Je milite dans un parti politique qui accorde la priorité à l’éducation.
Depuis plusieurs semaines, je collabore avec des enseignants et d’autres passionnés en éducation pour étoffer les propositions de la Coalition Avenir Québec. Ce travail est en lien avec le congrès des 20 et 21 avril à Victoriaville.
Je milite aussi avec des gens qui sont davantage préoccupés par «l’organisation politique» et je perçois aussi, chez eux, le sentiment que l’éducation doit demeurer en haut de la liste des priorités. Je me sens donc de plus en plus à l’aise dans cette formation politique qui répond à mes aspirations pour le Québec de demain.
Bien entendu, j’entends ici et là plusieurs réactions à la suite des annonces de nos propositions; si l’école autonome (impliquant la remise en question des commissions scolaires telles qu’elles existent) suscite beaucoup de réactions positives autour de moi, le sujet de l’évaluation des enseignants est l’objet de plusieurs questions.
Avec l’annonce de ce matin, j’ai la conviction que certaines de ces questions trouveront réponse. Pas toutes les réponses peut-être, mais plusieurs.
Je m’explique…
Pour moi, la logique est assez simple et ce texte le confirme : pour viser la réussite scolaire « l’effet enseignant » est prépondérant. Nos mesures (l’école autonome qui valorise «l’effet classe» et augmente la rétention du personnel en développant des équipes-écoles plus fortes et cohésives, l’augmentation des salaires et l’évaluation des enseignants) vont dans ce sens. Aussi, il faut convenir que plusieurs enseignants réclament de l’aide directe dans leur classe, en particulier devant certaines problématiques plus lourdes; la répartition des ressources actuellement pose un réel problème et nos propositions peuvent y remédier. Mais il faut être clair… Ce n’est pas hausser les salaires OU aider les enseignants. Ce n’est pas non plus l’école autonome ou aider les enseignants. Agir de façon à ce qu’il y ait plus de ressources dans la classe au bénéfice des élèves est bien entendu une des cibles. Il y aura sans doute lieu de revenir spécifiquement sur ce point, mais force est d’admettre que le fait de redonner plus pouvoir aux enseignants et aux écoles va fortement contribuer à agir directement dans la classe.
Revenons sur l’évaluation. Elle a trop souvent été interprétée comme étant une sorte de façon de faire «la chasse aux mauvais enseignants»; mais pourquoi consacrerions-nous autant d’énergie à quoi… 5-8 % des profs ? Notre message n’est pas celui-là et ne l’a jamais été. L’enjeu est beaucoup plus important.
Nous voulons que «l’effet enseignant» sous un gouvernement de la Coalition Avenir Québec soit à son maximum. Que tous les enseignants produisent un effet prodigieux sur les élèves du Québec. Dans cette perspective, les évaluer est nécessaire, voire impératif. Connaître leur besoin (en formation et en ressource) passe par l’évaluation. Soutenir «l’effet enseignant», c’est soutenir les enseignants. C’est surtout soutenir le développement de leurs compétences professionnelles. La Coalition Avenir Québec veut que les enseignants du Québec passent du statut de «travailleurs de l’éducation» à celui de «Professionnels en éducation».
Comment pourrait-on le faire ?
La création d’un Ordre professionnel pour les enseignantes et les enseignants viendra supporter cette démarche d’évaluation de chaque enseignant en établissant les critères qualitatifs avec lesquels les directions d’école pourront mieux faire le travail. Des critères quantitatifs (résultats académiques des élèves, par exemple) pourraient aussi entrer en ligne de compte dans une moindre proportion.
La direction sera à ce moment responsable de l’évaluation, avec l’aide de l’Ordre professionnel. L’Ordre pourrait établir les critères (parmi d’autres fonctions qui lui reviennent) et la direction conduirait la démarche. Les critères qualitatifs liés à ce qui «fait» le bon prof viendront des pairs… des enseignants eux-mêmes. En cas d’insatisfaction d’un prof ou au terme de quelques évaluations négatives au point de ne plus satisfaire l’école, l’Ordre pourrait conduire les démarches vers «la sortie». Mais dans la grande – grande – majorité des cas, l’évaluation sera l’occasion de recevoir des feedback constructifs conduisant vers un plan de formation continue au plus grand bénéfice des élèves du Québec. Une bonne tape dans le dos et un vrai support. Sans compter toutes les perspectives de développement professionnel que nous entrevoyons pour ceux qui veulent «progresser» (devenir conseiller pédagogique, travailler dans l’Ordre, devenir concepteur de matériel / manuel [rf autre projet à discuter], oeuvrer comme professionnel au MELS ou cheminer vers la direction d’école)
De mon point de vue, l’Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants disposera aussi (comme tous les Ordres professionnels) de quatre (4) moyens pour assurer la protection du public (issu d’un texte de René Larouche à hyperlier plus tard)
a- Veiller à la compétence de ses membres.
