Le gouvernement a annoncé hier (mardi) huit mesures devant permettre « au gouvernement du Québec de développer son expertise du logiciel libre et d’en intensifier l’utilisation au sein des organismes publics ».
Le titre du communiqué (« Le logiciel libre est une option incontournable pour le gouvernement du Québec ») laisse croire que le virage est pris et que le point de non-retour a été franchi. Rien de plus faux…
Dès lundi, la Presse Canadienne et d’autres médias ont flairé l’arnaque et n’ont pas joué le jeu. Avec des titres comme Le gouvernement du Québec renouvellera sans appel d’offres le contrat avec Microsoft (1, 2), Contrats informatiques – Québec reconduit le décret libéral anti-logiciel libre ou Un centre d’expertise en logiciel libre, mais un contrat à Microsoft, on a vite compris que les journalistes n’ont pas été dupe : c’est ce que l’annonce ne disait pas qui devait faire la nouvelle !
J’avais pu mettre la main sur le plan de communication médiatique du gouvernement quelques jours avant l’annonce :
Le jeudi 14 mars
- Twitter que l’annonce sera faite en début de semaine prochaine.
- Appel des membres de la table de concertation pour leur expliquer notre stratégie de communication et pourquoi le délai. S’assurer que ça ne sorte pas avant le temps.
- Contacter V.L. du Journal Les Affaires pour qu’elle réserve une place dans l’édition de la semaine suivante.
Le vendredi 15 mars
- Prévoir rendez-vous téléphonique avec les journalistes (techno) pour lundi pm.
Le lundi 18 mars
- Faire les entrevues avec les journalistes choisis (durant la journée).
- À 20h, mettre le lien du communiqué sur Twitter.
Le mardi 19 mars
- Envoyer le communiqué aux journalistes à 8h am.
- Le ministre fait un scrum ou un court point de presse au Hot room (je privilégie le scrum).
Le compte Twitter créé pour l’occasion en témoigne, le plan de communication a bien été suivi…
Mais c’était sans compter sur la vigilance des journalistes… et du gros bon sens. Cette annonce était cousue de fil blanc.
Même le journaliste du Soleil qui a probablement été un de ceux rencontrés lundi s’est ajusté en lisant le texte de ses collègues. Pourtant, le message du responsable au Cabinet de la Présidence du Conseil du trésor était sans équivoque :
« Nous apprécions autant votre patience que votre enthousiasme ici afin que la nouvelle sorte avec le meilleur impact possible. »
« Le meilleur impact possible », c’était sans doute de faire croire qu’on était pour aller de l’avant avec les logiciels libres au gouvernement.
Souvenons-nous qu’en mars 2012, le parti québécois avait sévèrement critiqué le gouvernement d’alors :
« Si le gouvernement veut être en adéquation avec sa propre loi, il doit considérer sérieusement l’option des logiciels libres dans son plan de renouvellement des postes informatiques dans la fonction publique », a déclaré Marie Malavoy.
On sait maintenant qu’une fois au pouvoir, le décret adopté par les libéraux semble faire l’affaire. L’annonce devait masquer la couleuvre qu’on s’apprête à nous passer, vraisemblablement. Où est-ce plutôt « la machine » qui a bouffé « le politique » ?
Dans mon parti, je peux compter sur une prise de position sans équivoque dans ce dossier de la gestion des ressources informationnelles. Nous avons quand même attendu l’annonce de mardi matin, fait un point de presse et émis un communiqué de presse. Nous étions prêts à réagir…
Aujourd’hui, nous avons tenté de faire adopter une motion présentée conjointement par nous, le parti libéral et Québec solidaire, mais le gouvernement n’a pas donné son consentement.
Je vais continuer de soutenir les efforts du porte-parole de la Coalition Avenir Québec pour le Conseil du trésor et député de Lévis, Christian Dubé, pour que les prochaines étapes soient plus transparentes. Le décret 1111-2011 qui a été adopté pour contourner la loi 133 vient à échéance le 31 mars prochain et il devrait y avoir de l’action prochainement dans ce dossier.
L’intervention de Christian Dubé résume bien ce qu’on compte faire de la manière la plus constructive possible…
Selon les chiffres du parti québécois, le renouvellement 738 000 postes informatiques dans la fonction publique à un coût estimé de 1,4 milliard de dollars est en cause. On ne parle pourtant pas d’un dossier banal.
N.B. J’ai déjà écrit sur ce sujet… (1, 2, 3, 4). Autre point de vue chez Patrick Giroux.
Tags: "Coalition Avenir Québec" "Plan Numérique"
Il semble y avoir tant d’argent à récupérer rapidement et en un seul coup. La solution semble si facile. Or, si c’était le cas, ne l’aurait-on pas déjà mise en oeuvre? Tout particulièrement dans le contexte budgétaire actuel.
Je pense que tu es bien sage de garder une possible nécessaire porte de sortie à la CAQ en formulant l’interrogation suivante: « Est-ce plutôt » la machine » qui a bouffé » le politique » ? ». Quand j’observe la façon dont l’achat de matériels et de logiciels informatiques s’effectue en éducation, je me dis que le gros du noeud réside dans cette question. En fait, dans le jeu d’influence [démesuré] et complexe qu’exercent les services informatiques au sein des organisations. Fondamentalement, au-delà de la joute politique, n’en es-tu pas toi aussi convaincu?
Cette impression qu’il y aurait autant « d’argent à récupérer rapidement » vient surtout du porte-parole du FQCIL qui avance le chiffre de 700 M$. Ça m’apparaît exagéré, sur le court terme du moins… D’ailleurs, les avantages du logiciel libre dans l’administration publique, s’ils sont réputés moins coûteux, résident aussi dans leur potentiel d’empowerment des communautés. Imaginons la capacité de « profiter » des avancés de ce qui se passe dans les administrations publiques au Brésil, en Norvège ou en France, là où il sont massivement utilisés et vice-versa. Sans compter tout le potentiel économique pour le privé et l’associatif de pouvoir utiliser des solutions complexes et éprouvés pour agir sur des enjeux en commun avec l’administration publique. De belles synergies pourraient voir le jour !
« La machine », face à ces enjeux, offre beaucoup d’inertie, même si en son sein, plusieurs professionnels affichent de la sensibilité pour d’autres approches que celles convenues et traditionnelles. Je suis assez convaincu que seul un leadership politique fort pourra faire basculer les choses dans le dossier de la gestion des ressources informationnelles. C’est une des raisons pour laquelle j’ai été surpris que le PQ n’en profite pas pour se joindre aux trois proposeurs de la motion. Ça irait tellement plus vite avec un consensus pour penser « out of the box » sur la façon dont l’achat de matériels et de logiciels informatiques s’effectue, autant en éducation que dans d’autres secteurs !
À suivre…
La motion des trois proposeurs m’avait échappé. C’est certain que cela aurait pu envoyer un message fort. Merci pour l’info.