Je me souviens au moment où j’écrivais le dossier « L’apprenant comme participant à la construction de contenu » dans le cadre d’un colloque du réseau des Universités du Québec de l’ampleur du défi qui m’attendait : suggérer aux universitaires qu’ils doivent s’adapter à un changement de support de la connaissance.
Je ne cesse d’être confronté à cette idée que l’école doit s’adapter, tout étant capable de résister aux modes proliférantes et aux mirages des vendeurs du temple. Le déploiement des réseaux et des environnements numériques interpellent autant les enseignants que les administrateurs, les parents ou les élèves. On ne parle pas ici du fait de « devenir amis » sur Facebook ou de simplement interagir avec ses étudiants par l’entremise de Twitter. Ce sont là des questions de surface qui ne valent pas le sujet d’un billet…
J’ai été heureux de lire cette semaine sur le blogue d’un copain français que la nouvelle entreprise se construit à l’école. Bertrand Duperrin est un consultant en management et son regard sur l’enseignement et le monde scolaire ne vient pas de l’intérieur puisqu’il oeuvre au quotidien avec des entrepreneurs. La lecture de son propos témoigne d’un regard très critique sur nos façons de faire l’école aujourd’hui :
« Dans une économie de la connaissance apprendre, savoir pour savoir, ne suffit plus. Il faut comprendre, s’approprier les choses, les mettre en contexte pour, plus tard les réutiliser, les adapter. Mais appropriation demande échanges, explications, discussions…qui sont aux antipodes de notre modèle. Bien sûr noircir des pages et des pages en cours (pour n’écrire rien de plus que le contenu du manuel qu’on a dans son sac) aide à apprendre. Mais pas à comprendre ni s’approprier. Vous avez dit “échange”, “discussions”‘ ? Le professeur sait, l’élève écoute. Un peu plus et on remettrait en cause le dogme de l’infaillibilité professorale… »
Je partage ce point de vue.
L’école souhaite des élèves autonomes, mais ne leur permet que très rarement de sortir des sentiers battus. Trop souvent, le corridor à suivre est celui déterminé par « celui qui sait », l’enseignant, et toute divergence avec l’itinéraire prescrit est sanctionnée. Pourtant, on devrait davantage s’intéresser à la destination et laisser celui qui apprend explorer différents chemins, quitte à réaliser l’ampleur de certains détours… Évidemment, je suis conscient du besoin de ceux qui apprennent d’avoir accès à ce que le guide en chef propose!
Tout comme Bertrand, j’en ai contre le peu de place réservée dans le cheminement scolaire des apprenants aux valeurs des entrepreneurs (lien brisé, voir alternative ici)…
- La créativité : Exprimer son idée, proposer des solutions à un problème.
- La solidarité : Accepter de se sentir responsable des choix et décisions du groupe.
- Le sens des responsabilités : Assumer et réaliser ce qui a été convenu par l’équipe et respecter ses engagements.
- L’autonomie : Fonctionner sans avoir besoin d’une supervision immédiate, faire des choix, prendre des initiatives et des décisions dans le cadre de ses responsabilités.
- La confiance en soi : Se percevoir positivement, miser sur ses aptitudes, ses habiletés et compétences, être certain de ses possibilités.
- L’esprit d’équipe : Travailler avec d’autres en tenant compte des responsabilités de chacun.
- Le leadership : Entraîner les autres dans la réalisation de ses idées et de ses projets, avoir une influence sur les autres, en raison de ses qualités personnelles, de ses connaissances et de ses compétences.
- La tenacité : Faire preuve de constance et de persévérance dans ce que l’on entreprend (une activité, un projet, etc.). Inscrire son action dans la durée, la mener à terme.
Les communautés éducatives sont – en théorie – d’accord à promouvoir ces valeurs, mais l’organisation de la classe autant que la rigidité des structures scolaires font en sorte que trop souvent, ces valeurs restent sur la tablette… Bertrand nous le rappelle :
« Malgré le fait qu’il y ait un large consensus sur le besoin de réinventer le modèle opérationnel et managérial de l’entreprise, tout le monde convient que la chose est loin d’être aisée. On a bien compris que dans de tels dispositifs c’est l’humain qui constitue le facteur lent. On parle beaucoup de la difficulté de changer, mais elle n’est que la partie immergée de l’iceberg. Il s’agit principalement, avant tout et surtout de désapprendre, d’oublier réflexes et mauvaises habitudes. C’est vrai pour des personnes qui ont 10, 20 ans de carrière et plus. Mais c’est tout aussi vrai pour les plus jeunes. La raison est bien connue : le “logiciel” humain se construit dès le plus jeune âge, les bons réflexes et les bonnes habitudes apprises avant un certain âge s’impriment profondément et il est difficile de les changer plus tard. »
J’aurai l’occasion de participer au début décembre à Paris à un événement de type BarCamp dans l’enseignement supérieur et j’imagine que je serai confronté aux mêmes défis de proposer que l’Internet participatif et l’utilisation des médias sociaux font davantage partie des solutions que des problèmes.
Permettre aux apprenants, dès leur tout jeune âge, de devenir entrepreneur dans leur parcours de formation est un des facteurs de ma motivation au quotidien.
C’est quand je lis des textes comme celui de Bertrand que j’en prends toute la mesure…
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