Au moment où je suis sorti de la salle d’où venait d’être lancé la Coalition pour l’avenir du Québec par les deux co-fondateurs (1, 2), je me disais que les quatre grands champs d’action de la démarche proposée étaient assez rassembleurs:
- La priorité absolue : l’éducation
- Assurer la vitalité de notre culture
- Accroître la performance de nos services publics
- Créer une économie de propriétaires et non de succursales
Bien peu de gens parmi ceux qui ont pris leur distance de la politique seront contre cette idée de prendre une pause sur «la question nationale» qui divise plusieurs citoyens du Québec depuis des années…
«À moins d’événements que rien ne laisse présager, ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois, ni la souveraineté n’adviendront dans un avenir prévisible.»
Je n’ai donc pas perdu de temps dans les quelques minutes où j’ai pu échanger avec Monsieur Legault et je me suis empressé de le questionner sur cet extrait «du manifeste» (p. 5):
«Dans le réseau de l’éducation, l’État doit fixer les objectifs généraux, mais augmenter l’autonomie et les responsabilités des directions d’écoles et des enseignants. En revanche, les directions d’école et les enseignants doivent être davantage responsables de la réussite des jeunes et être évalués. La sélection et la formation des futurs enseignants doivent aussi être plus exigeantes. C’est donc d’un nouveau pacte avec les enseignants dont il faut convenir en contrepartie d’une revalorisation marquée de leur profession.»
Je lui ai partagé quelques réactions lues et entendues sur le fait que plusieurs intervenants en éducation ne veulent pas discuter d’une évaluation qui serait basée sur les résultats scolaires des élèves. Je lui ai demandé s’il pouvait m’en dire davantage sur son approche en matière d’évaluation des directions d’écoles et des enseignants. Sa réponse a été immédiate: «Nous avons parlé d’un nouveau pacte avec les enseignants et il faudra que la façon d’évaluer leurs compétences soit négociée avec eux. Ce sera la même chose avec les directions. Valoriser la profession, ça passe par des mécanismes d’évaluation et à ce stade-ci, la seule chose importante est de s’entendre sur la volonté de suivre cette piste. Rien ne doit être exclu; mais si les enseignants privilégient certaines façons de faire par rapport à d’autres, on devrait pouvoir s’entendre sur le principe.»
Je suis de ceux qui ont vécu l’évaluation de rendement, du temps où j’étais directeur d’école. Le conseil d’administration de l’école que je dirigeais avait adopté une politique décrivant le processus et statuant sur le fait que l’évaluation devait se faire dans une perspective d’amélioration continue, accompagnée d’un plan de formation, entre autres. Il n’était pas recommandé d’utiliser la démarche d’évaluation du rendement dans le cas d’une situation conflictuelle ou d’une insatisfaction majeure concernant le rendement ou le comportement d’un enseignant ou de tout autre employé. Un processus de résolution de problème ou l’utilisation du dossier disciplinaire était plus approprié pour dénouer une situation conflictuelle.
J’ai vécu des évaluations de rendement dans deux des milieux scolaires où j’ai oeuvré. J’ai conduit le même genre d’initiatives à l’école et en entreprise. Je sais que ces démarches sont porteuses de nombreux bénéfices pour les organisations et le personnel qui y travaille. Je comprends bien qu’à ce stade-ci, la proposition contenue dans le texte fondateur de la Coalition pour l’avenir du Québec reste bien imprécise dans les modalités d’application, mais il me semble que ce soit normal.
Je discutais de ces questions avec un journaliste en marchant hors de l’immeuble où avait lieu la rencontre de presse et nous étions assez d’accord sur le fait qu’il fallait au moins admettre que la proposition était inusitée et que ce sujet de l’évaluation des directions d’écoles et des enseignants n’avait pas beaucoup été discutée sur la place publique. Si le sujet est parfois évoqué derrière des portes closes, il est probablement temps qu’il fasse partie d’une proposition sérieuse pour améliorer la qualité de nos services en éducation.
J’ai perçu en François Legault une volonté d’en discuter, sur une base positive, celle de valoriser la profession. La même volonté doit pouvoir exister à tous les paliers où des intervenants scolaires sont présents. Il s’agit d’un nouveau pacte où la destination est proposée, mais où l’itinéraire reste à identifier. Et surtout, la population doit pouvoir prendre part, au moins sur les principes, à cette discussion.
Mise à jour du 11 octobre 2011 : Une proposition plus concrète de différentes catégories d’évaluation des enseignantes et des enseignants qui seraient effectuées, de façon complémentaire, par la direction de l’établissement scolaire ainsi que par un Ordre professionnelle des enseignantes et des enseignants dans ce billet, « L’évaluation des enseignants ».
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Nous avons eu l’occasion d’échanger souvent et je vous ai déjà dit que nos positions ne sont pas si éloignées.
Concernant l’évaluation des enseignants, je ne crois pas qu’on puisse évaluer ceux-ci en se basant sur le résultat de leurs élèves.
