L’événement Clair 2011 étant à nos portes, j’anticipe le grand plaisir de pouvoir rencontrer en personne plusieurs des éducateurs avec qui j’échange en ligne au quotidien. Ma pratique professionnelle est composée de plusieurs occasions où il m’est demandé de former des individus, d’animer des groupes ou de transférer des connaissances. Les contextes sont variés… Ateliers de formation, conférences, cours, gestion de projets, mise en place de communauté, mandat de consultation, pilotage de la gestion du changement, participation à des activités de recherche et développement, etc. La plupart du temps, la perspective du travail «en communauté» intéresse au plus haut point; l’idée de mieux apprendre à faire ensemble de façon concertée plutôt que de supporter seul la charge d’une mission ou d’un mandat est rassembleuse.
Je suis issu du monde scolaire et inévitablement, j’interviens encore souvent dans des contextes institutionnels. Cette semaine, au hasard d’une discussion avec un officier du MELS, le sujet de l’émergence d’une communauté éducative en ligne est venu sous forme d’hypothèse. À voir autant de traces et d’intervention, la question se pause. La morosité et l’isolement souvent vécus à l’intérieure des structures me paraissent être contournés par l’entremise des différents dispositifs qui permettent à des gens de se doter de lieux communs pour échanger du contenu ou des réflexions, partager des expériences ou analyser des pratiques.
Si je ne doute pas que certains milieux réussissent à construire une dynamique de communauté (le Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska est fortement influencé par cette perspective), à l’échelle d’une province, d’un pays ou de gens qui partagent une même langue ou une même profession (des profs, des cadres scolaires, des bibliothécaires, etc.) la question se pose : est-on en train de voir émerger une véritable communauté éducative en ligne?
En préparation de mon atelier du BarCamp de samedi prochain, je passais en revue certaines lectures sur les organisations apprenantes et les communautés en ligne. Un billet de Richard Millington m’a servi de repère pour répondre à mon interlocuteur et je veux ici garder la trace des indicateurs contenus dans le texte «The 11 Fundamental Laws Of Building Online Communities». De fait, je suis tombé sur ces «fondamentaux» en parcourant cette liste de ressources que Millington a rassemblées dernièrement pour aider ceux qui veulent construisent des communautés en ligne. En traduction libre, je retiens les onze points de la liste de l’auteur du Online Community Manifesto :
- Vous devez pouvoir compter sur un animateur de communauté. On remarquera que Millington utilise plutôt le vocable «community manager», mais l’internaute qui passe souvent par ici sait ce que je pense de ce «concept» et du tort que peut causer une vision où on ne se place pas au service des gens qui se regroupent pour mener des actions concrètes. Gérer une marque ou une dénomination, non merci!
- Votre communauté doit rassembler des gens qui poursuivent un but commun. Plusieurs des gens que je qualifie «d’éducateurs» utilisent le Web participatif pour favoriser des apprentissages nourriciers. Sur ce point, il faudrait probablement mettre des mots sur cette impression que nous partageons les mêmes objectifs.
- Vous devez favoriser l’utilisation du dispositif électronique avec lequel les membres sont le plus familier. Ou devrait-on dire «les» dispositifs puisqu’aujourd’hui, il devient possible d’agréger dans un environnement du contenu et des échanges qui proviennent de plusieurs outils/plateformes!
- Vous devez produire du contenu au sujet de votre communauté. Les éducateurs ne donnent pas beaucoup dans l’autopromotion; ils parlent des bons coups des autres assez aisément et de plus en plus de ressources utiles sont disponibles.
- Vous devez repérer des leaders et agir de façon à bâtir des liens avec ceux qui assument un certain leadership dans la communauté. Cette question est plus délicate. Dans le milieu scolaire en général, on ne valorise pas l’idée que certains puissent «officiellement» regrouper les membres d’une communauté d’éducateurs en ligne. Informellement, il y a quand même certains individus qui se démarquent et qui, potentiellement, peuvent regrouper des gens qui souhaitent développer des pratiques convergentes.
- Vous devez faire en sorte que certains sujets chauds puissent être débattus avec vigueur. Les cousins en France ont l’habitude des empoignades, mais au Québec, sait-on vraiment ce que c’est débattre?. Les chicanes sur le dos de la réforme scolaire sont légions, mais je ne pourrais classer ces oppositions dans le registre des débats constructifs qui auraient pu nous aider à former une meilleure communauté. Le débat «connaissances vs «compétences» est tout aussi stérile. À quand un sujet chaud pouvant nous aider à débattre de façon constructive?
- Vous devez commencer à construire une communauté avant de lancer un site qui pourrait regrouper les membres. Disons que si aucun site Web ne peut vraiment prétendre réunir tout le monde, la table est mise, parce qu’on ressent tout de même que plusieurs éducateurs réseautent en ligne…
- Vous devez valoriser les contributions individuelles de chacun des membres. Sur ce point, je crois que nous obtenons un certain succès.
- Vous devez encourager chaque membre à recruter d’autres éducateurs. Il me semble qu’il ne se passe pas une semaine sans voir arriver un nouvel intervenant, parrainé par quelqu’un ayant pu apprécier les bénéfices d’agir ensemble.
