N.B. Ce billet est issu d’une série de seize qui identifient des raisons de se doter d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec. L’auteur est René Larouche, professeur retraité de l’Université Laval ayant comme principal champ d’intérêt la sociologie des professions. Je lui offre cet espace de mon blogue parce que j’endosse son travail.
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« Notre société accorde beaucoup de valeur à la scolarisation, mais peu d’importance à ceux qui y travaillent. Il y a là contradiction étonnante. » (Fernand Dumont, 1990)
Même si le rehaussement du statut social et légal n’est pas l’objectif visé par la création d’un Ordre professionnel, ce type de reconnaissance identitaire permettra aux enseignantes et aux enseignants de valoriser davantage leur image dans la société. Il existe une fréquente confusion, entre la reconnaissance professionnelle des membres d’un Ordre professionnel (dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions) et leur reconnaissance sociale (très aléatoire selon les professions).
Les enseignantes et les enseignants méritent d’être désormais considérées/s et traitées/s en véritables professionnelles/s, et qu’on leur accorde enfin ce statut légal et social au Québec. L’Ordre des enseignantes et des enseignants permettrait entre autres à cette profession de jouer un rôle beaucoup plus important que ce qui s’est effectué dans le passé… et qui continue de se produire actuellement… non seulement en ce qui concerne l’amélioration du système d’éducation, mais aussi l’avenir de la carrière professionnelle de chaque enseignante et enseignant.
« Même si tel n’est pas l’objectif visé par la création d’un Ordre professionnel, le fait d’avoir un statut reconnu légalement contribuera à revaloriser l’image de la profession enseignante. Il est sûr cependant que ce n’est pas par sa nature seule qu’un Ordre peut revaloriser l’image de la profession enseignante, mais bien par ses actions. » (Fédération des Commissions scolaires du Québec; Avis fourni à l’Office des professions du Québec sur « La reconnaissance professionnelle des enseignantes et des enseignants », avril 2002, 2e partie, p. 5)
En plus de mieux protéger le public, l’appartenance à un Ordre professionnel renforcera d’autres axes fondamentaux que sont la valeur du titre professionnel. L’Ordre professionnel aura un impact majeur sur la valorisation et sur la reconnaissance professionnelle des enseignantes et des enseignants…
« Au cours des années, nous avons été traités tantôt de « travailleur de l’enseignement », tantôt de « travailleur intellectuel », tantôt « d’expert en éducation » et autres qualificatifs qui révèlent l’absence d’une véritable identité professionnelle reconnue et ressentie par l’ensemble des enseignantes et des enseignants.
Pourtant, il est de mode, dans les discours officiels, de nous « considérer » comme des « professionnels », tout en nous traitant plutôt, dans les faits, comme des « techniciens de l’enseignement » ou « des applicateurs de programme ». Grâce à notre Ordre professionnel, nous obtiendrons enfin une crédibilité et un statut professionnel véritables en tant « qu’enseignante ou enseignant agréé ». Ce titre professionnel « d’enseignante ou enseignant agréé » nous sera réservé et nous permettra d’être véritablement reconnus pour notre expertise, notre compétence et de notre intégrité, par les élèves et les parents, par l’administration scolaire et par le public en général. Nous ne serons plus alors seulement « considérés » mais plutôt « reconnus » et surtout « traités » comme de véritables professionnels par l’ensemble des intervenants en éducation.
Cette reconnaissance professionnelle et la crédibilité qui l’accompagne sont d’ailleurs ressenties et confirmées par l’ensemble des membres des Ordres professionnels existants, notamment dans des professions comparables à la nôtre comme celle des architectes, des ingénieurs, des notaires, etc. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 1, novembre 2001, p.8)
La valeur des rapports qui existent, d’une part entre les élèves et les parents, et les enseignantes/s d’autre part, sont grandement fondés sur la perception du niveau d’identité professionnelle qui est attribuée à chacune ou chacun.
Tags: "Administration scolaire" "Ordre professionnel"« Le portrait du système scolaire décrit dans le document de l’OPQ insiste bien sur le nécessaire lien de confiance qui doit présider aux rapports personnels entre l’enseignant et ses élèves. Il faut cependant souligner que les rapports entre l’enseignant et ses élèves sont avant tout des rapports personnels, bien que souvent pratiqués dans le contexte collectif de la classe. Ils s’expriment par des échanges de questions et de réponses, par de la correction de devoirs, des exercices, des tests et des examens, par les suivis personnalisés et les demandes d’aide multiples de la part des élèves, par des échanges sur des sujets familiers en classe et en dehors de la classe ou dans des activités parascolaires, ainsi que par des échanges et des suivis personnalisés avec les parents.
Il est important de souligner la relation étroite qui existe entre d’une part les rapports basés sur la confiance et d’autre part l’identité professionnelle. Il ressort clairement que l’identification à la profession, découlant de la création d’un Ordre professionnel, est un processus important dans la constitution d’une identification professionnelle. Cette identité renforce le sentiment de confiance en soi qui est ressenti par le professionnel, autant que la confiance en lui est ressentie par ceux qui sont en rapport avec lui et qui voient leur confiance grandir d’autant. Il est évident que le climat de confiance qui doit présider aux relations entre les enseignants, les élèves et leurs parents serait grandement consolidé si des normes de pratique et un code d’éthique régissaient l’exercice de la profession enseignante. Les responsabilités et les engagements professionnels des enseignants seraient alors clairement établis. Cette responsabilité et cet engagement professionnel, assumés par des membres d’un Ordre professionnel, consolideraient d’autant la confiance que les parents ont dans l’intégrité professionnelle des enseignants qui interviennent auprès de leurs enfants. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p.5-6)