b- La réglementation de la profession, c’est-à-dire tout ce qui touche à l’intégrité, aux méthodes et à la bonne administration (ex. : le Code de déontologie).
c- La surveillance de l’activité du professionnel, en corollaire de l’activité de réglementation. L’Ordre fait de l’inspection professionnelle auprès de ses membres et au besoin prescrit les redressements, les mises à jour ou autres mesures qui se révèlent nécessaires. C’est donc un type d’intervention qu’on peut qualifier de préventif. Ce point s’inscrit dans la foulée du paragraphe ci-haut concernant l’évaluation professionnelle des enseignants.
d- Les enquêtes et la discipline au-delà de la prévention. Le syndic de l’Ordre fait enquête sur les actes dérogatoires commis par les membres et les soumet au comité de discipline qui juge et sanctionne ». (Diamant, R., président de l’Office des professions du Québec; Allocution au colloque du CESSUL, 3 avril 1998, p. 4).
Je rappelle : « L’enseignant est le facteur ayant le plus d’influence sur l’apprentissage des élèves » (source, p.8). Permettons-lui de devenir un professionnel !
Mise à jour du 15 décembre 2013 : Très bon dossier sur les compétences nécessaire au 21e siècle qui complète bien ce billet. Un extrait : « S’ajoute aussi la nécessité, pour les enseignants, de bien saisir l’importance de ces compétences et des moyens de les intégrer dans leur enseignement. Pour y arriver, ils doivent pouvoir observer des exemples réels, s’engager dans des activités de développement professionnel sur une base continue et s’intégrer à des communautés d’apprentissage professionnelles. »
Tags: "Administration scolaire" "Coalition Avenir Québec" "Ordre professionnel"
Permettez-moi d’affirmer en prémisse ma grande ignorance en matière de système d’éducation, mon point de vue n’étant fondée que sur mon expérience d’ancien élève, de père de famille, d’acteur social et de contribuable, mais de ne pas me gêner quand même pour le partager avec vous. Il y a au moins deux trucs qui me chicotent dans ce projet d’ordre professionnel.
1. Cette nouvelle structure administrative ne constitue-t-elle pas, au fond, une nouvelle couche bureaucratique qui détournera fatalement une certaine quantité des ressources (financières, matérielles, humaines, etc.) publiques allouées à l’éducation de son objectif ? Ne risque-t-elle pas, par ailleurs, d’augmenter la paralysie engendrée par l’affrontement de groupes aux agendas déphasés (parents, employeur, partis, syndicats, etc.) au lieu de la dissiper ?
2. J’ai toujours eu un sérieux doute quant à la « professionnalisation » de l’enseignement. Bien sûr, il s’agit d’un métier qui relève à la fois d’une couche de sciences et d’expertises (ex: mathématiques, éducation, psychologie, communication…) et, dans un monde idéal, ce serait une profession à vie. Dans la réalité de nos sociétés, en revanche, sa pratique nécessite une bonne dose de compromis, n’est pas exempte de heurts, de blessures morales et, à toutes fins utiles, elle finit par « user » un certain nombre de praticiens. Ceux-ci auraient intérêt à se ressourcer lors de sabbatiques, voire même en empruntant carrément une autre voie.
De façon symétrique, le travail d’enseignant pourrait intéresser, nourrir et décupler l’utilité de certains professionnels « externes » à la profession pendant certaines périodes de leur vie. Or, j’ai peur que cet Ordre souhaité devienne rapidement une structure de rétention et d’exclusion, une sorte de temple réservé aux orthodoxes initiés selon des rites précis par un clergé professionnel intransigeant. Si c’est le cas, adieu la mobilité sociale permettant de passer de l’enseignement à autre chose ou, à l’inverse, d’autre chose à l’enseignement.
