ans. Finalement, l’université est complétée à 18 ou 20 ans.
Attention aux leçons de l’école, version Gatto!
YLL