Bonifier le salaire des enseignants qui iraient chercher des formations supplémentaires me semble une avenue intéressante. Par contre, deux choses:
– les négociations entourant l’équité salariale ont tué la volonté de bien des enseignants de compléter des études supplémentaires. Quand un brevet et un bac sont mis sur le même pied, tu décroches…
– les sciences de l’éducation et certains certificats offrent parfois des formations douteuses, pour ne pas dire plus. J’ai eu des profs qui surveillaient si j’acquiesçais à ce qu’ils enseignaient dans leur cours parce que j’avais plus d’expérience qu’eux. Je ne parle pas non plus de ces formations ésotériques sur l’apprentissage…
Actuellement, les conventions collectives limitent ce perfectionnement «lucratif», disons. Je n’ai pas envie de compléter une maitrise ou un doctorat pour toucher un salaire plus élevé. En même temps, il est ridicule qu’on ne reconnaisse pas au niveau de mon salaire que j’ai une plus grande maitrise des réseaux sociaux et de l’Internet, par exemple, et que j’emploie ceux-ci en classe dans mes approches pédagogiques.
Et que faire quand l’école de nos enfants se tournent vers des formation douteuses dont les fondements restent à prouver ?
Ce qui est curieux dans l’idée d’évaluer les enseignants sur la base des résultats des élèves, c’est qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’évaluer le rendement des fonctionnaires chargés d’aider les gens bénéficiant de l’aide sociale sur la base de leur retour au travail (pour ceux qui sont en mesure d’occuper un emploi). Tellement de variables échappent totalement aux enseignants.
À propos de ce que dit Luc sur les formations: même si une formation est universitaire et donc reconnue, il est loin d’être garanti qu’elle soit « bonne », ou plutôt pertinente, surtout en cette ère où nous devons préparer les jeunes pour demain avec un système qui fonctionne encore à l’ère précambrienne du tableau vert, qu’il soit interactif à 3000$ ou papier à 2$…
L’utilisation et encore plus l’intégration des TIC devrait être reconnue: les formations, barcamps et autres trucs plus pertinents aussi…
Bonjour Mario,
Ma question semblera peut-être naïve, mais plusieurs fois revient cette idée de «revaloriser la profession». Mais… ça signifie quoi, très concrètement, revaloriser la profession enseignante ?
Parce que s’il s’agit de valorisation sociale, tu sais comme moi que ça ne se décrète pas à coup d’intentions politiques. Alors, concrètement ?
Patrice
Si je suis étudiant au CEGEP et que je lis ce qu’écrivent les enseignants eux-mêmes sur la pertinence des études universitaires, je ne vais pas à l’université. Ajoutez à cela la dévalorisation des filières professionnelles et on se demande quel genre de projets on propose à nos jeunes.
Je pense que dévaloriser l’acte d’apprendre, puisque c’est de ça dont il est question ici, c’est aussi dévaloriser l’acte d’enseigner lui-même. Et du coup, c’est aussi dévaloriser ceux qui enseignent. Je ne sais pas quand on va finir par comprendre que ce n’est pas une bonne idée pour un prof ou une direction de faire du school bashing en faisant son épicerie le samedi matin au IGA.
On dévalorise l’acte d’apprendre lui-même quand on crie sur les toits ou au IGA que les écoles donnent de la formation à rabais, que nos profs ne savent pas écrire et manquent cruellement de culture générale, que nos diplômes ne valent rien, que le système est dirigé du ministère aux écoles par des morons patentés et des syndicaleux corporatistes et que la recherche en pédagogie est le fruit des hallucinations de schizophrènes et que toutes les tentatives pour changer les choses ont été des échecs ou des entreprises strictement destinées à remplir les poches de peddlers pédagogiques,de faiseux de formations ou de vendeurs de technologie.
Cet espèce de discours nauséabond autour de l’école et de ceux qui la font ne présage rien de bon. Cela ne fait qu’annoncer l’ère des redresseurs de torts et la mainmise sur l’école des tenants d’une idéologie de droite.
Tant que ce n’était que le fait de quelques clowns qui distrayaient un certain public dans les radios poubelles et les petits journaux, on en riait. Quand c’est récupéré par des gens qui ont la possibilité d’être élus et de peser dans la balance, on rit moins.
L’école perd des plumes dans les sondages. L’école qu’on dénonce. L’image d’une certaine école qu’on voudrait désorganisée, inefficace, laxiste. Mais curieusement, quand on s’éloigne de cette École démonisée, et qu’on pose aux mêmes personnes les mêmes questions, mais sur l’école que fréquentent leurs enfants, les perceptions sont beaucoup plus positives. De la même façon, les gens qui ont des enfants d’âge scolaire ont une meilleure opinion de l’école que ceux et celles qui n’ont pas d’enfants à l’école. Ce n’est sûrement pas pour rien.
Et elle est là la vraie école. Celle dont on doit prendre soin.
À propos de la valorisation de la profession enseignante, toutes les enquêtes et sondages au Québec et en Europe révèlent que pour la population en général, les enseignantes et les enseignants font partie des cinq professions les plus valorisées avec les médecins, les infirmières, les policiers et les pompiers.
Voir à cet égard: http://www.opineduq.ca et l’avis du CSE de 2004 sur la profession enseignante.
En fait, les enseignants se valorisent moins que ne le fait la population en général..