Pour quelqu’un qui prétend ne pas connaître le système d’éducation, tes questions sont bien ciblées…
1- Normalement, ce genre d’organisme s’autofinance, c’est-à-dire que son budget provient des cotisations des membres. Côté bureaucratie, un Ordre pour les enseignants deviendrait le 47e de ce genre au Québec et s’il faut éviter de sombrer dans le corporatisme, je crois que ce pallier reste proche de là où se passe de l’action. Rarement on taxe les Ordre professionnels de «paralyser des groupes aux agendas déphasés»; ils sont là pour protéger le public et rehaussent la notoriété des professionnels encadrés ainsi…
2- L’enseignement est bien davantage qu’un métier. Les enseignants reçoivent trop peu de feedback dans l’état actuel des choses et ils ne se sentent pas assez supportés. La professionnalisation doit être vu comme la reconnaissance que devant la complexité de la fonction, il y a objectivement une expertise particulière. On doute moins du diagnostic et du traitement prescrit par un médecin que des recommandations d’un enseignant dans notre société et ce n’est pas normal. La formation continue des enseignants est aussi au coeur des enjeux de cette profession qui mérite de se voir reconnue à la hauteur de son statut.
Dans ton dernier paragraphe, tu touches un des points sur lequel nous souhaiterions intervenir. Il est actuellement anormal que des gens avec des bacc. spécialisés et désireux d’enseigner doivent «se taper» un autre bacc. de quatre ans. La formation initiale est trop influencée par le MELS, au gré des gouvernements qui se succèdent; il est temps que cette formation initiale soit balisée par un organisme stable et indépendant. Il est possible sous l’encadrement de l’Office des professions de ne pas compliquer les choses (déjà trop compliquée) pour favoriser davantage de «mobilité sociale».
Merci de ta contribution Christian.
Est-ce que payer 20% plus cher un enseignant permettra à ces jeunes de mieux réussir? 20% de 50 000$ = 10 000 -35% d’impôts (3 500$) = 6 500$ – 17 % de TPS/TVQ de tout ce que j’achète (1 105$) = 5 395$ /52 = 100$ par semaine de plus dans les poches du prof. Hum! Ce montant rembourse à peine l’argent dépensé (le site canadianteacher.com dit que les enseignants dépensent en moyenne 500$ de leur poche pouren moyenne pour regarnir la classe, acheter des collants ou payer un diner-pizza) Est-ce que ces millions de dollars ne seraient pas mieux investis dans de meilleurs services à l’élève, plus d’orthopédagogues, plus de psychologues pour passer des tests de dépistage d’un déficit de l’attention (peut-être il y aurait moins de Ritalin prescrit avec de vrais diagnostics). Le problème #1 est que les élèves sont trop mous. Les profs veulent être plus exigeants, car ils ont la réussite globale de l’enfant à coeur, mais le MELS doit atteindre des chiffres comptables de réussite, alors on réduit les exigences pour qu’un plus grand nombre d’élèves se qualifie malgré un manque flagrant d’esprit critique. Sauf que… ces jeunes seront les employés de demain et honnêtement, je suis inquiet de leur laisser ma voiture, ma toiture, ma teinture, ma culture, mon futur.
Deuxièmement, malgré leur ordre professionnel, l’OIIQ peine à justifier une augmentation de 40% de cotisation pour payer les rénovations de leur local à Outremont et expliquer pourquoi ça va si mal dans le réseau de la santé. Les infirmières sont à bout de souffle et on leur demande de plus en plus. Mais oui, les patrons veulent leur bonus alors ils coupent ici et là. Ma femme est infirmière en maternité et ils vont la remplacer par une visite virtuelle de la salle d’accouchement alors qu’il n’y a jamais eu autant de naissance à Pierre-Boucher. À part payer de 338 à 409$, qu’est ce que l’Ordre apporte de plus dans sa vie…rien.
Moi, je vois davantage d’administrateurs être employés que d’orthopédagogues et tout autre logue au service des élèves. En passant, votre discours est bien écrit, mais il faudrait le faire lire à votre chef Légo qui n’y comprend rien. Je vous invite à lire ce texte: http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201109/07/01-4432209-evaluation-des-profs-une-experience-unique-qui-tourne-au-desastre.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4431305_article_POS3
« Les critères d’évaluation seraient fixés par les experts indépendants de l’éventuel ordre professionnel et les membres de la CAQ, qui n’a pas encore évalué le coût d’une telle disposition ».
