J’écoutais Amir Khadir ce matin à la radio commenter le mea culpa du Groupe Axor inc. et d’Axor Construction Canada inc. «à un total de 40 constats d’infraction que le DGE leur a signifiés relativement à des infractions à la Loi électorale». Je ne suis pas militant de Québec Solidaire, mais ça ne m’empêche pas d’être sur la même longueur d’onde que le député de Mercier qui est celui ayant ouvert en premier cette boîte de Pandore.
Plus tôt, je lisais un gazouillis de Stéphane Laporte qui décrivait assez bien mon état d’âme:
«Comment ça se fait que les aveux d’Axor ne se retrouvent qu’à la une du Devoir? C’est big ou c’est pas big?»
De fait, ça devrait être traité par tous les médias comme quelque chose de très très important. Nous devrions tous nous sentir comme Amir Kadir, il me semble, et devenir des Very Offended Person (V.O.P.).
Le problème est probablement que c’est une nouvelle pour personne que cette histoire de prête-noms utilisés pour le financement des partis politiques. Dans ce cas-ci, Patrick Lagacé rapporte que «Axor a ainsi versé, en dons personnels déguisés, 134 000$ au PLQ, 34 000$ au PQ et 5000$ à l’ADQ». Du même souffle, il demande aux dirigeants d’Axor «d’expliquer aux Québécois pourquoi sa firme a fourré le système». M. Lagacé sait pourquoi. Tout le monde sait pourquoi, mais nous aimerions probablement tous l’entendre raconter par quelqu’un qui vient d’admettre publiquement l’avoir fait…
Payer des politiciens (ou un parti politique) pour avoir des contrats, c’est un des pires «investissements» que peut faire un homme (ou une femme) d’affaires pour obtenir du boulot. C’est entrer dans une spirale de «tu-me-dois-une-faveur-renvoie-moi-l’ascenceur». C’est dévaloriser la qualité de sa mission d’entreprise (prouver qu’on doit «payer» parce qu’en jouant les règles de la concurrence on n’obtiendra pas le mandat) et c’est aussi donner aux formations politiques le moyen de fau$$er la démocratie par l’usage de re$$ources obtenues frauduleusement. Le problème, c’est que malgré tout cela, c’est un «placement» qui semble rapporter. Ça va prendre pas mal de V.O.P. pour que ça change…
J’ai été sollicité plusieurs fois dans ma vie d’adulte pour des contributions en argent politique. Ça c’est pas mal toujours passé dans le même «pattern». Tu travailles dans des dossiers qui font que tu croises des politiciens. Tu échanges avec eux dans le contexte de ces dossiers. À un moment donné, tu sens que le contact avec le politicien est plus chaleureux… et puis hop, tu reçois une invitation à participer à une activité de financement. Un cocktail, un souper-bénéfices ou quelque chose du genre. Parfois, on te vend l’idée qu’un ministre (ou un haut-dirigeant du parti) sera présent et que ta présence à l’événement pourrait te permettre un p’tit cinq minutes d’échange. Les premières fois, tu figes un peu. Qu’est-ce qui va se passer si j’accepte l’invitation ? Et si je refuse ?
Il m’est arrivé souvent de refuser l’invitation. Il m’est aussi arrivé d’accepter à deux ou trois reprises, dans la région de Coaticook. La première fois, je crois que c’était pour Robert Benoit. J’étais directeur d’école et je trouvais que mon député méritait d’être «encouragé» parce qu’il était «cool» et me semblait faire du bon travail. Sur place, j’ai vite réalisé que ce genre d’événement était très partisan et que «de te faire voir» avait pour conséquence de peut-être devenir «identifié» à une formation politique. Est-ce que c’était impossible de contribuer financièrement à la campagne d’un député sans être identifié à la formation politique de ce député? J’avais décidé de contribuer à un événement de Maurice Bernier dans la même période et j’avais été assez surpris de voir que plusieurs des gens présents chez le libéral d’Orford était aussi du brunch organisé par le bloquiste de Mégantic—Compton—Stanstead. Je me disais donc que je n’étais pas seul à appuyer le travail de deux députés de familles différentes et qu’il ne fallait pas m’en faire avec les «qu’en dira-t-on» qui pourraient suivre. Tous les leaders (social, économique, institutionnel) semblaient participer à ce genre d’événement en région et c’était la façon normale (et acceptée) d’entretenir des relations avec ceux qui avaient «du pouvoir» dans notre région. Le problème m’est apparu bien plus épineux au bout de deux ou trois «oui». Je me souviens très bien d’avoir entendu parler des firmes «qui s’engageaient» pour plusieurs billets et qui demandaient à certains de leurs employés de contribuer moyennant un remboursement. Naïf avant d’entendre parler de ces stratagèmes, je venais de comprendre qu’en donnant des sous et en participant à l’événement-bénéfice, on pouvait penser «qu’on payait» pour s’assurer que le politicien en question travaille «pour nous» à l’avenir. Je me souviens d’avoir pris une longue pose de participation à ce genre d’événement. J’étais mal à l’aise, mais je suis passé à autre chose; aucun politicien en région ne m’a fait de remontrance parce que je ne «contribuais» pas.
