La valeur des diplômes… et d’un manifeste

Neuf enseignants du cégep de Saint-Hyacinthe ont diffusé cette semaine une lettre ouverte qui semble avoir fait le bonheur de nombreux observateurs. Publié sous le titre «Manifeste pour un Québec éduqué» dans plusieurs journaux et repris sur quelques blogues, ce plaidoyer pour la valeur des diplômes au Collégial est aussi une charge contre une certaine «pédagogie universelle de la première session», composée d’une série de mesures infantilisantes s’apparentant très peu à des gestes pédagogiques. On s’est peut-être excité pour pas grand-chose, et quelques idées reçues aucunement définies…

«Nous voulons former des citoyens autonomes et responsables qui façonneront la société de demain. Nous voulons que les cégeps soient fiers des diplômes qu’ils délivrent, car ils sont gage de qualité.»

Je ne suis pas du tout impressionné par ce texte aux idées floues qui laisse entendre que les autorités du cégep de Saint-Hyacinthe demandent aux profs de baisser leurs exigences «pour favoriser l’octroi de diplômes au rabais». Si ces enseignants du Collégial sont capables de mettre dans la même phrase «reconduire les étudiants à la porte de leurs cours», «leur donner des points pour être venus s’asseoir devant nous», «les tenir par la main, en les mouchant» tout en qualifiant de «pédagogiques» ces comportements ridicules même pour des enseignants du secondaire, je me demande pourquoi il faudrait leur faire confiance sur le concept de «valeur des diplômes».

Je détecte entre les lignes de ce document, l’attitude trop souvent rencontrée au collège et à l’université de ceux qui possèdent le savoir et qui réduisent bien simplement la nature de leur travail : «Ma job c’est d’enseigner, celle des étudiants, c’est de m’écouter et de me lire».

Si j’osais, j’ajouterais que ces enseignants prêtent flanc à ce qu’on reproche souvent à certains profs qui estiment que leurs cours ont de la valeur dans la mesure où un grand nombre d’individus échouent. Évidemment, discuter avec ces gens d’approches et de stratégies, c’est l’équivalent de demander les efforts aux profs alors que ce sont les étudiants qu’il faudrait secouer!

On comprendra que je ne connais pas ces valeureux enseignants et que je ne doute pas de leur «ras-le-bol». J’aime bien l’idée de défendre la valeur des diplômes et de refuser de transformer les cégeps en grandes garderies.

«OUI à l’enseignement collégial qui doit réellement être un enseignement supérieur», au contact de vrais pédagogues qui ont à coeur de faire apprendre, en ayant dans leurs poches autre chose que «je parle / tu écoutes» pour ce faire.

«OUI à une véritable pédagogie qui s’incarne dans la connaissance», en appelant ce qui n’est pas de la pédagogie par son vrai nom : des consignes de surveillants!

«OUI à la soif de savoir des étudiants qui demandent à être traités comme des êtres pensants» et qui apprécient un encadrement de qualité au moins aussi bon que ce qu’ils trouveront une fois sur le marché du travail! On ne laisse plus des jeunes livrés à eux-mêmes en emploi…

Et pour ce qui est «de la reconnaissance des compétences et de l’autonomie professionnelle des enseignants des collèges», elle s’évalue autrement qu’au travers de la publication d’une lettre douteuse sous le titre ronfleur de «manifeste» qui pour en porter le nom devrait faire la différence entre «pédagogie» et «mesures d’accompagnement dignes de l’école préscolaire/primaire».

N.B. Décidément, les profs du Collégial en ont beaucoup à dire sur les jeunes qu’ils côtoient ces temps-ci…

Mise à jour du 6 juin: Un autre professeur du Collégial écrit dans le Devoir ce matin. Le ton est encore plus grave… «Les nouveaux demi-civilisés». Voici une réaction à son texte

Mise à jour du 8 juin: Ce matin, une sorte de réplique au manifeste, incomplète, mais une réponse tout de même, écrit par des membres du personnel de certains cégeps, «Vous n’êtes pas de petits «morveux» qu’il faut «moucher»». Chez Cyberpresse, une savoureuse réponse d’un blogueur connu et prof de cégep, «De meilleurs diplômes» !