Me semble qu’on avait déjà lu que : http://www.cyberpresse.ca/debats/opinions/201109/08/01-4432611-oui-mais-par-des-enseignants.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4432218_article_POS5
Difficile de croire que votre chef CAQ écoute la population , je crois plutôt qu’il a ses idées propres et son lobby personnel.
Mario,
1) Au collégial, « l’évaluation des enseignements » fait DÉJÀ partie de notre convention collective. Considérant qu’il y a parfois des similitudes avec les conventions du primaire et du secondaire, est-ce que tu es en mesure de me confirmer si oui ou non l’évaluation des enseignements fait (aussi) partie de leurs conventions ? Parce que tu comprendras que si jamais c’était aussi le cas, ça rendrait la proposition de la CAQ en partie étrange.
2) Il me semble qu’il y a une différence entre *évaluation des enseignants* et *évaluation des enseignements*. Mais pour le moment, il me semble que persiste un flottement entre les deux, du côté de la CAQ. L’annonce de la CAQ que tu as mise en hyperlien mentionne en titre les *enseignements*, mais je n’y lis que de l’évaluation des *enseignants* dans ce qui est proposé. À l’inverse, des éléments de ton billet me semblent aller au-delà des seuls enseignants et touchent plus globalement aux enseignements (tu mentionnes que « plusieurs enseignants réclament de l’aide directe dans leur classe, en particulier devant certaines problématiques plus lourdes », de même que l’impact des équipes-écoles, par exemple ; ce qui implique dans les deux cas que la qualité de l’enseignement ne repose pas que sur l’enseignant). Or, s’il s’agit bien d’évaluation des *enseignements*, réclamer pour cela la constitution d’un ordre professionnel des enseignants ne me semble pas aller de soi. À moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse de refiler une partie de la facture de cette proposition politique aux enseignants (qui devront payer des cotisations annuelles à l’ordre, pour évaluer… les enseignants ou les enseignements ?). Par ailleurs, les syndicats ne peuvent-ils pas représenter les besoins de leurs membres ?
3) La formation continue, c’est bien, essentiel même. Mais la gestion bureaucratisée proposée me semble contreproductive – pour faire un clin d’œil à des expressions que j’ai employées ailleurs, ça me semble relever du (maintenant désuet) « second esprit du capitalisme », alors que nous sommes entrés dans la troisième mutation de cet esprit. Il faudrait sans doute que je développe ce point, mais étant donné que tu connais bien le Web Mario, pour faire court, je vais me contenter d’évoquer quelques exemples. J’ai appris « par moi-même » le fonctionnement des Wikis, des blogues, des fils RSS, des signets sociaux, des pratiques Web, etc., eh bien, sur papier cette (auto)formation ne se trouve pas à être reconnue. En revanche, si je m’étais traîné les pieds et que j’avais vécu replié sur moi-même dans les dix dernières années, je pourrais m’inscrire à un cours Performa sur ces outils (http://www.usherbrooke.ca/performa/fileadmin/sites/performa/documents/Programmation_reseau/APO_353__Outils_web_2.0_H12_fiche_.pdf ), obtenir 3 crédits universitaires et voir cette « formation continue » reconnue sur papier. Est-ce ça l’autonomie professionnelle ? À moins que l’on suggère de s’inscrire à des cours que l’on pourrait sans doute (déjà) donner soi-même, juste pour obtenir une confirmation papier – tout en alimentant les universités en frais de scolarité selon une logique « utilisateur-payeur » je présume. Si l’exemple te semble particulier, il y a pire : un cours Performa de 3 crédits pour apprendre à se servir de LÉA/Omnivox (http://www.usherbrooke.ca/performa/fileadmin/sites/performa/documents/Programmation_reseau/APO_253_Les_outils_Lea_H12__fiche_.pdf ) : que l’on offre de l’aide aux personnes qui en souhaitent, je suis bien sûr en faveur, mais que l’on reconnaisse institutionnellement 3 crédits pour ça alors que l’on ne « reconnaît pas » (enfin, sur papier, ce qui est la « norme » d’une bureaucratisation de la formation continue, sans parler de l’avancement dans les échelles salariales) les acquis de la vaste majorité qui n’a pas besoin d’un cours universitaire pour savoir entrer des notes sur Omnivox, comprendre que de laisser des commentaires individualisés aux étudiants est aidant et d’être capable de téléverser un document ou gérer un forum, ça me sidère. Est-ce bien ça, l’autonomie professionnelle ? Est-ce bien ça, l’autonomie intellectuelle ? Et toute la formation disciplinaire : combien d’enseignants se tiennent à jour dans leur domaine en lisant diverses publications, qu’ils se procurent à leurs frais et lisent sur leur temps ? Ils peuvent alors choisir ce qui est le plus pertinent pour eux, au moment où c’est le plus pertinent pour eux – mais ce n’est pas reconnu par un « papier », alors que s’ils utilisent ce temps pour s’inscrire à une formation mal adaptée à leurs besoins, là il y aura un « papier ». C’est ça, l’autonomie professionnelle ? C’est ça, la flexibilité ? C’est ça, le décloisonnement des esprits ?
