N.B. Ce billet est issu d’une série de seize qui identifient des raisons de se doter d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec. L’auteur est René Larouche, professeur retraité de l’Université Laval ayant comme principal champ d’intérêt la sociologie des professions. Je lui offre cet espace de mon blogue parce que j’endosse son travail.
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Un Ordre professionnel facilitera le recrutement des futures/s candidates/s qui désirent faire carrière dans l’enseignement…
« Il est reconnu, depuis de nombreuses années, que le choix de faire carrière dans l’enseignement se faisait assez souvent «par défaut», c’est-à-dire que certains étudiants s’inscrivaient dans les facultés des sciences de l’éducation parce que la plupart des autres voies leur étaient fermées ou inaccessibles. C’est dire que certaines cohortes de futurs enseignants ne comprenaient pas les groupes d’étudiants les plus performants avec, comme conséquences, un niveau de formation modeste pour plusieurs des nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes.
Il est aussi admis que l’absence de statut professionnel reconnu pour les «enseignants agréés» explique le manque d’attrait pour la profession et le peu d’intérêt de plusieurs étudiants performants à s’engager dans cette carrière. L’absence de reconnaissance professionnelle rend cette situation plus dramatique encore puisqu’elle conduit à constater à présent des difficultés dans le recrutement des futurs enseignants, notamment, de façon significative, pour enseigner en sciences et en mathématique. Ce n’est évidemment pas le niveau des exigences pour être admis dans les facultés d’éducation qui peut seul expliquer cette pénurie de futurs enseignants. C’est, plus que jamais, le peu d’attrait de la profession enseignante, dont l’image publique s’est détériorée une fois encore lors de dernières années, qui explique le nombre insuffisant d’inscriptions et la désaffection des populations étudiantes l’égard de la voie universitaire de formation à l’enseignement. Cette même réalité, vécue en de nombreux endroits, explique les mouvements de professionnalisation du personnel enseignant que l’on constate à présent dans plusieurs pays occidentaux. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, La profession en marche , Bulletin d’information du CPIQ sur l’ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec. Numéro 6, mai 2001, p.2)
Que pourrait avoir comme impact l’arrivée d’un l’Ordre professionnel sur la formation du personnel enseignant?
« C’est l’Ordre professionnel qui approuvera les programmes de formation initiale des universités. Il remplacera le CAPFE, comité ministériel, seulement consultatif, où les enseignantes et les enseignants du primaire – secondaire ne sont qu’en minorité. L’Ordre professionnel aura aussi la responsabilité des orientations de la formation en enseignement. Cette responsabilité est assumée actuellement par une direction du ministère de l’Éducation ainsi que par le COFPE. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 1, novembre 2001, p.9)
Pour prendre en main leur formation initiale et continue…
« Actuellement, les enseignants ne sont que consultés sur les politiques et sur les programmes de formation initiale universitaire, à l’intérieur de mécanismes et de structures où ils sont en minorité. Il en est de même pour la formation continue où les demandes des enseignants sont soumises à des mécanismes de l’administration scolaire, dans le cadre de politiques déterminées par le ministère de l’Éducation. L’Ordre professionnel des enseignants leur permettra effectivement d’élaborer les politiques et d’agréer les programmes de formation initiale et de devenir les véritables maîtres d’œuvre de leur formation continue.» (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, La profession en marche , Bulletin d’information du CPIQ sur l’ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec. Numéro 2, mai 1998, p.1)
La formation initiale
« En formation initiale, les universités ne semblent pas avoir les moyens, ou ne peuvent les prendre, de s’assurer que le profil personnel des étudiants qui s’inscrivent en formation à l’enseignement correspond aux exigences et aux besoins requis pour réussir une carrière dans l’enseignement. Pour ce faire, il faudrait que les normes d’admission aux facultés d’éducation tiennent compte aussi des caractéristiques personnelles propres à une réussite et à un accomplissement professionnels dans la carrière en enseignement. On doit déplorer aussi le niveau trop élevé des critiques formulées par nombre de futurs enseignants à l’égard de cette formation universitaire considérée parfois comme trop éloignée des besoins réels du milieu scolaire.