- Vous devez agir de façon à partager le contrôle et à donner «du pouvoir» à chaque membre. Une communauté en ligne où le pouvoir est décentralisé et se trouve près de l’action; je crois que c’est ce que chacun recherche.
- L’administrateur de la communauté ne doit se servir de ses prérogatives qu’en des cas où il ne peut agir autrement. Toutes les conditions n’étant pas réunies pour disposer d’une structure unique qui regroupe des membres et où il y aurait un administrateur en bonne et due forme, cet objet ne s’applique pas vraiment. Mais il devient facile d’en saisir l’esprit de façon à pouvoir s’en souvenir au moment où on identifiera le profil de quelqu’un pouvant occuper «cette fonction».
Je suis conscient de ne pas avoir répondu directement à la question de départ. D’ailleurs, dans ma discussion de cette semaine, je n’ai parlé que de probabilités et très peu de certitudes. Mais je compte bien profiter de l’événement de Clair 2011 pour tenter de répondre plus précisément à la question… D’ailleurs, nous devrions peut-être la poser autrement, «Une tribu? En éducation?»
N.B. Merci à Bruno Boutot de m’avoir récemment parlé de cet auteur, Richard Millington.
Tags: "Administration scolaire" "Clair 2011" "La vie la vie en société" Partageons le savoir Pédagogie et nouvelles technologies
Sommes-nous en train de voir émerger une véritable communauté éducative en ligne? Je n’ai aucun doute à ce sujet! Nous avons de solides assises. Les principes ici énumérés doivent demeurer à la base de nos actions. Reste à se questionner sur la pertinence d’un lieu commun où cette communauté éducative organiserait ses idées et trouvailles, tout en respectant un but commun. Ce lieu de références et rassemblement nous offrirait une tribune nous permettant d’augmenter notre influence au sein du monde de l’éducation. Il est évident que des personnes comme @ChristineRenaud @MarioAsselin @RobertoGauvin @PPoulin et @FrancoisGuite excelent à titre de leader. Le #ClavEd nous permet de débattre de sujets chaud en édu. Des @Zecool et @sstass sont des animateurs de communauté hors pairs. L’année 2011 risque d’être une année de consolidation fort prometteuse!
Je crois, moi aussi, qu’une « tribu » est en train d’émerger. Le milieu de l’éducation se retrouve face à une foule de questions, de choix, d’approches, etc. Il est normal de ressentir le besoin de se réunir pour échanger, partager, se questionner et même se faire rassurer. J’ajouterais que cette communauté éducative en ligne est flexible, qualité appréciée lorsque l’on doit concillier travail et famille. Elle a la particularité de rassembler des personnes différentes dans un but commun et même de permettre un certain transfert de connaissances. N’est-ce pas là les principes même du mentorat? Bref, oui cet espace de discussions permet de briser l’isolement et de prendre un certain envol vers une éducation renouvelée.
Merci pour cette traduction libre de Millington, elle tombe à point, car elle nourrit ma réflexion sur le sujet.
La notion de communauté en ligne commence à germer dans l’esprit de certaines personnes dans mon milieu de travail, où le paradigme dominant est tout autre. Typiquement, le milieu du travail fonctionne encore comme il fonctionnait il y a 10 ans, où le courriel et l’impression sur papier restent rois et maîtres. Ces mêmes gens, curieusement, ont quand même, pour la plupart, un compte Facebook avec jeu Farmville, etc., et leur conception de média social se limite trop souvent à ceci. On ne comprend pas trop Twitter au-delà de l’usage qu’en font de grandes vedettes de cinéma ou du sport et Ning reste une onomatopée pour la plupart. D’ailleurs, il est question d’un certain ressac face aux médias sociaux http://j.mp/eDdI47 et comment ceux-ci isolent et déshumanisent l’être hyperbranché. (J’imagine tous ceux qui lisent ceci qui font «non, non, non, y’ont rien compris»). Or voilà que de ce milieu, celui que je côtoie quotidiennement, on cherche maintenant à mettre en ligne un environnement qui saura exploiter divers outils de réseautage afin de créer, stimuler une discussion autour de sujets précis. (J’avoue que j’ai contribué un peu à cette réflexion interne.)
Tout à fait louable, mais le point no. 7 de Millington est archi-important — Vous devez commencer à construire une communauté avant de lancer un site qui pourrait regrouper les membres — et c’est LÀ que situe la différence entre l’idée de créer quelque chose en ligne (et «espérer qu’ils viendront»…) et une communauté d’intérêt et de pratique comme on en voit déjà (ClavEd, RÉCIT, Clair2011 et j’en passe). Des gens, «loosely connected» comme dit Godin, venant de différents milieux, mais qui se retrouvent, à leur convenance, autour d’un impératif commun, comme par exemple, voir l’éducation autrement. Et s’ils y viennent avec leur représentation personnelle du monde de l’éducation telle qu’ils le connaissent, i.e. réalités du système scolaire du Québec, du Nouveau-Brunswick, des États-Unis, de la France, du monde universitaire ou peu importe, ce sont ces palettes de couleurs qui alimentent une discussion riche et qui nous permettent d’avancer chacun dans sa réflexion sur ce qu’il ou elle peut faire pour contribuer à la transformation de SON milieu. « Tipping point » en vue? C’est à souhaiter, du moins avant que le 22e siècle n’arrive…
Que la conversation se poursuive!