Depuis mon arrivé à Québec, en 1998, j’ai reçu bien peu d’invitations à contribuer financièrement à des partis politiques, mais j’ai rencontré beaucoup de politiciens qui ont «du pouvoir». Depuis que je suis «en affaires» ayant quitté ma fonction de directeur d’école pour celle de d.g. chez Opossum (division de iXmédia), je travaille dans quelques mandats où «mon client» est le gouvernement. Je lis toutes sortes de choses dans les médias, mais j’imagine que je suis dans un secteur d’affaires où «contribuer financièrement aux partis politiques» n’est pas dans les moeurs, puisqu’il m’apparaît facile de faire affaire avec le gouvernement sans donner d’argent aux partis politiques. Depuis 1998, j’ai donné une fois à un jeune député de ma circonscription qui en était à ses premières armes et je l’ai fait parce que je trouve qu’il n’y a pas assez de jeunes en politique. Je ne me suis pas présenté à son activité, par contre…
Tout ça pour dire qu’il est temps d’aller au fond des choses avec cette question des prête-noms et du financement des partis politiques. S’en est devenu gênant de même penser à contribuer pour un candidat tellement on pourrait prêter flanc à se servir de cette contribution pour exiger quelque chose en retour. Combien de personnes croient en ce moment qu’il y ait des gens honnêtes-contribuant-à-des-partis-politiques?
Je me considère pour un certain temps Very Offended Person (V.O.P.). Ça devrait faire un grand bout de temps que je devrais l’être d’ailleurs, sur ce sujet, car j’avais toutes les raisons de croire que ce système de prête-noms existait et permettait à certains d’en tirer avantage. Je serai de ceux qui exigeront des gestes plus concrets que ceux posés actuellement pour que cesse cette pratique, malgré qu’elle soit interdite et illégale.
N.B. Le titre de ce billet m’a été inspiré par cette chronique de Jean-Simon Gagné du journal Le Soleil.
Mise à jour du 8 août: Article de Yves chartrand sur RueFrontenac… «Axor – De quoi nourrir la crise de confiance des citoyens».
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J’adhère à vos propos, et je joins ce groupe de VOP, quoique l’on pourrait franciser aussi. Justement, au repas ce midi, j’ai présenté l’article de Jean-Simon Gagné à mes fils. Moi et mon mari avons exprimé notre désaccord avec ces faveurs et ces pots-de-vin que l’on observe dans tous les domaines. Opposons-nous et décrions-les. Tout récemment, une agente de voyage nous proposait d’offrir un $$ à la réception d’un hôtel afin de rehausser le niveau de la chambre. Surprise, je lui ai rétorquée que ce n’était pas dans mes valeurs. Elle me dit que c’est courant en Europe de l’Est. Oui, je lui réponds et en Amérique du sud aussi, mais, peut –on travailler à sauvegarder notre démocratie et notre intégrité en tant qu’individu et de nation !!??? et à l’étendre comme modèle. Je me proposais également d’apporter dans mes bagages l’article dans L’Actualité (sept 2010, p.44) sur Shaffi Mather, un homme qui combat la corruption en Inde et essaie de changer les mœurs. Cet homme a rencontré Obama et a lancé un service anti-corruption. Un texte de J-F Lisée qui m’interpelle et que je ferai découvrir à nos fistons.
En réponse à votre question, je crois tout de même que plusieurs citoyens, dont je fais partie, contribue « quelques épargnes » à des partis politique (féd. et prov.) sans rien exiger en retour, dans l’espoir réel que cela aide un candidat ou une équipe à se faire connaître. Suis-je naïve?
Naïve ? Il faut probablement le demeurer… Je fais partie des gens qui voudraient rester naïfs sur ce sujet! Mais bon… Va falloir compter sur le fait qu’il y en ait plusieurs des «comme vous».
Ça nous prendrait une version V.O.P. en français qui ne ferait pas perdre le sens original anglais.
Je tente une première suggestion: Virage Obligé Politiquement ?
Je crois qu’on peut trouver mieux 😉
Les magouilles et malversations politiques nous renvoient le reflet d’une société composée de cyniques, de ceux qui ont les moyens de ne pas rêver en noir et blanc, de paumés, de décrocheurs et d’offensés! V.O.P…. (un calque de l’anglais) une véritable opposition populaire