Plusieurs experts et observateurs intéressés de la politique québécoise (1, 2, 3, 4, 5) ont établit un lien clair entre le dépôt cet automne du projet péquiste de Charte des «valeurs québécoises» et le wedge politics ou « stratégie de division » qui consiste à adopter une position inflexible sur un sujet controversé qui a le potentiel de séparer en deux camps distincts les électeurs. Jean Charest et le PLQ ont eu recours à cette pratique auparavant et Stephen Harper maîtrise assez bien cette façon de faire :
« L’important, avec la politique de la division, c’est l’étendue du désaccord dans le camp opposé. Il faut profiter à plein de la controverse pour aller chercher des voix chez l’adversaire. Il faut semer la zizanie. C’est le vieux concept de diviser pour régner !»
Le choix du thème de la laïcité au Québec colle parfaitement au portrait robot d’un enjeu susceptible de raffermir sa base pour l’élargir au dépend des formations politiques qui ont des positions plus nuancées.
Pour ce faire, le PQ a commencé par nommer le tout « Charte des valeurs des Québécois » au lieu d’utiliser le mot laïcité.
Dès le dépôt du projet, la proposition péquiste, radicale, a divisé les souverainistes; Maria Mourani et Jean Dorion pourraient en témoigner.
Ensuite, l’approche a eu le mérite de réunir trois ex premiers ministres du Parti Québécois, ce qui n’est pas rien, mais contre lui : les trois trouvaient que le projet allait bien trop loin.
L’épisode du Conseil du statut de la femme a révélé que parmi la gente féminine, voire féministe, il y avait aussi de profondes divisions.
Par la suite, les quatre principaux candidats à la Mairie de Montréal se sont fait dire de garder pour eux leurs commentaires; les montréalais sont eux-aussi divisés et l’unanimité contre le projet des Coderre, Joly, Bergeron et Côté ne fait pas l’affaire du gouvernement.
Cette semaine, une personnalité bien en vue du public a traité de « folles » les femmes qui disent porter le foulard islamique par choix, mais s’est excusée par la suite. Une autre tout aussi aimée des Québécois a affirmé : « Je n’aimerais pas être soignée par une femme voilée. J’aurais peur ».
Une semaine où l’avis des experts des droits de la personne et de la jeunesse s’est dressé contre l’opinion des Janette qui, elles-mêmes, ont eu à composer avec les inclusives !
Le projet du PQ polarise à souhait… Quel dommage !
Pour que la stratégie du « wedge politics » soit bien appuyée et donne les résultats souhaités, on a pris soin de puiser à même le programme de la Coalition Avenir Québec (dont la position sur la laïcité est beaucoup plus équilibrée, donc, au milieu du spectre politique) dans plusieurs thèmes, dont celui du remboursement des entreprises collusionnaires (nouvelle position du PQ) et celui des commissions scolaires (nouvelle position du PQ).
La stratégie qui consiste à prôner intentionnellement la division dans l’électorat est probablement la dernière carte pouvant être jouée par le Parti Québécois, dans le contexte où le gouvernement a abandonné l’objectif du déficit zéro (Ajout : La question est : combien?) ajouté à celui où les mauvaises nouvelles sur la situation économique du Québec s’accumulent.
On ne sait pas encore si le « wedge politics » à la sauce péquiste fonctionnera. Cependant, il faut bien avouer qu’il sert assez bien, actuellement, la tentative de Mme Marois d’ouvrir assez grande la seule fenêtre de cet automne pour un scrutin, soit tout de suite après celui au municipal. Semble-t-il que la décision sera prise cette semaine.
J’ai écrit aux premiers jours du projet de « charte des valeurs des Québécois » défendu par Bernard Drainville qu’il pourrait bien devenir le «Chemin de croix du PQ». Ça ne pourra être possible que si la stratégie du « wedge politics » se retourne contre le gouvernement. En ce moment, il y a bel et bien polarisation, une certaine remontée du PQ dans les sondages, et un certain creux nous concernant; mais sera-t-on capable au PQ de maintenir l’intérêt sur la Charte pendant les trente-trois jours d’une campagne, jusqu’à des élections générales, qu’elles aient lieu en décembre ou ce printemps ?
À ce moment, si le Parti Québécois réussit à additionner à son 31,95% de votes du 4 septembre dernier, par cette stratégie, la Charte péquiste pourrait plutôt signifier une calvaire pour les Québécois. Le thème de la laïcité aura ainsi été instrumentalisé et fort mal exploité. Et pour quels bénéfices ?
