Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».
Quand on lit dans un journal une histoire comme celle de l’élève du secondaire ayant pleuré pendant deux jours après que la directrice lui eut interdit de participer à son bal de finissants à cause d’une dette de 447 $, on a naturellement le goût de lancer une collecte.
Pas moi.
Hier, quand j’ai lu « cette nouvelle », mon réflexe a été de me demander : qu’est-ce que je ne sais pas qui serait important de savoir avant de m’emporter ?
J’ai deux problèmes avec le récit du papa, en particulier.
Comment peut-on vraiment aider sa jeune fille quand on expose ainsi dans les médias ses doléances, sachant que toute l’école sentira une pression énorme sur elle pour discuter d’un cas personnel, sans qu’elle ne puisse le faire ?
Comment peut-on à la fois être «pas enchanté de voir son histoire racontée dans un journal» et donner autant de détails sur sa vie privée et ses difficultés ?
On parle ici d’une injustice, celle de ne pouvoir participer à un bal des finissants.
J’ai écrit hier un billet dans lequel j’ai évoqué cette malheureuse histoire, par un hyperlien. Je maintiens qu’il s’agit d’un autre cas d’enfants «qu’on échappe» et si on doit lui porter attention, ce n’est surtout pas parce que les méchantes directions d’école se servent des événements qui tiennent à cœur aux enfants pour récupérer des parents l’argent qui serait dû aux écoles.
Oui, l’école «a échappé» un enfant dans les médias, dans un conflit qui, je l’imagine facilement, est beaucoup plus complexe que cette simple façade du bal des finissants.
J’ai été directeur d’école au secondaire et je connais bien la charge affective liée à la fin d’une année scolaire. Je comprends aussi le désir d’une jeune fille de cinquième secondaire de participer au bal des finissants, ainsi que le désarroi d’un père qui voit pleurer sa fille pendant quelques heures.
Mais grand Dieu, peut-on deux secondes penser sérieusement qu’une direction d’école n’ait pas tout un vécu avec cette étudiante (et avec sa famille) et qu’elle ne doit absolument pas « embarquer » pour le bien de cette jeune élève dans les médias pour rapporter son côté de médaille ?
On échappe des enfants de bien des manières au Québec.
Ne comptez pas sur moi pour blâmer les médias dans ce genre d’histoire où l’oeil de la caméra ou le calepin d’une journaliste n’a qu’un angle pour raconter « une histoire ».
L’attention des médias, c’est précieux, utile et nécessaire dans une société. Quand un papa choisit librement (je présume que c’est le cas dans cette histoire) de les utiliser pour faire valoir sa position dans un conflit qui l’oppose à une direction d’école, on doit tous comprendre qu’on en est rendu là : dans un conflit entre une jeune fille qui pleure et une école qui tient son bout, l’école va souvent (pour ne pas dire toujours) avoir tort et le fardeau de la preuve lui revient.
«On échappe» de plus en plus d’enfants qui pleurent au Québec parce qu’on est de plus en plus mélangé en tant que société à savoir quand il faut leur dire «non» et quand il faut leur dire «oui».
Et ce débat dépasse les seuls murs de l’école.
L’adolescente ira-t-elle à son bal? Rien ne l’indique pour le moment…
Mise à jour : Il semble que l’organisme Jeunesse au Soleil vienne d’ouvrir un «fonds d’aide aux finissants du secondaire». Un «fonds d’aide aux parents qui n’arrivent pas à s’acquitter des factures de matériel scolaires», j’aurais compris, à la limite, mais là ?!? Décidément, à force d’accorder autant d’attention à la situation d’une seule élève (décision injuste ou appropriée de la direction, peu m’importe), ce bal des finissants sera bien particulier. À suivre…
Mise à jour du 2 juin 2014 : L’adolescente ira au bal.
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