Une question de posture…

N.B. Merci à Olivier Boursier du Lab’Oh | Innovation Touristique qui m’a inspiré le titre de mon intervention, lors de la synthèse de la rencontre Villard de Lans digital – Génération Y.

Je me suis adressé à vous en ouverture de rencontre avec des intentions de communication clairement affichées :

  • Les institutions universitaires doivent réagir de manière intelligente à la tempête parfaite, elles doivent revoir leur vision pédagogique et leur modèle d’affaires pour mieux influencer en réinventant la façon dont les profs et les étudiants interagissent dans leur campus qu’ils soient numériques ou patrimoniaux !
  • Les entreprises doivent réagir de manière intelligente à la tempête parfaite en se disant que la monnaie de la nouvelle économie basée sur la collaboration est la confiance. Elles doivent revoir leur modèle d’affaires et leur mission propre pour mieux prospérer en réinventant la façon dont leurs officiers interagissent entre eux et avec leurs clients.

J’ai été ravi de ce que j’ai entendu de tous les intervenants qui ont défilé sur cette scène, chacun de la posture qui est la leur.

Vous les jeunes de la génération Y avez obtenu beaucoup d’attention au fil de ces deux jours et vous avez validé le portrait que nous avons fait de vous. D’ailleurs, je suis toujours aussi frappé, chaque fois que je participe à ce genre d’exercice, de constater que vous aimez bien toute cette attention que l’on vous porte. Je ne sais pas si d’autres générations de jeunes gens avant vous ont bénéficié d’autant de colloques et de séminaires visant à caractériser vos attitudes et expliquer votre comportement en votre présence, mais le fait qu’à chaque fois vos réactions soient positives me porte à croire que vous prenez le bon côté des choses : vous réalisez que le fait d’être né au moment où Internet grand public devenait réalité change votre rapport avec le savoir et la consommation et que nous ressentons fortement le besoin de mieux vous comprendre et connaître de quoi vous êtes faits parce que nous avons besoin de raffermir les liens intergénérationnels.

Cela dit, le privilège de recevoir autant d’attention s’accompagne de certaines responsabilités et j’y reviendrai en fin d’allocution…

Le panel jeudi matin était assez consensuel sur votre propension à générer beaucoup de contenu sur Internet. Art Langer a bien démontré que vous vouliez tout maintenant, au moment où vous en aviez besoin ou envie et il nous arrive parfois même de trop en faire. Je pense à cette traduction simultanée de l’anglais au français pendant l’intervention de mon collègue de l’Université de Columbia. Je me trompe ou elle n’était vraiment pas utile ? Vous semblez très capable de comprendre l’anglais de Art. Je me suis demandé si ce ne serait pas une autre manifestation de notre propension à trop vous « materner » en anticipant des difficultés qui ne sont pas réelles. Enfin…

Un mot sur la notion de vie privée dont il a été question en ouverture et de temps à autre depuis ce temps. À ceux qui voudraient lire davantage sur le sujet je conseille le livre d’un de vos compatriotes, « La vie privée, un problème de vieux cons ? » de Jean-Marc Manach. Certaines statistiques de Geoffrey Delcroix de la CNIL qui viennent tout juste de vous être communiquées vont peut-être dans le sens d’une réponse affirmative à la question !

J’ajoute aussi sur ce que j’ai appelé la génération C (souvent l’équivalent d’une bonne partie de la tranche d’âge comprise dans ce qu’on appelle ici la génération Y), les propos de Christian Hoffmann qu’il m’a généreusement offert en privé suite à mon intervention de hier matin. Je parlais des trois « C » – Communiquer, Créer et Collaborer – et il rebondit sur les défis de cette génération C dans le contexte des études à l’université. Il a aussi trouvé trois « C » qui devraient vous interpeler : (se) Concentrer, (se) Critiquer et Capitaliser. Intéressant, non ?