Un sujet si important sacrifié pour l’intérêt d’un parti politique qui contestait justement le recours au « wedge politics » quand il s’agissait de Jean Charest qui a sciemment utilisé les hausses des droits de scolarité dans ce sens.
Dire qu’en présentant rapidement un projet de loi à l’Assemblée nationale, on pourrait régler le dossier des accommodements religieux et de la laïcité à la satisfaction d’un très très grand nombre de Québécois…
J’espère me tromper, mais la politique de la division risque d’être entretenue par le PQ pour encore plusieurs semaines (Ajout : Michel C. Auger écrit dans ce billet que « depuis deux mois, on a la désagréable impression que le gouvernement ne veut pas que les choses soient claires dans ce débat »). Sa quête de rester au pouvoir l’emportant sur celle d’affronter son propre bilan économique (bien mince, il faut l’admettre), quitte à diviser le mouvement souverainiste, les femmes entre elles ou les montréalais. Sans compter le reste du Québec…
Pendant ce temps-là, à la Coalition, nous comptons plutôt sur les Québécois qui veulent participer activement à un changement d’approche en politique.
Ce ne sera pas facile de contrer la stratégie de division du PQ, qui donne certains signes de succès, mais on s’y attaquera fermement, élections générales ou pas !
À suivre…
Mise à jour du 28 décembre 2013 : Le gouvernement n’est pas allé en élections cet automne, mais il continue d’utiliser l’enjeu de la charte à des fins électorales. Il a bel et bien déposé un projet de loi et plus de 206 mémoires seront étudiés en commission parlementaire, mais la publication pendant les Fêtes d’un guide aux allures de propagande renforce la conviction de ceux qui croient encore que le présent dossier est utilisé en « wedge issue » en vue d’un scrutin au début de 2014. Ma formation politique souhaite l’adoption d’une charte équilibrée, mais le Parti Québécois semble vouloir exploiter le dossier de la charte coûte que coûte.
Mise à jour du 22 février 2014 : Chronique de David Desjardins qui évoque le sujet de ce billet avec une allégorie sur le baseball. Brillant.
Mise à jour du 2 mai 2014 : La campagne électorale est terminée et le PQ a perdu son pari : la charte ne lui a pas donné la majorité espérée. Je tiens à garder la trace de ce billet, Les irresponsables, qui touche le sujet des avis juridiques que, manifestement, le gouvernement de l’époque n’avaient même pas demandés. Voici donc un autre aspect de la proposition qui témoigne du fait que « les péquistes ont joué aux pyromanes avec la Charte de la laïcité » à des seules fins électorales.
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[…] le gouvernement tente de recentrer son discours sur son projet de charte des valeurs puisque le wedge politics le sert beaucoup mieux que le dossier […]
[…] le fait d’évoquer ici ce témoignage. J’ai déjà écrit que le PQ faisait du wedge politics avec le dossier de la charte et on saura bientôt si la tenue d’élections générales avant […]
[…] déclenchement d’élections générales au Québec, avant ou pendant ce printemps 2014. Le « wedge politics » ayant relativement bien fonctionné avec la proposition radicale d’une charte des valeurs, […]
[…] l’ai écrit sur ce blogue aussitôt que l’automne dernier, la décision du Parti Québécois de monopoliser le débat politique par le biais d’une […]
[…] quelle prétexte utilisera la première ministre devant le gouverneur général ? Peu importe, le plan du gouvernement dans l’utilisation du dossier de la charte était clair, il ne faut pas se surprendre de ce […]
[…] écrit dans le ciel que le dossier de la charte des « valeurs » serait instrumentalisé pour provoquer des […]
[…] d’agir rapidement puisque la demande faisait consensus et son gouvernement a plutôt choisi d’instrumentaliser le dossier de la charte des valeurs. Une autre des promesses brisées du […]
[…] accuser les péquistes d’avoir tabletté le rapport, mais je suis de ceux qui croient que l’instrumentalisation d’une charte des valeurs par Pauline Marois a quelque chose à voir, justement, au manque de suivi libéral des […]
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[…] du deuxième groupe d’opposition, à la «performance» du parti de Pauline Marois. Le «wedge politics» préconisé au Parti Québécois (PQ) par l’utilisation du dossier identitaire à des fins […]
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