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6 Commentaires
  1. Photo du profil de JonathanBoyer
    JonathanBoyer 11 années Il y a

    La valeur du diplôme défendue ici est plutôt celle de l’acquisition d’une littératie et d’une culture générale plus élevée qu’un élève de secondaire 5, me trompé-je?.
    Pour l’instant, la valeur de compétences professionnelles ou du savoir acquis n’a aucune valeur puisqu’ils sont délivrés par le Ministère de l’éducation. Quand j’y étudiais entre 2000 et 2003, il y avait eu un débat au sujet de la possibilité que les cégeps puissent délivrés leurs propres diplômes, mais les associations étudiantes se sont montré contre.

  2. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 11 années Il y a

    Mon interprétation est la même que la vôtre Jonathan.
    Le problème est que les dirigeants mettent de la pression sur des profs pour que plus d’étudiants «réussissent», mais le message perçu (et parfois littéralement exprimé) est «abaissez vos standards» pour ce faire.
    Au moment où il faudrait se regrouper et organiser une sorte «d’arrimage avec l’époque des apprenants» (celle-ci est de François Guité) à l’aide de la pédagogie (pas de ces ridicules consignes), c’est la confrontation qui prend le dessus.
    J’écrivais dans un courriel à une personne qui préférait réagir à mon billet par cette voie que «je ne doutais absolument pas des pressions exercés par les dg de cégep et du ras-le-bol des profs».
    Mon gros problème réside dans le réflexe de se défouler sur le dos de la pédagogie et du pédagogisme. Trop de profs de collèges et d’universités croient que les problèmes d’échecs ne les concernent pas et que la solution est toute simple : quand les jeunes seront tannés de couler, ils vont se forcer et trouver par eux-mêmes le courage de réussir !
    Faudra suivre tout cela de très près…

  3. Photo du profil de MarcSt-Pierre
    MarcSt-Pierre 11 années Il y a

    « Le problème est que les dirigeants mettent de la pression sur des profs pour que plus d’étudiants «réussissent», mais le message perçu (et parfois littéralement exprimé) est «abaissez vos standards» pour ce faire. »
    D’abord Mario, quiconque en éducation de nos jours ne se sentirait pressé pour que plus de jeunes réussissent et réussissent mieux, aurait un examen de conscience à faire. Pas besoin d’un méchant patron pour ça. Juste une lecture des enjeux devrait suffire pour nous sortir, si tant est qu’elle existe, de notre zone de confort. Et c’est bien triste que la première chose qui nous vienne en tête pour faire baisser la pression soit cette question de « baisser les standards ».
    Mais ce qui me lève les poils sur les bras là-dedans, c’est d’entretenir le fait que nous sommes collectivement une bande de tricheurs sans vergogne prêts à évaluer de façon extrêmement complaisante, à baisser les exigences, à émettre des diplômes bidon. Juste à cause de la pression… alors que justement la pression ça ne fonctionne pas quand on veut mettre quelque chose de différent en place. Aurait-il donc seulement fallu un peu plus de pression pour qu’on se mette à changer des pratiques… Ben voyons donc. Depuis quand ça marche mettre de la pression ? Pourquoi la pression ne fonctionne-t-elle pas pour passer de l’évaluation des connaissances à l’évaluation des compétences alors que ça fonctionnerait à merveille pour faire baisser les standards et inciter les gens à tricher avec l’évaluation ? Pourquoi est-ce que ça fonctionnerait quand c’est pour inviter les gens à ne plus se comporter en professionnels et à jeter aux orties leur intégrité, leur honnêteté ? Moi je ne peux accepter qu’on s’auto-proclame tricheur obligé. Looser patenté.

  4. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 11 années Il y a

    Je ressens moi aussi cette forme de «lâcheté» que je décode dans ce texte où des profs «s’auto-proclament tricheurs obligés».
    Je mets ça sur le dos d’une fausse lecture des «pressions» qui s’exercent.
    J’espère. Genre.

  5. Photo du profil de Helene
    Helene 11 années Il y a

    Une lettre publiée dans Le Devoir du mardi 7 juin présente une réponse aux critiques formulées dasn le manifeste et ailleurs envers les étudiants. Dans l’article intitulé «À la recherche de l’intelligence perdue»», un prof de philosophie au cégep, Xavier Brouillette, considère la réalité contemporaine. À lire également.

  6. Photo du profil de Antoine
    Antoine 11 années Il y a

    Merci de commentaire M. Marc St-Pierre. Vous avez fait état de ce que je crois être le bobo dans tout cela. Suite aux pressions, les enseignants (une partie) deviennent des tricheurs au nom de leur réputation et de l’image qu’ils projettent.

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