L’éditorial de cette semaine de Brigitte Breton sur la création d’un Ordre professionnel pour les enseignantes et les enseignants du Québec a le mérite de ramener à l’avant-plan le débat sur une proposition de la Coalition Avenir Québec. Une proposition du même type avait connu un certain succès voilà une bonne dizaine d’années et l’idée de professionnaliser le métier d’enseignant date de beaucoup plus longtemps. Un retour sur certains arguments avancés par Mme Breton s’impose, cependant…
S’il est bien vrai comme l’écrit Brigitte Breton que « l’opposition des syndicats d’enseignants » ne doit en rien empêcher la Coalition Avenir Québec d’accorder « de grandes vertus à un Ordre professionnel des enseignants », je ne crois pas non plus que l’avis de l’Office des professions (datant de décembre 2002) devrait ralentir les ardeurs de tous ceux qui appuient cette idée beaucoup plus rassembleuse que l’éditorialiste du Soleil ne le laisse entendre.
Il faut lire l’avis au complet pour ressentir tout au long de la lecture du texte qu’on penche du côté du « oui », de bons arguments y étant présentés; au moment venu de conclure, une retenue (comme si cette conclusion avait été écrite en toute dernière minute) fait en sorte que la recommandation devient : « pas encore nécessaire » ! Ce paragraphe de la page 65 me paraît clair et plaide en faveur de mon interprétation des choses (les caractères en gras sont de moi) :
« Il ressort de ce qu’on vient d’énoncer qu’il serait avantageux, pour le système d’éducation, de s’inspirer, à certains égards, des mécanismes professionnels. L’Office déduit également de ses travaux que l’encadrement actuel peut continuer d’être amélioré et ainsi suffire, par ses voies propres, à mettre en place des mécanismes pouvant mener à des résultats comparables à ceux d’un ordre, dont l’évaluation de la pratique individuelle et la discipline… »
Le problème posé par cette recommandation est le suivant : « l’encadrement actuel » de la pratique individuelle s’est-il oui ou non « amélioré » (et « ainsi suffire ») ?
C’est parce qu’il faut répondre « non » à cette dernière question que le débat doit reprendre. Et s’il y a eu amélioration – ce dont je doute – certainement qu’ils ne suffisent pas à « la mise en place de mécanismes pouvant mener à des résultats comparables à ceux d’un ordre ».
Je lisais dernièrement un autre éditorial, celui de Maurice Tardif (alors directeur du Centre de Recherche Interuniversitaire sur la Formation et la Profession Enseignante -CRIFPE) écrit au lendemain d’un autre avis (2004) qui a laissé bien des gens perplexe, celui du Conseil supérieur de l’Éducation, qui ne disait ni oui ni non… Les propos de M. Tardif sont sans équivoque…
« Or, prendre position nécessite de cesser de jouer avec les mots. Bref, il faut appeler un chat un chat. Ainsi, en Amérique du Nord, un groupe de travailleurs ne peut pas porter le titre de profession si ce titre n’est pas reconnu par la loi et défendu par un ordre professionnel. Jusqu’à preuve du contraire, sur le plan social, juridique et politique, les enseignants sont donc des fonctionnaires syndiqués et non pas des professionnels. Il faut par conséquent cesser de jouer avec les mots, ne plus utiliser les termes « professionnels » et « profession » pour désigner les enseignants et leur métier, et cesser de prétendre, comme on le fait depuis le rapport Parent, que l’enseignement est une profession, si du même tenant on refuse l’existence d’un ordre professionnel ou si on n’en affirme pas la nécessité. »
Pour ce qui est des « résultats de vieux sondages » évoqués par Mme Breton dans son édito, je suis d’accord avec elle qu’il faut reprendre le tout beaucoup plus sérieusement qu’à l’époque. Quelques années à peine avant ce score de 95 % contre l’Ordre, le CPIQ avait lui-même brandi un sondage qui affirmait que plus de 76% des enseignants sont favorables à la création d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants. Les résultats de ces deux consultations montrent que la lumière n’a pas été faite sur cette question de la position des enseignants sur ce sujet.
Si je ne fais pas confiance aux instances syndicales pour mener une consultation objective (j’en veux pour preuve le dernier sondage sur la paye au mérite même pas au programme de la C.A.Q.), je crois que l’occasion d’une élection est peut-être un forum intéressant pour réactiver ce débat et, par la suite, trouver une façon de consulter les enseignants de manière plus objective.
Dans les prochaines semaines, j’aimerais bien qu’on puisse revenir sur la question de l’obligation de nommer un protecteur de l’élève que Mme Breton semble identifier comme argument contre. J’ai appuyé personnellement cette mesure en 2008, mais je constate depuis ce temps le peu de mordant de ce nouveau personnage qu’un syndicat a récemment suggéré de passer « dans le tordeur des coupures ».
Mme Breton suggère à la Coalition Avenir Québec de « peaufiner les mécanismes d’évaluation des enseignants »; la création d’un Ordre professionnel pour les enseignants s’inscrivant dans cette démarche (le travail n’est évidement pas terminé), je vois dans cette fin d’éditorial une invitation à poursuivre notre travail. Deux des défis seront d’acheminer nos arguments – je ferai circuler cette liste de seize raisons à la C.A.Q. – auprès des électeurs et de trouver la façon de communiquer directement avec les enseignants…
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Monsieur Asselin,
Vous dites : « C’est parce qu’il faut répondre « non » à cette dernière question que le débat doit reprendre. Et s’il y a eu amélioration – ce dont je doute – certainement qu’ils ne suffisent pas à « la mise en place de mécanismes pouvant mener à des résultats comparables à ceux d’un ordre ». »
Ce ne doit pas être parce qu’il FAUT répondre « non », que le débat doit être relancé, cela doit l’être parce que la réponse EST non. Il me semble que cela devrait être clair pour vous qui êtes, si je ne m’abuse, un proche conseiller de François LEGAULT? Je ne comprends pas pourquoi vous puissiez « douter » quand l’essence de la proposition de la Coalition repose sur l’évaluation des enseignants?
Sylvain M
Bien sûr que je réponds un gros « non » à la question, personnellement.
Comme je crois que le seul groupe de ceux qui répondent « non » peut devenir plus fort si on ajoute tous ceux qui répondent qu’il y a eu amélioration, j’ai voulu associer à notre démarche tous ces gens qui auraient envie de croire que les signes d’amélioration telle que l’ajout de ce protecteur de l’élève sont loin de suffire.
Vous me comprenez mieux ?
Je n’entretiens évidement aucun doute sur la pertinence de l’Ordre et du débat.
Évidemment, je ne veux pas en faire une question de rhétorique, mais ensemble avec ceux qui peuvent entretenir certains doutes, on doit poursuivre ce nécessaire combat pour l’autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants du Québec !
Je comprends merci!
Pour que le débat soit constructif, pour convertir ceux qui doutent, entretiennent ou encouragent le doute, je pense qu’il est important de faire ressortir LES FAITS et les conditions faisant en sorte que vous puissiez être favorable aux moyens proposés par la Coalition pour améliorer la qualité de l’enseignement au Québec. Vous savez certainement que de façon générale, l’amélioration repose sur le principe que l’on ne peut améliorer que ce que l’on mesure. Encore faut-il mesurer ce qui est pertinent.
Sylvain M