Note : Ce billet a d’abord été publié sur le site du Voir, dans la section « Blogues » et sur le site Éducavox dans la section « Débats ».
Lorsque j’étais directeur d’école, je me souviens au début des années deux mille d’avoir été mal à l’aise lorsque des parents visitaient les lieux à l’occasion des portes ouvertes. Quelques parents avaient fréquenté l’école quand ils étaient gamins et ce sont ces parents qui causaient souvent mon inconfort. « Wow, c’est exactement comme dans mon temps », s’exclamait ce papa ou cette maman. « Rien n’a changé… c’est tellement rassurant de savoir que notre enfant va apprendre dans le même genre de classe qu’était la mienne » !
Je ne disais rien en écoutant ces témoignages, mais en mon for intérieur, j’étais gêné. J’imaginais les mêmes parents entrer à l’hôpital avec leur enfant devant subir une intervention chirurgicale. J’imaginais leurs réactions si à la visite de la salle d’opération, ils avaient eu la même réaction qu’à l’école : « Wow, c’est exactement comme c’était quand je m’étais fait enlever les amygdales à dix ans. Rien n’a changé…» Est-ce qu’on accepterait de se faire opérer dans le même genre d’environnement que voilà vingt-cinq ans ? Selon les mêmes méthodes que voilà vingt-cinq ans ? Pourtant, en éducation, on semble penser que rien ne doit changer…
Tout ça pour dire que j’en ai provoqué du changement (ordinateurs portables, sites Web de type blogue pour publier du contenu, etc.) et aujourd’hui, on m’aborde souvent pour me dire jusqu’à quel point on est heureux d’avoir vécu le virage numérique dans la petite école que je dirigeais.
Bien sûr, il ne s’agit pas que d’introduire des tableaux blancs à la place des verts – ou des noirs – pour que le changement se manifeste. Aussi, bien des pratiques du passé occupent une place prépondérante dans la pédagogie d’aujourd’hui et c’est bien ainsi; on a qu’à penser au rôle d’une bonne dictée…
Qui travaille en éducation sait maintenant de plus en plus que le crayon d’hier c’est l’ordinateur d’aujourd’hui. Outil de recherche, d’écriture, de lecture ou calculatrice et bien d’autres choses, l’ordinateur est un support puissant aux apprentissages. Il ne remplacera jamais le professeur, mais il supporte déjà de bons résultats, entre autres parce qu’il permet de « faire ».
On n’apprend pas le soccer en dessinant un ballon.
Je suis de ceux qui croient qu’écrire souvent, pour être lu en particulier, favorise l’apprentissage de l’écriture. Notre belle langue est complexe et les règles de son orthographe autant que les éléments de sa syntaxe s’apprennent beaucoup mieux lorsque des contextes d’écriture motivants sont au menu.
Pour que l’organisation de la classe d’aujourd’hui puisse favoriser ce genre de contexte, le gouvernement a fait des choix lors du dernier budget et un an plus tard, je constate que le chemin sera long avant que les enseignants puissent disposer des outils dont il ont besoin dans le respect de leur autonomie pédagogique.
La bureaucratie ayant encore une fois pris le dessus sur la raison, voici qu’on apprend qu’un enseignant qui est habitué à travailler dans un environnement « MAC » devra se passer des sous ($$) du programme gouvernemental parce que l’endroit où les commissions scolaires ont le droit d’acheter n’offre pas ce type d’ordinateur. Aussi, il semble qu’il en coûtera plus cher de faire affaires avec le Centre de services partagés du Québec (CSPQ) – lieu choisi pour les achats – qu’à celui que privilégiaient certaines C.S. auparavant (le Centre collégial de services regroupés – CCSR – par exemple).
« Le programme École 2.0 prévoit l’achat d’un portable pour chaque enseignant et d’un tableau numérique interactif (TNI) par classe à travers tout le Québec, au cours des cinq prochaines années. Pour bénéficier des allocations du MELS, qui remboursera totalement ces dépenses, les commissions scolaires doivent toutefois se procurer les ordinateurs portables dans le cadre d’un achat regroupé auprès du Centre de services partagés du Québec (CSPQ), sans quoi elles ne toucheront pas un sou. »
Déjà que le choix d’équiper les classes de Tableau Blanc Interactif (TBI ou TNI, on parle du même bidule) est discutable, déjà que le virage numérique tarde dans les écoles, dans le contexte où le iPad arrive dans certains établissements scolaires et bouscule la notion de manuel scolaire, il faut se demander pourquoi le MELS rend les choses si compliquées pour les gens près de l’action qui veulent bouger ?
L’école, les enseignants et les élèves méritent mieux que ces manoeuvres qui complexifient la vie de ceux qui ont bien d’autres choses à faire que de se battre pour obtenir les outils de travail de leur choix.
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À quand le libre choix de la technologie qu’on souhaite utiliser, en tant qu’enseignant, celle avec laquelle on est le plus productif, efficace, etc. ?!? À quand la déduction fiscale (avec une certaine limite, si jamais un prof veut s’acheter une machine ultra-puissante à 3000$ par exemple ;-)) concernant l’usage professionnel qu’on fait de nos technologies ? Il me semble qu’en 2012, ça serait intelligent comme solution, non ?
Mais non, ce serait bien trop simple… et sûrement trop dommageable ($) pour certains lobbys qui poussent et veulent vendre leurs produits pas toujours aussi 2.0 qu’on veut bien nous le faire croire dans un beau discours digne du renard au corbeau…
M’enfin…
[…] que j’ai écrit ce billet, les outils numériques d’un enseignant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. J’ai été contacté par Vincent Marissal et […]
Comme ancien directeur d’école, que pensez vous des salaires des directeurs d’université a 300K$ et plus ?
Bien rémunérer les recteurs d’université, je n’ai aucun problème avec ça, mais pas dans le contexte où la gestion de leur établissement montre de sérieuses lacunes. Des gestes doivent être posés pour resserrer la gestion des universités bien davantage que de faire une chasse aux sorcières sur les salaires de leurs dirigeants, à mon avis.
Ce matin, une radio de Québec (Ville) dévoilait le genre de chose contre lequel tout contribuable a raison de se poser de sérieuses questions : les cadres supérieurs du réseau UQ semblent avoir droit à un régime de retraite plus que généreux, entériné au temps où Jean-Marc Fournier était ministre de l’Éducation.
« Resserrer la gestion des universités », j’écrivais. Beaucoup resserrer cette gestion, j’aurais dû écrire.
Les TBI commencent à peine à arriver dans les classes. La formation qui les accompagne est superficielle. Le plus ironique c’est que l’ordinateur portable n’arrive pas en même temps (cela fait 2 mois que ma voisine de classe a un TBI qui fonctionne sur mon portable personnel). Le gouvernement n’a vraiment aucune idée de ce dont les enseignants ont besoin et veulent. Ils créent un problème plutôt que d‘en régler un. Finalement, pour intégrer les technologies, à mon avis, le meilleur outil reste une connexion sans fil rapide et efficace. Ensuite, le reste suivra.