Le diable se cache dans les détails, dit-on.
Je comprends que la CAQ est encore en réflexion, mais pour le moment il manque vraiment de la chair autour de l’os.
1) Ma lecture et celle de mes confrères à la #CAQ est qu’une réelle évaluation systémique des enseignements ne fait pas partie de la convention collective actuelle des enseignantes et des enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire.
2) Les syndicats défendent leurs membres. Un Ordre professionnel protège le public et veille à la compétence de ses membres. Il est le responsable du droit de pratique, ce qu’un syndicat ne devrait pas s’occuper. La Coalition souhaite évaluer les enseignants. J’admets que dans mon billet j’élargis à l’enseignement. Ces distinctions passent mal dans l’oeil du grand public, mais ton commentaire m’inspire et je tenterai de contribuer à mieux circonscrire notre cible d’ici à ce que nous ayons adopté notre plateforme électorale.
3) Tu admettras avec moi qu’une culture valorisant une formation continue des enseignants tout au long de son parcours professionnel ne s’est pas encore matérialisée au Québec. Dans mon esprit, pas question de «gestion bureaucratisée», mais certainement, au terme d’une évaluation systémique, d’un réel plan de formation individuel qui favorisera l’autonomie professionnelle en cohérence avec les résultats de l’évaluation. Jusqu’à quel point l’Ordre professionnel doit se mettre «le nez dans ça» ? Elle doit veiller à la compétence de ses membres; tout ce qui mène au maintien de cette compétence est sûrement de son ressort, mais la formation continue va au-delà de ce simple maintien. Une direction et un enseignant évalué avec succès peuvent très bien convenir de ce plan de formation…
Nous travaillons sur une plateforme électorale à être adoptée pour le 21 avril au congrès de fondation. Chaque fois que j’entends (ou je lis) qu’il manque de «la chair autour de l’os», j’y vois un signe d’intérêt pour la Coalition et une invitation à continuer le travail. Voilà ce qui m’anime…
Merci de ta contribution Patrice.
Bonsoir Mario,
1) Merci de la précision.
2) Je comprends que les distinctions entre *enseignants* et *enseignement* passent mal (ou pas?) dans l’œil du grand public, mais étant donné que c’est beaucoup plus qu’une question de mots, je me réjouis que tu songes à tenter de mieux circonscrire votre cible. Si un enseignant « de qualité » n’a pas les conditions matérielles nécessaires (cheminement et accès à des dossiers scolaires, professionnels spécialisés, ressources didactiques/disciplinaires, aménagement des lieux d’enseignement, accès à un téléphone dont la boîte vocale n’est pas défectueuse périodiquement, dictionnaires qui ne datent pas de 20 ans, inféodation aux services informatiques pour des projets pédagogiques, etc., etc.), bref, si un enseignant « de qualité » n’a pas les conditions matérielles nécessaires pour dispenser un enseignement adéquat, aura-t-il les mécanismes nécessaires pour que ce soit adéquatement pris en compte ET pour améliorer la situation dans l’immédiat ? Simple question de la qualité de l’enseignement envisageable avec laquelle son art sera de jouer au bénéfice de ses étudiants. Puisque l’on enseigne autant avec nos actes que nos paroles, face aux conditions matérielles inadéquates, l’enseignant a au moins l’opportunité de montrer que l’on peut prendre l’adversité du sort tout en gardant le sourire (ce qui n’est pas rien), mais pour ce qui est de l’État et des institutions, ça (dé)montre surtout aux étudiants qu’eux ne prennent pas au sérieux l’éducation de qualité – voire qu’ils s’en foutent, pourvu que les stats soient adéquates pour les mettre sur une tablette. D’où l’importance de savoir si la proposition de la CAQ tiendra compte d’une reddition quant aux conditions *d’enseignement*, dans son évaluation des *enseignants* pris individuellement. Pour ce qui est de la nécessité d’un Ordre professionnel (autofinancé par les enseignants, si je comprends bien – ce qui revient tout de même à déverser sur ceux que la CAQ veut (re)valoriser l’entièreté de la facture de votre proposition politique) pour encadrer tout ça, je suis encore bien loin d’être convaincu, mais je vais attendre d’en savoir plus pour me faire une idée – je laisse la chance au coureur.