Olivier Rollot quant à lui a identifié la pédagogie participative comme celle de l’avenir. Bien vrai qu’elle doit diriger les transformations à faire dans l’enseignement ! Ça m’amène à poser une question aux Français ici dans la salle. Ai-je bien entendu Daniel Pagonis en nous présentant Méd@tice nommer son ambition de progressivement éliminer l’enseignement magistral ? Wow ! Première fois en quarante voyages en France que j’entends cela et surtout, que personne n’ait lancé de tomates au collègue affirmant cela ou fait entendre des huées. Je vous taquine… Je sais bien que vous avez trop de respect pour tout le boulot accompli en médecine par le Dr Pagonis. Reste que je décode tout de même un mouvement dans les mentalités. Bousculer le roi magistral n’est plus un tabou…

J’en profite pour revenir sur un autre élément de la journée d’hier. J’ai bien aimé qu’un intervenant réfute cette idée que les jeunes de la génération Y lisent moins. Si les problèmes liés à la maîtrise de la compétence à écrire et à lire peuvent avoir comme racine une certaine utilisation d’Internet (ajout : la lecture et les écrans), je suis de ceux qui croient qu’en terme de volume, les jeunes lisent davantage que leurs prédécesseurs !

Un tout petit mot sur l’heure du déjeuner d’hier pour vous offrir en boutade cette expression du Québéc qui semble avoir frappé des gens à ma table. Je l’ai utilisée dans le contexte de certains de nos débats entre universitaires : S’enfarger dans les fleurs du tapis. Je vous laisse en chercher le sens !

Au moment du panel portant sur la pédagogie dans l’enseignement supérieur, Christophe Batier (mon ami « le bavard ») a émis l’hypothèse de la difficulté des institutions à vraiment gérer ce qui est en périphérie de l’école, ce qui explique souvent l’existence des filtres et des blocages d’Internet dans les institutions au primaire et dans le secondaire et dans plusieurs organisations. Lié au témoignage offert par un jeune à l’effet que ce soit « normal » de ne pas pouvoir utiliser Facebook en entreprise puisque c’est « l’univers privé » et que ça peut constituer une belle perte de temps, je me suis dis qu’il reste beaucoup à faire pour modéliser l’utilisation pédagogique et « sérieuse » des médias sociaux, même auprès de la génération Y. Quel beau contraste avec l’exemple offert par le prof Batier qui utilisait Facebook avec un étudiant qu’il encadrait dans le contexte de diffusion de sa thèse…

Des exemples à multiplier !

Art Langer nous est revenu en posant la question de la responsabilité sociale des universités. De plus en plus d’étudiants ne proviennent plus de la clientèle traditionnelle d’avant. La techno permettrait de résoudre l’équation, selon lui. La présence dans le « lieu classe » semble avoir pris moins d’importance et c’est probablement bien ainsi. Ce « lieu classe » a encore beaucoup d’avenir pour l’enseignement, mais il faudra tenir compte de tout ce qu’on peut mieux y faire et aussi de tout ce qu’on peut mieux faire ailleurs. Le procédé que les Américains appellent des « lectures » dans des grands amphis fait partie de ce qui doit être reconsidéré au profit, peut-être, d’une dynamique de classe inversée ou « flipped classroom« .

Dans le registre des cours de plusieurs universités pouvant être suivis dans celle d’attache d’un étudiant, le professeur Langer nous a donné une belle leçon d’humilité à nous les francophones. Où en sommes-nous dans la francophonie sur ce sujet, nous qui ne voyons même pas venir les Moocs ?

Du côté des entrepreneurs, je me suis demandé pourquoi ils étaient venus présenter sans nécessairement être venus assister à nos travaux avant ou après leur présentation à peu d’exception près ? Je me suis aussi demandé pourquoi les jeunes étaient-ils sans voix quand notre « maître du temps » – Sylvie – a voulu leur passer le micro pour qu’ils réagissent ? Est-ce qu’il y avait un lien avec cette « non-présence » ? Est-ce qu’ils n’avaient pas compris ce qui avait été présenté ? Ou encore ce qu’ils auraient eu à dire était politiquement incorrect ? Ils auraient alors prêté flanc à tomber dans le « j’aime mieux l’approche Orange ou l’approche Veolia et ça les rebutait d’avoir à sauter dans cette galère ? Bref, je ne sais pas. Mon hypothèse : il n’y avait peut-être vraiment rien à ajouter ?