Cette situation problématique quant à la qualité de la formation à l’université est le résultat de plusieurs facteurs : « L’enseignement est d’abord une profession de masse qui a amené la multiplication des institutions de formation résultant des besoins grandissants du système d’éducation qui a défavorisé l’établissement et la généralisation de standards identiques de formation. De plus, le métier d’enseignant est fortement syndiqué et ce, depuis assez longtemps pour qu’une culture syndicale s’y soit solidement installée. Cette culture syndicale peut aller à l’encontre de ce que véhiculent les professions, par exemple en ce qui a trait aux normes de qualité des services et la responsabilité professionnelle des « travailleurs » envers le client. Enfin, la difficulté de faire reconnaître la spécificité et la valeur des savoirs des enseignants sont autant de facteurs qui freinent le processus de reconnaissance de la profession enseignante ».
Il faut souligner que le COFPE, ce comité consultatif qui recommande au ministre les orientations concernant la formation du personnel enseignant, ne comprend que cinq enseignants des milieux scolaires sur ses 14 membres. Cette sous-représentation des enseignants concernés qui exercent leur profession sur le terrain ne peut garantir ni la validité, ni l’objectivité des recommandations du comité et des décisions prises ensuite à un niveau politique qui peut-être soumis à diverses pressions de nature corporatiste ou technocratique.
Le CAPFE, comité d’agrément des programmes qui relève aussi du ministre de l’Éducation, n’est pas non plus représentatif des enseignants, pourtant largement majoritaires dans le réseau scolaire, alors qu’ils n’ont que deux représentants sur les neuf membres de ce comité consultatif.
De plus, la profession enseignante paraît être la seule où la compétence professionnelle acquise en formation initiale est reconnue pour la vie entière, après une période latente de deux années d’enseignement qui permettent surtout d’acquérir le statut permanent d’enseignant. C’est pourquoi le brevet permanent, accordé automatiquement et à vie par le ministère de l’Éducation après le baccalauréat universitaire, ne garantit absolument pas que la compétence professionnelle sera maintenue tout au long de la carrière en enseignement.
Par ailleurs, les statistiques ministérielles montrent que le système actuel peut amener le personnel enseignant à enseigner dans des domaines où il n’a pas les connaissances, ni les formations pédagogique et didactique appropriées. C’est le résultat de décisions prises sous l’influence des pressions d’intérêts corporatistes qui sont loin de placer leur priorité sur l’intérêt des élèves et sur la qualité de l’enseignement qui doit être offert à tous les élèves, à tous les niveaux, dans toutes les matières et dans tous les milieux. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p.3-4)
La formation continue
« En lien avec la formation continue suivie, il apparaît plus réaliste de croire, selon la participation aux activités à caractère vraiment professionnel (sessions, colloques, activités professionnelles offertes par les milieux scolaires), qu’un maximum de 20 % à 30 % des enseignants participent, sur une base régulière, à des activités de formation professionnelle continue qui sont vraiment de nature pédagogique et didactique, et surtout pertinentes et adéquates par rapport à leur niveau, à leur domaine et à leurs matières d’enseignement. Mais cette formation continue n’est pas plus une obligation que l’objet d’une reconnaissance dans le système actuel.
Il faut aussi déplorer que, dans le système actuel, un enseignant peut quitter l’enseignement et le milieu de l’éducation pendant 10, 15 ans et plus, sans perdre son droit, ni son autorisation d’enseigner.
