Quand on ne cherche pas à développer, on freine !

Gros samedi matin de lecture en cette reprise des activités d’un peu tout le monde. LeFigaro.fr nous offre un dossier complet sur le livre numérique et on y apprend que les éditeurs en France ne souhaitent pas que le marché du livre numérique se développe. Tout un aveu…

« Mais sur les moyens d’aider le livre numérique à décoller en France, la plupart des éditeurs bottent en touche. «Dans votre question, dit Éric Levy, chez Éditis, il y a l’idée qu’on voudrait que le marché se développe. On ne veut pas forcément. Enfin, si, mais on ne veut pas accélérer son développement.» «Nous ne sommes là ni pour pousser, ni pour freiner, mais pour accompagner», estime Alexis Esmenard chez Albin Michel. «Les choses se feront naturellement, il n’y a pas d’action à poser», affirme Catherine Cussigh, directrice du développement d’Hachette.

Je ne suis pas surpris et c’est en plein ce que je soupçonne au Québec, rendu à ce point de la Commission parlementaire qui étudie une proposition de réglementation du livre neuf, imprimé ou numérique. En niant notre retard « en parts de marché » (4% au Québec, 15% dans le reste du Canada et entre 20% et 25% aux États-Unis), les éditeurs jouent exactement la même carte : on n’a pas à faire plus d’efforts qu’on en fait déjà pour le numérique, protégez-nous plutôt des grandes surfaces !

Je ne dis pas que c’est l’opinion de tous les éditeurs – surtout pas des intervenants du numérique, mais depuis que la discussion s’est élargie en commission parlementaire bien au-delà du règlement proposé, on sent bien cette tonalité qui consiste à croire que « les choses se feront naturellement » pour le livre numérique.

« Mais si on ne cherche pas à développer, on freine, de fait, analyse Françoise Benhamou, professeur à Paris-XIII et spécialiste de l’économie de la culture et du numérique. Faute d’aller plus vite, les éditeurs risquent de laisser la voie libre aux géants américains. Mieux vaut être proactif que de contempler ensuite un marché qui est né sans nous ou, pire, à travers le piratage. C’est la leçon minimale qu’on peut tirer de l’expérience de la musique. »

Sur Twitter, François Bon avait le propos cinglant ce matin : « Le lire/écrire numérique ne passe pas par l’industrie du livre, mais qu’est-ce que c’était long pour qu’on l’apprenne en dedans ».

La suite des événements pourraient s’avérer très intéressante…

Ajout du 4 septembre : Au Devoir, Benoit Gignac (Éditeur) écrit dans « Le Québec littéraire doit se réveiller » :

« La question n’est pas de savoir si le Québec de demain sera « papier » ou « numérique » ou de se demander si l’un va tuer l’autre. Se demande-t-on aujourd’hui s’il faut faire un choix entre le cinéma, la télévision et le Web ? Elle est plutôt : le monde littéraire québécois va-t-il laisser passer une occasion phénoménale d’encourager la création et la lecture ? Il en va de l’avenir de la littérature. Et ce, à bien plus court terme que certains ne pourraient le croire. »

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3 Commentaires
  1. […] « Ma rentrée parlementaire », « Réglementer le prix du livre : un effet psychologique » et « Quand on ne cherche pas à développer, on freine ! […]

  2. […] J’ai écrit plusieurs billets dans les derniers mois sur les défis que posent le commerce électronique et la montée du numérique pour tous les maillons de ce qui est convenu d’appeler « La chaîne traditionnelle du livre » (1, 2, 3, 4). […]

  3. […] tous les intervenants de la chaîne du livre. J’ai beaucoup écrit sur le sujet (1, 2, 3, 4, 5, 6) et le rayonnement de ces billets m’a donné l’occasion de rencontrer plusieurs […]

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