3) C’est un aspect aux mille nuances nécessaires, c’est certain. J’admets que « culture valorisant une formation continue des enseignants tout au long de son parcours professionnel ne s’est pas encore matérialisée au Québec », *si* on entend par là une valorisation gestionnaire/institutionnelle. Par contre, je crois qu’une culture valorisant une formation continue fait partie des mœurs de bien des profs (à bout de souffle, peut-être pour plusieurs?). L’essentiel de la question me semble donc résider dans le « comment ». L’une des grandes questions, c’est de voir si serait reconnu et valorisé l’autoformation qui se fait déjà – l’apprentissage en cadre informel. S’il s’agit de formaliser l’informel, ça risque d’être difficilement gérable. Mais puisque tu dis dans ton billet que ce ne serait que « 5-8% » des profs qui seraient de mauvais enseignants, la CAQ serait-elle prête à proposer d’allouer un nombre d’heures significatives par semaines à tous les profs, qu’ils pourraient utiliser en tant que « temps destiné à des fins de recherches personnelles » avec budget pour l’acquisition à la discrétion du prof de ce qui lui est adéquat à ce moment-là (à l’image de Google, qui offre à ses employés d’utiliser 20% de leur temps rémunéré sur des travaux personnels) ? Si oui, assumera-t-on que pour être conséquent, il faudra alléger dans une même proportion d’autres tâches liées à la profession ? (Et donc, probablement engager « ailleurs » – un plus grand nombre de profs, par exemple ?) Et si non, comment la montagne pourra-t-elle faire autrement que d’accoucher d’une souris ? Par ailleurs, en ce qui a trait à la formation continue, la tarte des allocations étant limitée, il me semble qu’il faudra s’assurer de ne pas transférer en allocations des sommes pour des « mises à niveau » des 5-8% les « moins compétents » au détriment d’allocations qui pourraient servir à la vaste majorité des « plus compétents », voire des plus novateurs. Concrètement, tout cela demandera des investissements significatifs, que j’espère que la CAQ considère tangiblement afin que « les bottines suivent les babines. »
Tout cela dit, sur le fond, lorsqu’il est question de « chair autour de l’os » qui manque, tu as bien raison Mario de prendre ça comme une invitation à continuer le travail. À tort ou à raison, je crois que lorsque l’on prend du temps pour écrire à une personne, même si on émet des réserves, critiques ou questionnements, c’est qu’on la considère – vraiment.
Bonne poursuite des réflexions à toi et tes confrères, cher Mario !
Au premier abord, je ne suis pas contre un ordre professionnel en éducation, mais dans la mesure où ce sont les principales personnes concernées qui en auraient l’initiative, qui donneraient naissance au projet et le gèreraient. Avec tout le brouhaha qu’a engendré la réforme depuis 10 ans, j’ai peine à croire qu’on ne tire pas plus de leçons de la démobilisation que peut engendrer une attitude d’imposition. S’il y a une action que devrait poser un parti politique dans ce dossier, ce n’est pas tant de décréter la création de l’ordre en question, mais plutôt d’offrir aux enseignants le support nécessaire (moral, financier, temporel, etc.) à la création qu’eux-mêmes prendraient en charge.
Ensuite, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée de remettre la responsabilité de l’évaluation entre les mains des directions d’établissement. La recherche en administration scolaire montre assez bien l’importance du rôle de leader pédagogique des directions. Or, pour différentes raisons, on sait que ce rôle n’est pas si pleinement assuré que cela en certains lieux. Je doute fortement que l’attribution d’un rôle d’évaluation contribuera à accentuer les échanges pédagogiques fructueux entre les enseignants et la direction. À ce compte-là, pourquoi ne pas demander aux enseignants d’évaluer leur direction? car, de fait, cette dernière joue aussi un rôle dans la réussite des élèves. Je crois qu’il serait plus profitable de raffermir les mécanismes de concertation entre ces intervenants plutôt que de les mettre dans une relation de sanction qui risque de cultiver la compétition plus qu’autre chose.