La fonction de la formation continue vise à diffuser la connaissance, à maintenir et à mettre à jour la compétence des membres. Elle peut comprendre les cours, colloques, congrès, conférences, causeries, séminaires, visites industrielles, journées ou semaines thématiques, ateliers de formation. Pour l’Ordre des enseignantes et des enseignants du Québec, les activités de formation continue sont organisées par l’ordre lui-même ou encore par l’ordre en collaboration avec un établissement de formation,
C’est l’Ordre professionnel qui aura aussi la responsabilité de déterminer les politiques concernant la formation continue de ses membres. Cette responsabilité relève jusqu’à présent du ministère de l’Éducation. L’application de ces politiques relève des diverses administrations et des établissements scolaires. C’est dire que, quel que soit notre secteur ou notre statut dans l’enseignement, nous aurons, toutes et tous, enfin accès à des activités et à des programmes de mise à jour et de perfectionnement en fonction de nos besoins professionnels. Ainsi, aucune enseignante ou enseignant ne pourra plus être exclu, à priori, d’une activité de formation continue répondant à ses besoins. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 1, novembre 2001, p.9)
La formation continue : une composante essentielle du développement professionnel des enseignants
Pour le CPIQ, la formation continue est une composante essentielle du développement professionnel au cours d’une carrière en enseignement, à partir des qualifications acquises en formation initiale.
« Nous adhérons d’abord aux cinq principes que la formation continue est à la fois une nécessité, un engagement personnel, une responsabilité collective, un processus actif et participatif et une formation qui doit être pertinente. Pour ce faire, la formation continue, nécessaire et indispensable à un véritable développement professionnel en enseignement, doit répondre à certaines conditions :
- être accessible à l’ensemble du personnel enseignant, en fonction de ses besoins et non de son statut;
- s’inscrire dans un plan intégré qui réponde aux besoins avant tout individuels, mais qui tienne compte aussi de sa résonance afin la collectivité scolaire;
- reposer sur la responsabilité et l’engagement de l’enseignant lui-même pour s’assurer de la pertinence de toute formation continue au regard de son propre développement professionnel;
- se réaliser dans divers lieux et par différents modes, notamment par des formules de formation par les pairs, et par diverses organisations et institutions accréditées;
- être «apprécié» ou évalué, au même titre qu’elle se doit d’être planifiée.
Quant au partage des rôles et des responsabilités liés à la formation continue, nous considérons que les enseignants doivent en être les maîtres d’œuvre et les premiers responsables, avec le soutien des autres intervenants de l’éducation que sont les directions d’école (gestion de la participation des enseignants à de la formation continue), les commissions scolaires (offre de ressources pédagogiques), le ministère de l’Éducation (offre de ressources matérielles et financières), les universités (offre de ressources et d’activités de formation accréditées), les associations professionnelles d’enseignants (offres de ressources et d’activité pédagogique) et enfin d’un Ordre professionnel des enseignants (obligation d’assurer et de maintenir les compétences en enseignement ). » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 21, numéro 2, mai 2003, p.4)
Nous ajoutons aussi que toute démarche sérieuse d’évaluation des enseignants devrait avoir de l’impact sur un plan de formation continue. Cet aspect pourrait facilement être élaboré de concert avec l’Ordre professionnel.
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Une précision. Ma critique de la formation universitaire n’est pas qu’elle était trop théorique; plutôt qu’elle n’avait pas souvent la profondeur attendue. Pour quatre cours qui allaient changer ma pratique professionnelle, nombre d’autres étaient d’une superficialité déconcertante. L’exemple que je préfère citer est celui du crucial « Psychologie de l’adolescence », moins poussé que le cours du cégep qui couvrait tout le développement!
Il faut une formation théorique (la pédagogie est un art mais aussi une science!) mais qu’elle soit sérieuse! Est-ce qu’un ordre professionnel aurait suffisamment d’impact pour influencer certains départements universitaires sclérosés? Espérons.
Jean Desjardins
profenhistoire
[Découverte: J’ai écouté ce texte via la fonction voiceover de mon Ipod touch. Vive 2011. ]
[…] L’assurance que la formation initiale, pratique et continue soient adéquate. […]