Sur ce sujet, j’aimerais attirer votre attention sur deux auteurs : Rachel Botsman qui nous dit que « la monnaie de la nouvelle économie basée sur la collaboration est la confiance » et Laure Waridel qui elle postule que « Acheter c’est voter » !

Je passe rapidement sur les présentations des jeunes d’hier soir et d’aujourd’hui.

S’il y a quelques indices qui poussent vers l’hypothèse de l’existence d’une nouvelle espèce, l’Homo digitalus, on ne le saura pas avant longtemps. Le temps que des signes clairs apparaissent. Sur les « digital natives », qu’ils existent ou pas, je vous invite à lire Marc Presky et Jacques-François Marchandise qui ont des points de vue intéressants sur cette question…

Sur l’importance de modifier la pédagogie dans le supérieur, clairement, le statu quo n’est plus possible selon les jeunes. En ce qui concerne les hiérarchies et l’attrait du BYOD, les influences de l’interactivité, du bidirectionnel et du « bottom-up» prisés par les jeunes adultes en réaction à l’unidirectionnel et au « top-bottom » sont manifestes, tout comme le fait de se servir de ses propres outils et dispositifs numériques, au travail autant que pour étudier.

Il arrive parfois en ski alpin que l’ordre des skieurs influence les résultats et il faut avouer que ceux « ayant skié » ce matin ont obtenu la faveur du public !

Selon Geoffrey Delcroix de la CNIL, les jeunes de la génération Y ne sont pas des utilisateurs irresponsables. Les 18-24 ans ont vraiment envie de s’exprimer et ils le font de manière plutôt réfléchie. Sa présentation étoffée vaut vraiment la peine d’être consultée.

Je termine en reparlant de cette question de la posture. Celle qui a favorisé l’écoute de ces jeunes de la génération Y est la clé de l’équation. Nous des générations qui précèdent ne me semblons pas trop avoir failli sur ce point lors de ce séminaire. Maintenant, quelle posture doivent adopter ces jeunes pour bien s’intégrer dans le supérieur et au marché du travail ? Une fois qu’ils développent la conviction qu’ils sont écoutés, que leur voix porte, je me dis qu’il vaut la peine de leur faire une suggestion : n’enfoncez plus de portes ouvertes.

Notre génération, mis à part certains frustrés avec qui il y a peu à faire et avec qui il ne faut pas perdre de temps, est pleine d’espoir et veut « connecter » avec vous. Nous vous envions d’avoir ces possibilités qui sont les vôtres. Par contre, de développer la curiosité à propos de ce qu’on a appris et de la façon dont nous nous y sommes pris avec nos moyens du temps, je me dis que ce pourrait être une demande légitime. Nous avons pris le relais de nos aïeuls et façonné ce monde dans lequel nous vous invitons à prendre du pouvoir. En vous intéressant à votre tour aux défis que nous avons relevés, il vous sera permis de mieux les apprécier ! Aussi, il y a dans ce que nous avons construit, des trucs pas bêtes, à ne pas balancer de facto, qui ont de la saveur et de la profondeur. Je vous invite à les découvrir, car nous avons encore la motivation de vous les passer !

Si j’osais, je vous parlerais de l’importance des délais…

En amour, en voyage, en ce qui concerne les apprentissages et dans bien des domaines, le temps est une vertu qui révèle des saveurs et des valeurs inestimables.

Je vous remercie de votre attention.

Ajout du 14 janvier : Christophe répond à trois questions d’un journaliste du Journal Dauphiné Libéré (disponible dans tous les départements du SUD EST de la France)…

Ajout du 11 mars : Les présentations de plusieurs des intervenants peuvent être consultées sur ce site Web de l’événement

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1 Commentaire
  1. Génération Y | Annotary 10 années Il y a

    […] tison bruno: Ecriture sur le Web emploi Veille numérique #ITPYA Sort Share blogue.marioasselin.com       2 minutes […]

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