Par ailleurs, pour alimenter la réflexion sur la question des critères d’évaluation, j’encourage la lecture de l’ouvrage «Visible Learning: A Synthesis of Over 800 Meta-Analyses Relating to Achievement» du professeur John Hattie de l’Université de Melbourne en Australie. Il parvient plutôt bien à démêler l’essentiel de l’accessoire, tout en montrant bien la complexité inhérente à la réussite scolaire. Le livre est divisé en autant de chapitres que de facteurs qui entrent en jeu dan la réussite: l’environnement familial de l’élève, les caractéristiques de l’élève lui-même, la façon dont le programme de formation est conçu, l’effet enseignant, l’incidence des approches pédagogiques (2 chapitres). Un dernier chapitre conclut en considérant l’ensemble de ces facteurs conjointement. Pour illustrer la portée des facteurs et sous-facteurs, l’auteur a utilisé un graphique qui ressemble à un odomètre, ce qui permet de distinguer aisément les facteurs qui ont plus de poids de ceux qui en ont moins.
Enfin, plutôt qu’imposer un ordre professionnel, je me demande s’il ne serait pas plus bénéfique de mettre d’abord l’accent sur la question du développement professionnel. En commençant par le revaloriser à grande échelle. En associant le développement professionnel, non pas à la réponse d’une carence chez l’individu, mais à une nécessité tout à fait normale puisque, comme dans tout domaine, les connaissances changent au fil du temps. En proposant une offre de DP sérieuse; j’entends par là quelque chose qui va au-delà de 5-6h ponctuelles par année. En mettant à jour le modèle actuel de formation continue dans les milieux scolaires. En offrant des incitatifs à ceux qui manifestent un désir de mettre à jour leur pratique et en les supportant davantage que présentement dans cette démarche.
Pour terminer – et cette fois c’est vrai – j’aimerais souligner une initiative lancée par le MELS il y a quelques années. Il s’agit du «Programme de formation continue pour le personnel enseignant». C’est un programme qui incite les milieux scolaires et universitaires à travailler conjointement au profit du développement professionnel des enseignants. Les projets sont élaborés à partir de thématiques spécifiques que les milieux scolaires intéressés contribuent à cibler. Le financement est disponible pour une période de 1 à 3 ans, avec possibilité de renouvellement, ce qui offre un potentiel de continuité et d’approfondissement intéressant.
J’abonde tout à fait dans le sens de M. Létourneau. Il faut trouver une façon de reconnaitre le temps de qualité qui est investi par les enseignants sur leur temps personnel. Cela pose un beau problème sur le plan de la faisabilité mais, avec ce que nous dit la recherche sur l’apprentissage en contexte informel depuis plusieurs années, cela mérite qu’on s’y casse la tête…
Les principales personnes concernées (les enseignants) doivent porter l’initiative, dans des conditions idéales pour donner naissance au projet. Nous souhaitons qu’ils le gèrent. Compte tenu d’une certaine omerta en éducation, est-ce qu’il pourrait être possible à une masse critique d’enseignants (obligatoirement syndiqués) de se «laisser-aller» à ce projet dans le contexte où tant d’énergie est investie par le même syndicat à «lutter» contre ce projet ?
J’ai vécu comme directeur le rôle d’évaluer les enseignants d’une des écoles que j’ai dirigées et l’effet a plutôt été de solidifier celui de leader pédagogique.
Pourquoi penser spontanément à une «relation de sanction» en pensant à cette démarche. La très grande majorité des évaluations sera l’occasion d’une «bonne tape dans le dos et d’un vrai support». Je ne voudrais «donner» à personne d’autre qu’à ce leader pédagogique cette chance de se montrer constructif avec les enseignants…
Je retiens pour la suggestion de lecture. Je vais faire circuler à mes camarades…
Je crois qu’il est possible de faire ce que tu proposes au niveau du développement professionnel avec la dynamique de mise en oeuvre de l’Ordre.
Je vais retourner voir du côté du «Programme de formation continue pour le personnel enseignant»; ça fait un bail que je ne suis pas allé revisiter cette documentation.
Enfin, il a été question cet PM dans la rencontre des enseignants avec M. Legault de reconnaissance à donner au «temps de qualité qui est investi par les enseignants sur leur temps personnel». Faudra trouver… Pas facile.
Merci de ta contribution Stéphane.
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